A la rencontre des Zelenka: Diplômes et black music

Lucas : Nous nous sommes mariés à l’église, Klara en blanc. En Tchéquie, on a le choix entre la commune et l’église. Il n’est pas nécessaire de se marier civilement puis religieusement, pour autant que la commune soit prévenue. Nous n’allons jamais à l’église, comme la plupart de nos compatriotes, mais la cérémonie y est plus belle. Nous n’avons invité qu’une trentaine de personnes au banquet. Chez nous, on n’invite que sa famille proche et ses vrais amis. Les connaissances viennent à l’église. Nous tenions à nous unir le 1er juin. C’est une belle date et elle est facile à retenir. Qui sait, dans dix ans… (il rit)

Lucas et Klara se sont unis le 1er juin, à Prague, leur ville natale. Le mariage était programmé depuis dix mois.

Racontez-nous votre mariage…

Comment vous êtes-vous connus?

Dans une discothèque. Klara connaissait mon frère, mon cadet d’un an. C’était en janvier 1998. Elle m’a plu tout de suite: elle est jolie, sympathique et elle n’est pas intéressée. Etre joueur professionnel est parfois difficile: les filles vous courent après parce qu’elles pensent que vous êtes riche.

Elle a changé votre vie.

Elle m’aide beaucoup car je suis toujours négatif. Elle me rend courage, elle relativise les choses. Elle regarde tous les matches et nous en discutons. Elle s’y connaît. Sans elle, je ne serais pas à Westerlo et je n’aurais pas été nominé au Jeune Pro de l’année. Quand j’étais seul, je retournais tous les problèmes dans ma tête. Je suis parfois de mauvaise humeur mais elle me comprend. Ma vie n’a pas toujours été aussi facile: j’avais 17 ans quand je suis arrivé à Anderlecht. J’étais un gamin. J’habitais dans l’immeuble dévolu aux jeunes étrangers. Je n’avais pas de vie privée: si je sortais, tout le monde le savait. C’était comme un internat. Heureusement, à 18 ans, j’ai obtenu un appartement. Puis Klara est entrée dans ma vie.

Tout en achevant ses humanités.

Avoir un diplôme est très important. Elle passait une semaine tous les trois mois avec moi: elle prétextait une maladie pour brosser les cours. Elle a achevé ses études en 1999. Moi-même, j’ai insisté auprès d’Anderlecht pour poursuivre mes humanités: je retournais tous les trois mois en Tchéquie, je passais des examens, parfois trois ou quatre cours par jour car je n’avais pas beaucoup de temps et je repartais avec la matière à étudier pour les examens suivants.

Vous marier était important?

Très. Si je n’avais pas de femme, je serais tenté de sortir. Klara est un facteur d’équilibre. Elle-même avait besoin de papiers car avant notre mariage, elle n’obtenait de visa que pour trois mois et elle devait ensuite rentrer en Tchéquie. Une fois, on l’a arrêtée et on l’a enfermée dans un pièce avec des prostituées. Il y en a malheureusement beaucoup et un douanier borné a prétendu que la photo de son passeport ne correspondait pas. Elle est revenue en pleurant. Certains me disent que je suis fou de me marier à 21 ans mais pourquoi attendre?

Vous avez des projets?

Acheter une maison, que nous meublerons sommairement au début. A Prague, nous logeons chez les parents de Klara. C’est grand mais son frère, marié et père de famille, y vit aussi et l’appartement n’est pas extensible. Nos compatriotes veulent acheter une grosse voiture, quand ils ont de l’argent. Moi, je veux d’abord un toit.

La vie est-elle trè différente en Belgique, d’après vous?

Les Belges ont plus d’argent. Je trouve toutefois la Tchéquie plus moderne: le métro y est dix fois mieux qu’ici. A Bruxelles, j’aurais peur de prendre le métro. D’ailleurs, si on veut admirer des monuments historiques, il faut aller à Bruges ou à Gand. La vie est chère ici. En Tchéquie, on peut s’offrir un bon repas à deux pour 200 francs. Evidemment, les gens gagnent beaucoup moins.

Les préparatifs du mariage n’ont pas dû être faciles, depuis la Belgique.

Klara : Nous avons réglé les formalités administratives à la Noël et récemment, j’ai passé trois semaines là-bas. Ma mère nous a beaucoup aidés.

Vous n’avez pas prévu un long voyage de noces.

Lucas est repris en équipe nationale. L’entraîneur a compris la situation mais il joue le 5 juin. Ensuite, nous passons une semaine à Majorque. Pas plus car nous souhaitons acheter une maison à quelques kilomètres de Prague et nous avons beaucoup de frais. Nous passerons le reste des vacances dans un cottage dans les montagnes, pas loin de Prague, comme d’habitude.

Qu’aimez-vous en Lucas?

Sa gentillesse. Il n’a pas le gros cou comme certains joueurs. Il est très attentionné. Macho? Pas du tout. S’il est fatigué et ne s’occupe pas de moi pendant quelques jours, il me présente ses excuses. Nous effectuons tout ensemble. Lorsqu’il revient de l’entraînement, nous faisons les courses. S’il fait beau, nous allons promener dans les bois. Nous adorons ça. En fait, à Bruxelles, il y avait trop de monde. Nous aimons le calme, la campagne. En Tchéquie, pendant les vacances, nous faisons du vélo, nous allons nager dans un lac, car il fait très chaud en été. Lorsque Lucas court, pour entretenir sa condition, je l’accompagne en vélo.

Vous avez l’air sportive?

Oui. Mon frère m’a appris le karaté. J’ai toujours joué au tennis, en amateur. Je continue avec Lucas. J’ai besoin de bouger. Pendant que Lucas s’entraîne, je fais le ménage mais il est vite achevé et je ne puis sortir seule, faute d’auto. Nos amis habitent à une certaine distance. Après les vacances, je vais m’inscrire dans une salle de fitness. Lucas et moi jouons aussi au snooker. C’est un sport très populaire en Tchéquie. Je m’intéresse au football depuis que je connais Lucas, ce qui est normal.

Vous ne vous sentez pas trop isolée?

Pas du tout. Au village, les gens me parlent en anglais et le club est très familial. Les joueurs et les femmes se retrouvent souvent pour des petites fêtes. Ce n’est pas comme à Anderlecht, où chacun part de son côté après le match ou l’entraînement. Je m’entends particulièrement bien avec les copines de De Coninck et de Willemsen car nous sommes du même âge et nous avons les mêmes centres d’intérêt.

Avez-vous d’autres loisirs?

Nous menons une vie calme. Parfois, nous allons boire un verre ou manger un bout dans une taverne. Nous allons aussi au cinéma. J’ai un faible pour les films d’horreur. Oui, j’aime avoir peur! J’apprécie aussi les comédies. Lucas, lui, aime les films d’action: Schwarzenegger, Stallone. Nous regardons aussi la télévision, surtout moi. Les chaînes flamandes diffusent les films en version originale, donc souvent en anglais, avec des sous-titres en néerlandais. J’écoute beaucoup de black music, du rap, Lucas préfère les chansons. Il ne supporte pas la house, le rock ni la techno.

Pas de shopping?

Une ou deux fois par mois, comme toutes les femmes. Lucas m’accompagne. Nous n’achetons rien qui ne plaise à l’autre. Lucas surveille nos finances: il fait le compte de ce qu’il faut payer et parfois, nous retardons un achat de quelques semaines.

Désirez-vous des enfants?

Oui, mais pas tout de suite. Nous ne voulons pas que leur scolarité soit perturbée par des déménagements. En Tchéquie, la scolarité est obligatoire à partir de sept ans. Si nous avions un enfant maintenant et que Lucas continue à jouer jusqu’à 30 ou 35 ans, il devrait changer d’école. Or, il aimerait achever sa carrière en Tchéquie et s’y reconvertir. Peut-être aussi y ouvrir un magasin, si nous avons assez d’argent. Personnellement, j’aimerais déjà avoir un bébé, le bercer, le pouponner. Il me tiendrait compagnie quand Lucas n’est pas là. D’un autre côté, nous pouvons mieux profiter de notre temps libre, de nos vacances. Et quand nous en aurons, nous nous consacrerons à eux. Tout tournera autour d’eux.

Pascale Piérard

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