À LA RECHERCHE D’IDENTITÉ

Nouveau logo, nouveau coach. Et, bientôt, un nouveau nom ainsi qu’un nouveau président. Un changement d’image qui a un coût, mais aussi et surtout un but : rendre une âme à un club trop longtemps délaissé par sa base. Enquête.

L’histoire récente de celui qu’on appellera encore pour quelques mois le Royal Mouscron Péruwelz a longtemps ressemblé à une mauvaise blague belge. Les pires. Celles qu’on raconte avec l’accent français et sans trop de conviction. Mais à partir du premier février prochain, les supporters mouscronnois seront définitivement quitte de leur encombrant voisin français.

FernandoDaCruz, encore officiellement directeur du Futurosport pour une grosse semaine et dernier Lillois à occuper une fonction dans l’organigramme mouscronnois, devrait retrouver place officiellement de l’autre côté de la frontière. Au Domaine de Luchin, plus précisément, afin d’y devenir le responsable de recrutement à haut niveau du centre de formation lillois. Un juste retour des choses pour la plupart des sympathisants du RMP, une étape supplémentaire dans la mue opérée par un club qui tend petit à petit à retourner vers ses racines.

La première étape de cet encombrant cheminement avait lieu ce samedi 23 janvier au Canonnier. Dans le froid, la grisaille, mais pas dans la neige. Car il ne neige pas en Wallonie-Picarde, ou rarement en tout cas. Pas de paysage de carte postale donc pour illustrer le nouveau logo, mais un joli banquet dans une ambiance de changement de règne.

Deux heures plus tôt et à quelques mètres de là avait débuté un conseil d’administration extraordinaire suite au non-paiement de la dernière tranche du rachat des parts lilloises (1,25 million d’euros) par le groupe Gol Football Malta Limited (GFML) des agents PiniZahavi et FaliRamadani.

Si l’argent devait finalement bien rentrer dans les caisses et la GFML ainsi devenir, comme prévu initialement, propriétaire de 90 % des parts du portefeuille mouscronnois, ce sont deux autres breaking news qui allaient retenir l’attention : la confirmation de la démission du président EdwardVanDaele au 30 juin ainsi que, plus surprenant, le licenciement avec effet immédiat de RolandLouf, directeur général du club, qu’on savait en incompatibilité d’humeur constante avec YouriSelak, directeur sportif. De quoi plomber quelque peu les festivités programmées pour la présentation du nouveau logo à l’occasion de la réception de Lokeren.

Et dire que traditionnellement, en janvier, quand ça s’anime, on a l’habitude de parler de mercato agité. A Mouscron, quand ça s’excite, la tendance est plutôt à se remémorer l’histoire récente d’un club qui, en 7 ans, a connu une mise en liquidation, le rachat du matricule 216 de Péruwelz et un rapprochement d’intérêt express avec le LOSC.

Un passé qui a durablement altéré l’image du club et qui a, aujourd’hui, un coût : entre 40.000 et 50.000 euros pour le seul ravalement de façade lié au changement de logo, mais qui a pour but de durablement changer l’image négative d’un club qui a tout connu, mais surtout le pire en une décennie. Magnéto.

DES UNIJAMBISTES ET UN ESCROC KAZAKH

Parce que oui, indubitablement, celui qui se fera officiellement appeler le Royal Excel Mouscron dès le début de la saison prochaine, revient de loin. Pour comprendre comment le RMP en est arrivé au point de vouloir se réinventer, il faut remonter à l’été 2005 et au départ du président historique de l’Excel, JeanPierreDetremmerie.

C’est aussi le moment où Edward Van Daele, découvre avec de grands yeux un milieu plus hostile qu’accueillant.  » On (avec FrancisD’Haese et Roland Louf avec lequel il a brièvement formé un triumvirat à la tête du club, NDLR) a vu arriver tous les escrocs de la planète, ou à peu près, qui s’intéressaient à un club de foot à l’époque.

Il fallait faire un tri là-dedans, tout en assurant la survie du club, sa pérennité, son ambition sportive et sauvegarder l’esprit.  » Manque de pot, son associé d’alors, Francis D’Haese, ne voit pas les choses de la même manière. Jean-Pierre Detremmerie, l’ancien président des belles années mouscronnoises non plus.

A cette époque, le noeud de la discorde entre les deux clans en charge de l’avenir de l’Excel se nomme RakhatAliyev, beau fils du président de la république du Kazakhstan, approché par Jean-Pierre Detremmerie himself pour entrer dans le capital du club.

Malgré l’insistant pressing de Francis D’Haese, Aliyev ne viendra jamais. Cela n’empêchera pas Van Daele, vexé, de claquer une première fois la porte à l’automne 2006 et d’assister à la descente aux enfers des Hurlus :

 » La faillite de décembre 2009, je l’ai vécue de loin, mais je pense que l’erreur de PhilippeDufermont (arrivé à la suite de Francis D’Haese à la présidence, NDLR) c’est d’avoir imaginé qu’il s’y connaissait en matière sportive et d’avoir fait venir une rafale de joueurs qui se sont avérés pour l’immense majorité d’entre eux des unijambistes surpayés.  »

On a connu l’avocat en droit des affaires plus tendre dans ses plaidoiries, on l’a aussi connu plus rancunier. Une fois la société Excelsior Mouscron mise en liquidation judiciaire au mois de décembre 2009, Van Daele accepte de revenir à la tête du club.

C’est là, dans la grisaille d’un hiver 2009 pourri, au beau milieu de la fuite en avant des talents du Futurosport ( GuillaumeFrançois, MaximeLestienne) tout juste lancés dans le grand bain de la D1 que la deuxième vie de l’Excelsior va donc prendre forme.

Il se dit que les bébés d’hiver sont un nid à microbes, le RMP, lui, s’est toujours plu à déjouer les pronostics. Surtout les plus farfelus. A commencer même par ceux-ci.

RMP LE DIVIN ENFANT

Du coup, et dès le rachat du matricule 216 de Péruwelz en février 2010, le club mouscronnois voit réapparaître quelques-unes de ses plus belles forces vives. Parmi celles-ci, PhilippeSaintJean, ex-entraîneur, mais surtout grand artisan du Futurosport :

 » Sans la fusion avec Péruwelz, le club mourait. Reste que le club a perdu son âme dans cette affaire, bien plus que ses couleurs. Sportivement, pourtant, cela s’est très bien passé. Le comité des jeunes était très actif et, trois mois après la fusion, on était 3000 en promotion pour un déplacement à Ath, même chose à La Louvière !

On s’est même retrouvé à 8000 contre Petegem lors du Tour Final ! Ces supporters-là, ce n’étaient pas des supporters de la victoire, c’étaient des jeunes avec une passion, un projet aussi. Quand le match était fini, ce n’était que le début de la troisième mi-temps.  »

Cette période heureuse, presque glorieuse dont parle Philippe Saint-Jean durera deux ans. Pas plus. Le temps pour le nouveau-né d’accéder à la D2 et de devoir à nouveau faire face aux réalités du monde professionnel.

Le temps, surtout, pour des joueurs du coin, des gaillards comme JérômeMézine de créer un lien très fort avec les supporters :  » Je suis resté trois saisons au club, j’ai connu deux montées – de la promotion à la D2 – et un bon nombre d’après-matches plutôt sympas avec la famille mouscronnoise. J’étais Français, mais je faisais partie intégrante de ce club.  »

Cette famille dont parle l’ancien buteur mouscronnois, c’est celle que découvre alors avec des yeux d’ados BenjaminVandenbroucke. Aujourd’hui, ce mordu du RMP travaille dans une maison de jeunes la semaine, mais se transforme en vice-président des HurlusRedFans le reste du temps.

Avec d’autres, il a créé ce club de supporters le 7 février 2013, alors même que son club traversait la première de ses deux saisons en D2, mais que l’engouement était tout doucement en train de fléchir. Une bizarrerie qui s’explique par le fait qu’en quelques mois, le LOSC est devenu l’actionnaire majoritaire du club avec 51 % des parts du capital :

 » Petit à petit, on a senti que notre club nous échappait « , témoigne Benjamin.  » Que le LOSC agissait comme s’il avait toujours été là. Les principaux groupes de supporters ne se sont plus reconnus dans le club et se sont gentiment disloqués. Nous, nous étions jeunes et on voulait absolument créer quelque chose pour relancer le bazar.  »

Les  » HRF  » ont l’avantage de la jeunesse pour eux et tiennent le cap, mais ils sont les seuls. Les seuls aussi à encore faire les déplacements à l’extérieur aujourd’hui. Une anomalie dans le monde pro de la D1 qui fait doucement sourire Benjamin : » Vous allez rire, mais on aime encore bien quand il n’y a qu’un bus. Ceux qui sont là, ce sont les vrais et vous n’allez pas les entendre critiquer à tout bout de champ. On est peu, mais on peut se vanter d’être de vrais supporters et les seuls à savoir encore comment on célèbre une victoire.  »

UN CANONNIER SANS MUNITION

C’est l’autre spécificité d’un club qui ne s’appartient plus vraiment et qui détient la plus faible assistance de D1 avec un pic négatif descendu à 800 supporters pour le huitième de finale de Coupe de Belgique contre OHL le mercredi 2 décembre dernier.

Incapable d’afficher des stats correctes à domicile – 7 victoires en deux ans et 27 matchs de championnat à la maison – le RMP ne sait plus à quel saint se vouer pour fidéliser son public.  » Dire qu’il y a 4 ans, on s’encensait en se disant être les meilleurs supporters de D3. Aujourd’hui, on est peut-être les pires de D1… « , avoue SylvainSoete, autre fidèle des HRF et Capo désigné les soirs de matchs.

Une question dès lors : Où sont donc passés ces supporters que Philippe Saint-Jean décrivait comme des amoureux du club plus que des furieux de la victoire ? Cette question, NicolasCornu, ex-responsable communication à l’Union Belge et aujourd’hui réincarné dans le même rôle auprès du RMP se la pose tous les matins en se rasant :

 » C’est notre plus gros chantier. Il y a une confiance qui n’est plus là suite à la faillite, à l’ancienne direction lilloise surtout. On a perdu le soutien de nos supporters parce que le club a perdu son identité locale et la confiance qui va avec. On sait que ça va prendre du temps pour repartir sur de nouvelles bases, mais c’est notre priorité de tous les jours.  »

Une priorité qui rappelle qu’il y a moins d’un an, le RMP avait établi son camp de base au Domaine de Luchin et que toute la gestion administrative du club était alors pilotée de l’autre côté de la frontière par des Français salariés par le LOSC.

Edward Van Daele en était toujours le président, mais devait alors montrer patte blanche pour venir assister aux entraînements de ses joueurs. Des séances bien évidemment interdites au public.

 » Le LOSC a commis une erreur, c’est de sous-estimer la capacité de résistance du public mouscronnois « , avance Edward Van Daele, l’homme à la base du rapprochement entre les deux clubs.  » C’était un partenariat qui devait se dérouler sur le long terme. Il y a un élément qui est venu chambouler tout ça, ce sont les difficultés financières inhérentes au club de Lille d’abord et la volonté affichée depuis un certain temps par son président, MichelSeydoux, de céder sa participation ou de trouver lui-même un autre partenaire. Il a cru le trouver avec MarcCoucke ce qui a posé des problèmes de conflits d’intérêt et ce qui a expliqué, en grande partie, le retrait progressif du club.  »

S’il y en a un qui n’a pas attendu les premiers contacts entre Seydoux et Coucke pour exprimer sa façon de penser et s’en aller de sa propre initiative, c’est Philippe Saint-Jean :  » Personnellement, j’ai quitté le club en 2012 parce que Lille a commencé à toucher au staff, je n’étais pas directement touché, mais c’était une question de principe.  »

C’est l’époque où débarque le Français FrançoisVitali. En quelques jours, celui-ci passe de responsable du recrutement au LOSC au statut de directeur sportif du RMP. Un grand écart professionnel que ne supporte pas Saint-Jean et que n’assume visiblement plus le LOSC aujourd’hui puisque le club interdit aujourd’hui à ses collaborateurs – dont fait encore partie Vitali – de s’exprimer sur le dossier mouscronnois.

L’ÉCOLE DEGRAEN ET D’ONOFRIO POUR SELAK

A son époque, un joueur comme Jérôme Mézine a lui aussi fait les frais de l’arrivée du LOSC dans l’organigramme mouscronnois :  » Il n’y a très vite plus eu de vrais Mouscronnois dans l’équipe ni dans le staff « . Aujourd’hui encore et à son échelle, Mézine constate tout le mal identitaire qu’a pu avoir l’incursion massive du club français dans le dessin mouscronnois :

 » Plus personne ne me reconnaît quand je viens au club et je dois passer par mon beau-frère qui a une connaissance en interne pour pouvoir avoir une place au Canonnier. Je ne peux pas leur en vouloir, puisque tout a changé. Ce n’est tout simplement plus le même club. La culture mouscronnoise n’est plus la même. Avant, c’était une petite famille, aujourd’hui, c’est un club de D1 comme les autres. « 

Un club de D1 comme les autres qui aspire avant tout à assurer son maintien parmi l’élite. Et quand on parle du sportif à Mouscron, il faut s’adresser à Youri Selak. Un ancien agent reconverti en directeur sportif dans un club managé à distance par l’une des doublettes les plus influentes de la planète football, cela peut poser question.

Bien rodé sur un sujet visiblement sensible, Selak dégaine sa répartie du tac au tac :  » En 1998, le Standard est repris par LucienD’Onofrio. Le même Standard qui a été 2 fois champions de Belgique. Genk a été géré, et de quelle manière, par DirkDegraen, directeur de SEM, un autre agent. Nous ne sommes donc pas les seuls. Et ce n’est pas forcément négatif, car les agents connaissent les rouages du foot.

Pour survivre en D1, il faut acheter bon marché ou zéro des joueurs qui ne sont pas connus et les revendre à bon prix. Qui est bien placé pour faire ça ? Les agents, évidemment. Les Scepovic, Viola, Markovic ne seraient jamais venus à Mouscron sans nos connexions. C’était tout aussi vrai avec des Conceiçao ou des Rapaic dans le Standard d’il y a 10 ans.  »

En vérité et à entendre Edward Van Daele, si le RMP est aujourd’hui ce qu’on appelle un club d’agent, c’est bien plus par nécessité que par réelle orientation idéologique :  » Évidemment, ce n’est pas le rêve que je me fais d’un club idéal, mais c’était la seule voie raisonnable à ce stade. Nous n’avions pas d’autres solutions, ce n’est pas ma tasse de thé a priori, mais il nous fallait ce coup de pouce financier pour éviter de voir se reproduire les ennuis de la saison dernière où le Cercle était venu nous contester notre budget, certes rikiki, mais en équilibre.  »

PAR MARTIN GRIMBERGHS – PHOTOS BELGAIMAGE – JAMES ARTHUR GEKIERE

 » Mouscron, un club d’agents ? Ce n’est pas le rêve que je me fais d’un club idéal, mais c’était la seule voie raisonnable à ce stade.  » – EDWARD VAN DAELE, FUTUR EX-PRÉSIDENT

 » On est peu, mais on peut se vanter d’être de vrais supporters et les seuls à savoir encore comment on célèbre une victoire.  » – BENJAMIN VANDENBROUCKE, VICE-PRÉSIDENT DES HURLUS RED FANS

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