À LA RECHERCHE DE LA NOUVELLE STAR

La Women’s Champions League fait escale à Sclessin, ce soir. Le Standard affronte le tenant du titre, Francfort, et doit défendre l’honneur de la Belgique en Europe. En coulisses, les Rouches sont en train de dessiner les contours de l’ère post-BeNe League.

La tribune près du terrain P3 de l’Académie Robert-Louis Dreyfus est bien garnie pour le duel U17 entre la Belgique et la Géorgie. Pour les Belges, c’est le début de la route vers le Championnat d’Europe de l’an prochain en Biélorussie. Alors que la Brabançonne résonne, Fery Ferraguzzi, le directeur technique du Standard Femina, montre fièrement deux filles qui trépignent d’impatience.  » Ce sont deux filles à nous « , explique-t-elle. Sarah Wijnants et Davinia Vanmechelen sont les deux nouveaux fers de lance d’un Standard rajeuni. Les deux Rouches marquent cinq fois au cours d’une hallucinante victoire : 15-0 !

Les chances de voir Wijnants et Vanmechelen secouer à nouveau cinq fois les filets ce soir, sont nulles. Le rapport de force entre le Standard et le FFC Frankfurt est tellement disproportionné qu’il faudrait déjà un demi-miracle pour arracher un partage. La saison dernière, Francfort a remporté la Ligue des Champions en surclassement. En neuf rencontres, les Allemandes ont marqué 42 buts. Seul le PSG est parvenu à opposer une certaine résistance en finale (2-1). Ferraguzzi compare le match entre le Standard et Francfort à une course entre une Citroën et une Ferrari.

Grâce au soutien de la Commerzbank – le deuxième plus grand groupe bancaire d’Allemagne – le budget du FFC Frankfurt atteint les 2 millions d’euros. Des chiffres à rendre jaloux dans le milieu du football féminin. Il ne faut pas chercher plus loin la raison pour laquelle le club s’est bâti un palmarès aussi riche : quatre Ligues des Champions, sept titres nationaux et neuf coupes. Comparé à celui du mastodonte allemand, le budget du Standard est dérisoire. Ferraguzzi :  » La saison dernière, en BeNe League, notre budget était plus élevé. Les frais de déplacement étaient importants. Il fallait aussi prévoir des nuits d’hôtels, des primes de victoires et des indemnités de déplacements pour des joueuses qui habitent loin de Liège, comme Wullaert et Lewerissa. Ces frais ont quasiment disparu, et aujourd’hui, nous nous débrouillons avec un budget moindre.  »

LES GRANDES PERDANTES DE LA RÉFORME

Les moyens quasiment illimités de Francfort font pâlir d’envie l’entraîneur du Standard, Benoît Waucomont.  » Je suis allé visionner Francfort et je suis entré dans une autre dimension : 2.500 spectateurs dans le stade, des caméras de télévision partout, des interviews enregistrées devant un panneau rempli de publicités. Et je ne parle même pas des joueuses (il soupire). Ce sont des machines. Nous ne luttons pas à armes égales. Nous sommes des amateurs, les joueuses de Francfort sont toutes professionnelles. Mon équipe devra se surpasser et nous devrons bénéficier d’un concours de circonstances pour faire bonne figure.  »

Pour le Standard, la Ligue des Champions tombe à point nommé pour oublier les soucis nationaux. La disparition de la BeNe League a fait beaucoup de tort aux Rouches. Les Liégeoises sont privées des duels contre l’Ajax, Twente ou le PSV. Place à la Super League, version light de la Jupiler Pro League, y compris les play-offs et la division des points. Mais avec seulement vingt journées de championnat.  » J’ai des filles qui font chaque semaine un millier de kilomètres pour venir s’entraîner et jouer un match de championnat le week-end. Est-ce bien raisonnable, pour vingt matches par saison ?  » déplore Waucomont.

Les vedettes Wullaert et Lewerissa se sont empressées de quitter la Belgique. L’histoire de la marqueuse hollandaise Lewerissa est édifiante. Le sélectionneur national néerlandais, Arjan van der Laan, l’a menacée de ne plus l’appeler si elle restait jouer en Belgique. Alors qu’il y a quelques mois, il venait régulièrement à Liège pour la scouter. Le Standard est donc le grand perdant de la réforme de la compétition.  » Nous voulons représenter dignement la Belgique en Europe avec le Standard. Si nous réalisons un bon résultat contre Francfort, nous pourrons peut-être faire bouger les choses.  »

Le calendrier irrite également le Standard. Waucomont a donné le coup d’envoi de la nouvelle saison le 13 juillet. Trois mois plus tard, l’équipe n’a joué que quatre matches. Le mois passé, la compétition a été interrompue pendant trois semaines, et il n’y a pas davantage de matches officiels entre la mi-décembre et la mi-février. Waucomont :  » Lors de l’élaboration du calendrier, on n’a tenu compte que de l’équipe nationale. La fédération s’est mis une énorme pression : les Red Flames doivent à tout prix se qualifier pour l’Euro 2017. Mais le coach fédéral a-t-il réellement besoin de dix jours de préparation pour affronter un adversaire aussi faible que la Bosnie ?  »

UNE ACADÉMIE DE 110 JOUEUSES

La disparition de la BeNe League n’a eu qu’un seul effet positif : le Standard Femina a pu accélérer le passage de ses jeunes talents vers l’équipe Première. Au début des années 80, la politique de jeunes du Standard était un no man’s land.  » La Belgique accusait au moins vingt ans de retard sur le football italien et allemand « , se souvient Ferraguzzi.  » Lorsque je suis arrivée ici en 1980, j’étais habituée au professionnalisme de la Lazio. Lors de mon premier match avec le Standard, je me suis retrouvée avec les chevilles dans la boue sur le champ de patates de Veldegem.  »

Ferraguzzi a secoué le cocotier. La direction du Standard a suivi et a lancé un plan très ambitieux : une académie de jeunes pour les filles. Elle compte aujourd’hui 110 joueuses réparties entre six équipes. Les infrastructures, les entraîneurs diplômés et l’encadrement professionnel ont produit leur effet.  » Ce n’est pas comme chez les garçons, où tout tourne assez tôt autour de l’argent. Lorsqu’une fille s’inscrit, elle est surtout attirée par l’académie.  »

D’autant plus que toutes les équipes de jeunes – des U12 aux U15 – affrontent des équipes masculines de la province de Liège.  » Nos filles affrontent toujours des garçons qui ont un an de moins. Elles gagnent régulièrement, parce qu’elles s’entraînent trois fois par semaine et sont techniquement meilleures. Pas uniquement parce qu’elles ont un an de plus.  »

L’académie ne permettra pas au Standard de s’enrichir. Mais, à terme, cette politique doit permettre de révéler une nouvelle Tessa Wullaert. Ou une version moderne de l’icône Aline Zeler.  » Je nourris un rêve un peu fou : celui de voir, un jour, onze filles de notre académie au sein de l’équipe Première. Ce serait une récompense pour tous les gens qui travaillent dans l’ombre.  »

PAR ALAIN ELIASY – PHOTO PG/STANDARD DE LIÈGE-ALAIN VINCENT

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