A la Maldini

Bruno Govers

Le back gauche des Mauves rêve de s’établir dans la durée au Parc Astrid.

Ce soir, à Parkhead, le RSCA disputera son match retour en Ligue des Champions face au Celtic Glasgow. L’aller, il y a quinze jours, au Parc Astrid, s’était soldé par un succès étriqué d’autant plus mérité que les Mauves, suite à l’exclusion de Glen De Boeck avaient disputé l’essentiel de la partie à dix. Une infériorité numérique qui avait eu le don de sublimer tous les Sportingmen, sans exception. Comme Olivier Deschacht, par exemple, auteur d’un match parfait face au remuant John Hartson.

Olivier Deschacht : Ce match fait figure de point culminant de ma carrière. Non content d’avoir signé avec mes coéquipiers un premier succès depuis deux ans en Ligue des Champions, j’ai eu la satisfaction, aussi, de livrer une prestation sans faille. Au cours de notre rencontre précédente, devant le Bayern Munich, il ne s’en était fallu que d’un fifrelin pour que je réalise un match plein. Mais l’égalisation in extremis de Roque Santa Cruz, résultante d’un contrôle approximatif de ma part, avait gâché la fête. Il est heureux qu’une petite mésentente entre Walter Baseggio et moi, en fin de partie face aux Bhoys, n’ait pas eu les mêmes conséquences fâcheuses. Sans quoi j’aurais à nouveau ruminé ma déception au lieu de donner libre cours à ma joie.

Votre bonheur eût sans doute été plus total encore si vous aviez eu la chance d’ouvrir la marque sur une passe en retrait d’Aruna Dindane ?

Ce ballon sur la barre transversale du but de Magnus Hedman hantera encore souvent mes nuits, c’est sûr. C’est d’autant plus râlant qu’à l’entraînement, cette saison, j’ai déjà inscrit plusieurs buts sur ces ballons lobés… ou alors c’étaient des assists pour un partenaire surgissant au deuxième poteau. Même si ma tentative n’a pas été couronnée de succès sur cette phase, j’aurai eu la satisfaction de titiller pour la première fois depuis longtemps le gardien adverse. Chez les jeunes, je marquais toujours plusieurs goals par saison sur phase arrêtée ou sur un tir fulgurant. Au plus haut niveau, je n’ai pas encore pu le faire mais je me rapproche du moment où je ferai trembler les filets. Ma participation offensive s’améliore de semaine en semaine.

Défensivement, vous avez tiré votre épingle du jeu dans une arrière-garde à trois contre le Celtic. A votre propre étonnement ?

Oui : je n’avais encore jamais joué dans une telle configuration. Les formations d’âge anderlechtoises sont adeptes du 3-4-3 depuis bon nombre d’années, mais je n’y étais guère habitué – au contraire de Vincent Kompany -, pour la bonne et simple raison que chez les jeunes, j’avais toujours occupé une position au sein de la ligne médiane, soit sur le flanc, soit dans l’axe. C’est Franky Vercauteren qui a eu l’idée de me faire reculer au poste de back gauche. Il était d’avis que je manquais d’explosivité pour officier comme piston sur l’aile. Au départ, je n’étais pas convaincu. Mais je dois bien admettre que le coach adjoint avait raison : j’ai singulièrement étoffé mon registre à l’arrière latéral en l’espace d’un an. Et, ce qui ne gâte rien, j’ai été sidéré par ma bonne tenue dans une fonction plus centrale, comme ce fut le cas face à John Hartson du Celtic. Je savais qu’en matière d’intransigeance, j’avais fait d’énormes progrès mais de là à mettre aussi aisément sous l’éteignoir un opposant de cette trempe-là, je ne l’aurais pas cru.

 » J’irais au feu pour Broos  »

Au terme de cette rencontre, Hugo Broos avait tenu à vous englober dans les mêmes éloges que Vincent Kompany. Il y a un an, à la même époque, vous ne faisiez pourtant pas partie de ses priorités puisqu’il ne jurait alors que par Michal Zewlakow.

Quand j’ai appris que l’entraîneur faisait le forcing pour obtenir le concours de son ancien joueur, je lui ai demandé s’il n’avait donc pas confiance en mes possibilités. Il a eu l’honnêteté de me dire qu’il n’avait effectivement pas foi en moi dans l’immédiat mais que son jugement n’était pas définitif. Depuis, loin de me décourager, j’ai eu à c£ur de prouver qu’il se fourvoyait. A la fin du premier tour, suite à des indisponibilités, je me suis vu décerner une première chance face à La Louvière et Beveren. Non sans succès mais ce n’est qu’après l’élimination contre Panathinaïkos, au moment où le coach arrêta ses choix de façon définitive, tant au niveau du système que des hommes, que je suis devenu partie prenante dans l’équipe de base. Et je ne l’ai plus jamais quittée. Dans la foulée, Hugo Broos m’a convoqué un jour dans son bureau pour me signifier, avec la même franchise, qu’il s’était tout à fait blousé à mon propos. Jamais encore depuis mon arrivée au Sporting, je n’avais eu droit à pareil commentaire élogieux. C’était vraiment chic de sa part. La grande classe. Pour cet homme-là, j’irais au feu. Et pour Franky Vercauteren aussi. Pourtant, il m’en a fait baver. Pour mon tout premier match avec les Réserves au Verbroedering Geel, j’avais ameuté toute la famille. Mais Franky m’avait dégradé au rang de seizième homme. Il m’était donc loisible de suivre le match depuis la tribune, au côté des miens. Au moment même, j’ai râlé sec. En fait, cet épisode m’a rendu plus fort, car j’ai évidemment voulu prouver que l’entraîneur s’était trompé en ne m’inscrivant pas sur la feuille de match ce soir-là.

Finalement, vous avez découvert la coupe d’Europe cette saison.

C’est vrai. L’année dernière, je ne faisais pas partie des priorités et j’ai donc loupé les premiers rendez-vous face à Stabaek, Midtjylland et Bordeaux. Par la suite, j’ai malheureusement dû faire l’impasse sur les deux matches face au Panathinaïkos en raison d’une blessure. Mon baptême européen s’est déroulé au Rapid Bucarest, l’été passé. J’ai sept matches à mon compteur à présent et j’ai déjà pu me rendre compte durant ce laps de temps combien la différence est importante. En championnat, j’ai le plus souvent affaire à un adversaire direct qui se distingue par une qualité spécifique : la technique, la vitesse ou le physique, par exemple. En coupe d’Europe, par contre, la plupart de ceux avec qui j’ai dû composer jusqu’à présent regroupaient à eux seuls ces différents aspects. C’était le cas de Sydney Govou, de l’Olympique Lyon et d’Owen Hargreaves du Bayern Munich notamment. Je préfère cependant me frotter à eux qu’à Aruna Dindane. Il m’arrive régulièrement de me retrouver face à lui lors de nos séances de préparation et j’ai beau essayer n’importe quoi, je ne parviens pas à trouver la parade. Jusqu’à présent, il est vraiment le seul joueur contre qui je dois m’avouer vaincu. Heureusement qu’il figure parmi mes partenaires… mais je redoute le jour où il sera mon adversaire direct. Car, vu son talent, il ne restera pas éternellement à Anderlecht.

Il justifie donc toute la publicité faite autour de son nom ?

C’est le  » mec plus ultra « . Mais son importance ne doit pas occulter le mérite des autres. Il n’y en avait que pour lui après son but précieux contre le Celtic mais c’était faire fi du véritable caviar dont il a bénéficié de la part de Christian Wilhelmsson sur cette action. Si le but d’Aruna Dindane valait 18 carats, l’assist du Suédois en représentait 24. A mes yeux, personne ne méritait davantage l’étiquette d’homme du match. Et à l’arrière nous avons tous été irréprochables aussi. Face à Henrik Larsson, Michal Zewlakow a probablement livré son meilleur match sous la casaque anderlechtoise et Vincent Kompany a confirmé tout le bien dit et écrit sur lui. Quant à ma prestation, les paroles d’Hugo Broos parlent de soi.

 » Je ne suis pas obnubilé par l’étranger  »

Vous sentez-vous aujourd’hui dans la peau d’un incontournable à Anderlecht ?

Pour le moment, j’ai échappé au système de rotation et c’est peut-être bon signe. D’autre part, je remarque qu’il n’est plus question, non plus, d’embrigader un back gauche, comme le Sporting en avait eu l’idée avec le Finlandais Janne Saarinen il y a un an. C’est un autre bon signe. Dès lors, j’espère bel et bien m’inscrire dans la durée ici. Quitte à faire toute ma carrière au Parc Astrid.

Vous ne songez pas à d’autres horizons ?

Non, je ne suis pas obnubilé par l’idée d’une expérience à l’étranger. Quand j’entends Bart Goor parler de sa nostalgie d’Anderlecht, lui qui vit des heures sombres à l’Hertha Berlin pour l’instant, je me dis qu’il n’y a pas moyen d’être mieux qu’au stade Constant Vanden Stock. D’ailleurs, je me demande dans quelle mesure les mentalités ne sont pas en train de changer. Jadis, une très longue trajectoire au plus haut niveau, en Belgique, n’était possible qu’au Club Brugeois. Jan Ceulemens et Franky Van der Elst en étaient des exemples frappants. Au Sporting, je remarque qu’Olivier Doll va bientôt fêter ses dix années de présence et que Glen De Boeck n’en est pas loin. Aussi, toutes proportions gardées, je rêve moi aussi d’un parcours à la Maldini : toute une vie dans un seul et même club, comme l’arrière de l’AC Milan, assortie à un moment donné du brassard de capitaine. Ce serait franchement le pied.

Titulaire à Anderlecht, il vous reste désormais à faire votre trou chez les Diables où la concurrence est rude avec Peter Van der Heyden et Jelle Van Damme ?

J’espérais réduire mon écart sur eux par le biais de prestations convaincantes en Ligue des Champions mais ils se distinguent aussi, pour l’heure, dans cette compétition (il rit). Heureusement, le coach de l’Ajax, Ronald Koeman, m’a donné un petit coup de main en titularisant Jelle Van Damme au centre de la ligne arrière face au Celta Vigo. Avant cette rencontre, je m’étais d’ailleurs empressé d’envoyer un SMS au joueur, l’encourageant à se mettre tout particulièrement en valeur dans ce nouveau rôle afin que nous puissions évoluer à l’avenir de concert en équipe nationale. Il a manifestement reçu le message cinq sur cinq en livrant un match exemplaire face aux Espagnols. Il ne lui reste plus qu’à persévérer sur cette voie. De la sorte, j’aurai déjà un rival de moins (il rit) .

Si nos renseignements sont exacts, vous partagez la même chambre lors des retraites avec les Diables Rouges ?

C’est peut-être bizarre, mais je suis sans doute le plus grand supporter de Jelle et vice-versa. De manière générale, je m’entends bien avec tous nos Belges qui évoluent aux Pays-Bas. Thomas Buffel et moi avons déjà livré quelques combats épiques avec de la mousse à raser. Dommage que l’EURO 2004 nous file sous le nez. Avec la mentalité et le talent qui règnent chez nous, nous aurions été en mesure d’épater la galerie là-bas. Mais ce n’est que partie remise. Nous répondrons présents à la Coupe du Monde.

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