A la vie, à la mort

Parler de la mort, celle que l’on choisit quand les souffrances sont devenues insupportables et incurables, pour redonner du goût à la vie : c’est l’ambition de En attendant le jour, écrit et mis en scène par François Sauveur.

Le 28 mai 2002, une loi encadrait la pratique de l’euthanasie en Belgique, en définissant de manière précise ses conditions –  » situation médicale sans issue « ,  » souffrance physique et/ou psychique constante, insupportable et inapaisable « ,  » le patient est une personne majeure capable d’exprimer ce qu’elle veut  » ou  » une personne mineure capable de juger par elle-même « , etc. – et les devoirs du médecin. Le docteur Luc Sauveur, exerçant la médecine palliative depuis 2001, a pratiqué l’euthanasie pour la première fois en 2003, sur un tétraplégique de 40 ans qui ne supportait plus son état. Un acte évidemment secouant que peu de médecins, aujourd’hui encore, acceptent d’endosser.

Treize ans plus tard, le fils de Luc Sauveur, François, comédien vu notamment dans des projets de Fabrice Murgia (Exils, Black Clouds), Vincent Hennebicq (Heroes Just for One Day, Going Home) et Jean Lambert (Tête à claques), porte le témoignage de son paternel sur les planches, dans sa toute première mise en scène.  » A force de parler avec d’autres personnes de ce que faisait mon père, je me suis rendu compte de la méconnaissance qui entoure l’euthanasie « , explique François Sauveur.  » On a tendance à tout mélanger. Pour moi, on est ici au-delà de la médecine, au-delà de toute considération théorique. Le médecin qui pratique l’euthanasie est un homme qui accepte de répondre à une souffrance, de prendre sur lui une violence, celle de donner la mort, de franchir ce tabou-là et de prendre ce risque psychologique.  »

Pas un échec

En attendant le jour, créé prochainement au théâtre de Liège, joue sur l’alternance de la réalité et de la fiction théâtrale en mêlant vidéos de témoignages réels, trois comédiens – auxquels s’ajoute Luc Sauveur lui-même – et de la musique atmosphérique, écrite parallèlement au texte par François, également musicien.  » Le rapport à la mort me travaille depuis longtemps, confie encore le metteur en scène. Moi, j’ai vu des morts quand j’étais très jeune. J’ai vu mes grands-parents, le cercueil ouvert pendant trois jours dans la maison… Je trouve ça hallucinant qu’il y ait autant de gens qui n’ont jamais vu un mort. Alors, ça reste quelque chose de très abstrait. Ce qui m’intéresse dans le sujet de l’euthanasie, c’est qu’on se réapproprie la mort. C’est aussi une réponse à des années d’acharnement thérapeutique, des années de fuite de la mort considérée comme l’échec suprême de la vie, alors que c’est une évidence : on va tous mourir à un moment donné. Ce n’est pas un échec. La question, c’est plutôt : qu’est-ce qu’on fait du temps qu’on a à vivre ? En attendant le jour doit donner envie aux gens de se dire qu’ils s’aiment et de boire un verre ensemble.  » Un spectacle sur un sujet lourd, certes, mais qui se veut tout sauf sombre.

En attendant le jour, du 23 au 29 octobre, au théâtre de Liège ; du 23 au 25 novembre, au théâtre de Namur ; du 6 au 10 décembre au Théâtre des martyrs, à Bruxelles.

PAR ESTELLE SPOTO

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire