À la dure

A 18 ans, le néo-Brugeois se destinait vers l’horeca. Cinq ans plus tard, ce défenseur rejoint la Belgique après l’Angleterre. Portrait d’un jeune homme chaleureux.

Ces jours-ci, Adrie Koster fait le tour de son noyau à l’entraînement. Jusqu’à présent, Ryan Donk (23 ans) semble le seul nouveau venu pour lequel une place de titulaire se dessine. Champion d’Europe avec les Espoirs néerlandais en juin 2007 aux côtés de Ryan Babel entre autres, le solide défenseur (1,92m, 80 kg) veut aller à la chasse aux trophées avec les Bleu et Noir.

Ryan, racontez-nous votre jeunesse…

Ryan Donk : J’ai grandi au centre d’Amsterdam, une ville où mon père est arrivé très jeune avec ses parents en provenance du Surinam. Jusqu’il y a peu, j’habitais encore chez mes parents mais je cherche actuellement un logement dans la région de Bruges. Amsterdam est une ville agréable en tant qu’enfant, on ne s’y ennuie jamais. Mon père était gendarme et j’ai eu une éducation basée sur l’honnêteté. Pour mon père, la première règle de vie est : reste honnête et tout ira bien ! Pour le reste, j’ai trois s£urs et un petit frère, je suis l’aîné qui doit donner l’exemple.

Il paraît que l’Ajax est venu vous chercher à 12 ans et que vous avez refusé ?

Jusqu’à mes 17 ans j’ai évolué chez les amateurs. Cette histoire, le fait que j’ai dû décliner l’invitation à rejoindre Jong Ajax, elle est archi connue. Cela me poursuit. En fait, j’étais furieux contre mes parents à l’époque. A cet âge-là, on ne saisit pas leurs arguments. Ce n’est que plus tard que j’ai compris leur décision, en voyant aussi que finalement j’avais réussi mon bout de chemin dans le football pro. Mon père avait juste tracé une autre voie pour moi. Je m’entraînais deux fois par semaine au Zeeburgia et deux fois avec mon paternel, qui y jouait également dans l’équipe Première. Il pensait que je ne supporterais peut-être pas le stress imposé aux équipes d’âge à l’Ajax et trouvait qu’un jeune garçon de 12 ans devait pouvoir s’amuser encore quelques années et éprouver du plaisir sur un terrain. Je ne peux lui donner tort, car nul ne sait si en acceptant l’offre de l’Ajax j’aurais été en meilleure position aujourd’hui. En tous les cas, je suis heureux de la trajectoire que prend ma carrière.

Cela a dû être formidable pour vous de faire ce grand saut au plus haut niveau à l’AZ ?

La première saison fut fantastique. Arriver dans l’équipe et directement lutter pour le titre, la Coupe des Pays-Bas, jouer en Coupe UEFA, quel rêve ! Finalement, le plus dur fut de ne décrocher aucun prix. En plus, j’ai été le antihéros en loupant un penalty en finale de la Coupe et en marquant un but contre mon camp lors des playoffs du championnat, contre… l’Ajax. D’un autre côté, j’ai énormément appris au contact de Louis van Gaal : un homme honnête, exigeant en termes de discipline. Quelqu’un avec un objectif bien en tête, qui sait parfaitement ce que ses joueurs doivent accomplir. Moi, j’utilisais parfois encore des réflexes d’amateurs, comme celui d’intimider l’adversaire en le fauchant lorsqu’il m’avait passé à la régulière. Entre-temps j’ai appris à me maîtriser et je n’ai plus pris tellement de cartons jaunes.

Et vous avez également eu l’honneur de devenir champion d’Europe avec les Espoirs ?

En effet, tout ça lors de mon premier tournoi. Un très chouette groupe avec beaucoup de nouveaux : peut-être n’avions-nous pas les meilleures individualités mais nous formions la meilleure équipe. Le tournoi a été obscurci par un accident de voiture dont ma s£ur fut victime, elle a été renversée alors qu’elle roulait à vélo. Elle avait 12 ans. Le staff de Jong Orange m’a laissé lui rendre visite, je suis resté un jour à ses côtés et puis j’ai décidé de rejoindre mes partenaires, pour elle. Après 4 jours dans le coma, elle s’en est tout à fait sortie et n’a conservé aucune séquelle. Vivre ça, je ne le souhaite à aucun joueur, mais cela donne encore plus de c£ur à l’ouvrage. On développe des forces insoupçonnées et j’ai finalement signé un bon EURO.

 » Koster m’a formé au RKC et connaît mes qualités « 

Par contre, votre deuxième saison à l’AZ fut nettement moins brillante…

C’est comme si plus rien ne tournait rond. On a même dû nous battre contre la relégation à un moment de la saison 2007-2008. Cela n’était pas digne de l’AZ puisque nous jouions avec presque la même équipe. Et comme cela allait mal dans mon club, j’ai éprouvé des difficultés à être le leader naturel des Espoirs néerlandais. J’ai perdu mon brassard de capitaine et je n’ai pas été retenu pour les J.O. à Pékin. Tout cela alors que je m’étais battu pour ce ticket olympique un an avant. Dommage. Pour remonter la pente, j’ai arrêté de lire les journaux. Ils peuvent dire des choses tellement fausses, modifier vos propos, et ça engendre des discussions avec le coach, avec certains joueurs, etc.

Après une telle galère, passer à West Brom fut donc une surprise ?

Le manager Tony Mowbray avait vu des matches de l’EURO Espoirs où nous avions affronté l’Angleterre et où j’avais donné un assist à la dernière minute. Il a appelé mon agent et le jour suivant je partais aux Iles. J’ai découvert un football d’une autre dimension, tout va beaucoup plus vite, c’est fantastique de vivre ça. Après trois semaines j’étais dans l’équipe de base et nous avons gagné deux fois de rang. A un moment donné, la dépense d’énergie se fait sentir, surtout quand on affronte des cadors comme Manchester, Arsenal, Liverpool… Voilà pourquoi nous avons perdu ces grands matches auxquels j’ai néanmoins participé. Cela m’a permis de croiser le fer avec Wayne Rooney, le meilleur attaquant selon moi, Berbatov, Keane, Kuyt, Bendtner… Comme le noyau était très large, Mowbray utilisait un système de rotation, ce qui fait que chaque joueur de West Brom a disputé entre 20 et 30 matches. La plus grande différence avec la Hollande, c’était que l’entraîneur était souvent absent. On le voyait trois fois par semaine, aux Pays-Bas le coach est au club 7 jours sur 7. Mais j’espère un jour avoir la chance de rejouer en PremierLeague car pour West Brom, c’en était fini après une saison. Etant donné que le club descendait en D2, il ne pouvait pas se permettre de payer pour un seul joueur les 5 millions réclamés par l’AZ pour un transfert définitif.

Lorsque Bruges s’est manifesté, connaissiez-vous le Club ?

Au début, non. Anderlecht est quand même le club le plus connu aux Pays-Bas. Mais j’ai eu une discussion avec Adrie Koster, il m’a expliqué l’historique du club et ses ambitions et le type de défenseur qu’il souhaitait aligner. Du football offensif, la construction du jeu depuis la défense, bref le jeu typiquement néerlandais avec lequel j’ai grandi. Il m’a encore formé au RKC, connaissait mes qualités et a continué à me suivre. Je me suis donné vraiment le temps de la réflexion. Je souhaitais connaître les plans de Ronald Koeman, le nouvel entraîneur de l’AZ. Lorsqu’il m’a dit que 4 joueurs sur les 28 du noyau devaient partir, sans plus de précisions, j’ai pris ma décision de signer au Club Bruges.

Sentez-vous que vous arrivez dans une équipe qui a soif de décrocher enfin un trophée ?

L’écart avec les deux premiers était de 20 points la saison dernière et je ne sais pas comment cela se fait. Mais nous devrons apprendre à gagner les matches au sommet. Avec l’AZ nous éprouvions ces mêmes difficultés au début.

Vos ancêtres étaient originaires du Surinam. Pouvez-vous nous aider à situer cette région et y retournez-vous souvent ?

Le Surinam se trouve sur le continent sud-américain, à la frontière du Brésil notamment. J’y suis déjà allé à sept reprises et je continue à y retourner. Mon arrière grand-mère y vit toujours. Elle a 102 ans donc on y vit très longtemps (il rit). J’y ai acheté un lopin de terre et entre-temps on y a construit une maison, sorte de résidence pour la famille. A l’heure actuelle, ma mère et mes s£urs y sont. Je pense que j’irai habiter au Surinam à la fin de ma carrière. C’est un beau pays et j’ai la chance de parler le surinamien et l’anglais mais avec un solide accent (il rit). Je vais également apprendre l’espagnol et je peux converser quelques mots d’allemand avec Mark Kruska.

par peter t’kint – photo: tim de waele

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