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 » A l’Union, je suis devenu un vrai pro « 

Buts et passes décisives à la pelle : Faïz Selemani (25 ans) a été l’un des éléments moteurs de la brillante saison de l’Union. Rencontre avec le Comorien qui ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.

Percy Tau, Faïz Selemani et Youssoufou Niakaté : en plaçant trois hommes dans le top 4 des meilleurs joueurs de D1B, l’Union Saint-Gilloise était à la fête lors du Gala de la Pro League. Troisième derrière son coéquipier sud-africain et le Malinois Nikola Storm, Selemani attire les convoitises de nombreux clubs de l’élite.

Une belle récompense pour le joueur originaire de Marseille qui a écumé les différents clubs amateurs phocéens dans sa jeunesse.  » J’en ai fait un paquet. Je voulais jouer avec mes potes, donc je changeais de club au gré des rencontres que je faisais.  »

Ton CV renseigne surtout un passage à l’OM. Comment est-ce que tu t’es retrouvé là ?

FAÏZ SELEMANI : J’avais 18 ans, je jouais à Mazargues à l’époque et on a éliminé l’OM en Coupe de France. J’avais fait un super match et ils m’ont proposé d’aller faire un essai en U19 DH ( Division d’honneur, ndlr). J’ai réussi les tests et j’ai intégré l’équipe la saison suivante. Pour moi, c’était un truc de fou. Je me voyais déjà fouler la pelouse du Vélodrome. J’ai fait une bonne saison mais malheureusement, au terme de celle-ci, ils ne m’ont pas gardé en raison de mon âge. Ça m’a vite fait retomber les pieds sur terre.

Je me plais en Belgique et je kiffe ses grands clubs. » Faïz Selemani

Comment rebondit-on après un tel épisode ?

SELEMANI : C’est un rêve qui s’écroule. Mais derrière j’ai retrouvé un club, le FC Côte Bleue et je n’ai jamais perdu l’espoir de devenir pro. Surtout que j’avais arrêté l’école en passant à l’OM. Ma mère me prenait la tête, me disait de trouver du travail, que le foot ne m’apporterait rien. Mais j’avais confiance en moi : je lui disais de ne pas s’inquiéter, qu’il fallait qu’elle continue à croire en moi comme mes frères le faisaient. J’ai fait deux belles saisons à Côte Bleue et j’ai eu l’occasion de signer un contrat de deux ans à Marseille Consolat, en National. A partir de là, j’ai commencé à vivre du foot, c’était semi-pro. Et puis, je savais que j’allais avoir beaucoup de visibilité. J’ai réalisé une très bonne saison et j’ai commencé à avoir des propositions. L’Olympique de Marseille s’est notamment positionné pour me récupérer, m’offrir un premier contrat pro mais Consolat voulait un montant de transfert et l’OM n’était pas prêt à payer. Du coup, j’ai finalement atterri à Niort, en Ligue 2, qui était prêt à payer Consolat pour m’acquérir.

 » Fouler la pelouse du Vélodrome, c’est inoubliable  »

Tu quittes donc ton environnement, la Méditerranée, pour la première fois. Comment ça s’est passé ?

SELEMANI : Mes frères m’avaient conseillé de partir loin de Marseille, de quitter mon cocon. C’était un peu compliqué, Niort c’est pas du tout Marseille mais ma femme m’a suivi. Ça m’a permis de ne pas rester seul mais aussi de grandir, de me concentrer pleinement sur le foot. J’ai été bon chez les Chamois et c’est finalement ce qui m’a donné l’opportunité de rejoindre Lorient, en Ligue 1. C’était un grand pas. Je me suis dit :  » ça y est, je vais connaître le monde des grands, je vais pouvoir montrer ce que je vaux.  » Et au final, je me suis trompé.

Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné à Lorient ?

SELEMANI : Je ne sais pas trop. Je pense que je n’ai jamais vraiment eu ma chance. On m’a acheté mais ça ne s’est pas passé comme on me l’avait dit. J’ai passé une demi-saison là-bas en jouant très peu, puis j’ai été envoyé en prêt, à Tours, en Ligue 2.

Tu as quand même eu l’occasion de jouer au Vélodrome durant cette période.

SELEMANI : J’étais sur le banc pour le match à Marseille mais je suis monté au jeu. Pour moi, c’est un moment inoubliable. Imaginez : fouler la pelouse du Vélodrome avec ma famille dans la tribune. Mais ça reste un court moment magique dans une période compliquée.

Ce prêt à Tours a été bénéfique pour toi ?

SELEMANI : Oui, j’ai repris goût au foot. Tours jouait le maintien. On a réussi à éviter la relégation, je suis parti de là avec le sentiment du devoir accompli. Mais à mon retour à Lorient, c’était de nouveau pareil. Je ne trouvais pas qu’on m’accordait la confiance que je méritais. Je jouais un peu plus mais j’étais rarement titulaire et, en janvier, j’ai à nouveau été envoyé en prêt, à Ajaccio cette fois. En Corse, ça s’est bien passé, on a terminé devant Lorient, qui était redescendu en Ligue 2. On a même joué les barrages pour monter en Ligue 1. On a battu Le Havre dans un match très chaud mais j’ai commis une bêtise, j’ai eu une altercation et j’ai été suspendu pour les matches décisifs contre Toulouse. Il y avait trop d’enjeu, on n’était pas préparé à tout ça. Suite aux incidents, on n’a pas pu affronter Toulouse chez nous, à Ajaccio, et on a finalement perdu.

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 » Aucun club français n’est venu aux nouvelles pour moi  »

Et tu repasses par la case Lorient.

SELEMANI : Quand je suis retourné là-bas, au début de la saison, le coach Mickaël Landreau avait créé un  » loft  » d’indésirables dont je faisais partie avec d’autres joueurs. Je savais que je devais trouver une porte de sortie. Ça ne se passait pas super bien avec lui. Au début, quand il est arrivé, il m’avait promis beaucoup de choses. Il a un peu tenu parole parce que c’est lui qui m’a donné la chance d’être titulaire. Mais je retrouvais à chaque fois le banc malgré les bons matches que je faisais. Il y avait toujours quelqu’un qui repassait devant moi. Pour moi, ce qu’il me donnait n’était pas suffisant. En fin de compte, cette période à l’écart n’a pas été si compliquée : on était soudés, on s’entraînait entre nous et on prenait plaisir à le faire parce qu’on savait que c’était nos derniers moments ensemble, qu’on allait tous partir.

Comment as-tu abouti à l’Union ?

SELEMANI : Via Alex Hayes que j’avais connu quand j’ai signé à Lorient ( il était vice-président exécutif des Merlus, ndlr). Il venait d’arriver à l’Union. Il a appelé mon agent, il connaissait ma situation, il savait que c’était compliqué pour moi et il m’a proposé de venir en Belgique. C’est la seule personne qui a cru en moi à Lorient mais, au début, j’étais un peu réticent : je ne connaissais pas du tout le pays et je n’avais pas spécialement envie de partir à l’étranger. Je n’étais pas emballé mais Hayes a réussi à me convaincre. Le coach aussi m’a parlé du projet au téléphone. J’ai donc pris ma décision et j’ai accepté de venir, d’autant que je n’avais rien d’autre de concret : aucun club français n’est venu aux nouvelles pour moi. J’étais déçu parce que je sortais quand même de bonnes périodes en Ligue 2 et j’espérais trouver un club à ce niveau-là. Mais au final, c’est une bonne chose : je ne regrette absolument pas d’être venu, je suis en train de faire la meilleure saison de ma carrière.

Chez nous, même ceux qui ne jouent pas s’investissent à fond. C’est ça aussi qui fait notre force à l’Union.  » Faïz Selemani

Comment tu as vécu le licenciement d’Alex Hayes, en février ?

SELEMANI : Je l’ai un peu mal vécu. C’est grâce à lui que je suis venu à l’Union. Il m’a trouvé un projet, il m’a mis dans de bonnes conditions. Chaque fois que ça ne se passait pas super bien ici, il était derrière moi, il m’aidait beaucoup. Donc, quand il est parti, je n’ai pas compris la décision du président. J’en ai parlé avec lui, je l’ai encore au téléphone mais oui, ça m’a affecté.

 » Il fallait que je franchisse un cap dans ma tête  »

Revenons à ton arrivée en Belgique. Quelles ont-été tes premières impressions ?

SELEMANI : Je me suis dit qu’il ne faisait pas beau ( il rit). A Lorient, c’était pas dingue non plus mais ici c’est pire encore. Plus sérieusement, j’ai découvert le centre d’entraînement à Lierre, qui est vraiment superbe. Je connaissais un peu Abdelrafik Gérard, qui a aussi joué en Ligue 2, ça aide. En terme de jeu, j’ai trouvé qu’il y avait du niveau, je ne m’y attendais pas. Pour une D2 belge, je trouvais qu’on développait du football et les équipes qu’on affrontait aussi. Malines, Beerschot : ce sont des équipes compliquées, solides. Ça m’a rappelé la Ligue 2, j’ai été agréablement surpris.

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Tu en es à 16 buts et 10 assists. Ce sont des stats que tu n’avais jamais atteintes avant. Comment tu l’expliques ?

SELEMANI : Le fait que personne ne me veuille en France m’a fait comprendre que je devais absolument reculer pour mieux sauter. Il fallait que je franchisse un cap dans ma tête, que je travaille plus, que je m’investisse plus. J’ai beaucoup changé, je prends les choses plus sérieusement, je parle beaucoup de tactique avec le coach, chose que je ne faisais pas avant. J’avais l’habitude de jouer mon jeu, et puis c’est tout. Je suis plus à l’écoute, je travaille plus en dehors des entraînements. Et comme le coach l’a dit dans une interview, je suis devenu un vrai professionnel.

Tu ne l’étais pas avant ?

SELEMANI : Non, je faisais trop de trucs qui n’avaient rien à voir avec la vie d’un footballeur professionnel, je ne me considérais pas comme un vrai pro. Cette année, c’est le cas et les stats parlent d’elles-mêmes.

Il y a aussi eu un changement de position : en France, tu évoluais sur le côté droit alors qu’à l’Union, tu déboules désormais sur le flanc gauche.

SELEMANI : J’ai parlé au coach de ma préférence pour le couloir gauche. J’ai une bonne qualité de frappe et partir de la gauche me permet de rentrer dans l’axe, d’avoir le jeu face à moi et de tenter ma chance ou de donner une passe plus facilement.

L’Union réussit d’excellents PO2 et tu marques beaucoup. C’est parce que vos adversaires ne sont pas aussi motivés ?

SELEMANI : Je ne crois pas qu’ils sont moins motivés, ils veulent tous nous battre. Et puis, on a de la qualité dans le groupe. On a encore plus envie parce qu’on affronte des D1A, on les prend encore plus au sérieux. Après, c’est un collectif, on s’entend bien en dehors des terrains. Il n’y a pas de mauvaise concurrence, même ceux qui ne jouent pas s’investissent à fond et c’est ça aussi qui fait notre force à l’Union.

 » Malines, ça aurait pu être nous  »

Qu’est-ce qui vous a manqué pour rivaliser avec Malines et le Beerschot ?

SELEMANI : Abdelrafik Gérard nous a manqué ( il sourit). C’est lui la différence. Non sérieusement, c’est un super joueur. On l’appelle le génie, ce n’est pas pour rien. Du coup, c’est vraiment dommage qu’il n’ait pas pu être là pendant une grosse partie de la saison suite à ses blessures. Même sans parler de lui, il y a des matches qu’on ne devait pas perdre et qu’on a mal abordés. On sortait des supers prestations contre Anderlecht, contre Genk et derrière, sans dénigrer personne, on perdait contre Roulers. C’est ce qui a fait qu’on a été distancés. On se relâchait trop facilement.

Tu parles de Genk, impossible de ne pas évoquer cette Panenka que tu sors face à eux lors du tir au but décisif en quart de finale de Coupe de Belgique.

SELEMANI : La veille du match contre Genk, on s’est entraînés pour les penaltys. J’en avais tiré quatre, dont une Panenka, et je les ai tous ratés. Le jour du match, je monte au jeu ( à la 56e, ndlr) et je ne fais pas une très bonne entrée : je manque de jus, je ne suis pas bien dans la partie. Puis, quand on arrive aux penaltys, je dis que je veux tirer en premier. Mais Steven ( Pinto-Borges, ndlr) a insisté pour que ce soit lui, donc j’ai demandé à être le cinquième. Pozuelo a fait une Panenka. Mon orgueil, ma fierté ont pris le dessus et je me suis dit :  » Il ne nous respecte pas, il fait une Panenka chez nous, je vais faire pareil « . Ce parcours en Coupe, c’est inoubliable : on a gagné 0-3 à Anderlecht, on a battu Genk aux tirs au but. Je pense que les supporters s’en souviendront toujours. Après, bien sûr, il y a la déception de perdre contre Malines. En plus, en championnat, on a souvent perdu contre eux même si on s’est vengés à la fin ( victoire 0-5 à Malines, ndlr).

Tu as regardé la finale ?

SELEMANI : Oui, oui on l’a regardée entre les entraînements. On a vu que Malines avait gagné. On s’est dit que ça aurait pu être nous. On a réussi à faire 0-0 chez eux, avec une rouge en plus de Thibaut ( Peyre, ndlr)… Le traître ( il éclate de rire). Je rigole, il le sait. J’ai vu que les gens disaient que c’était un traître mais je rigole, je lui souhaite que du bonheur à Thibaut, il est super sympa, je l’aime trop.

 » Je vais quitter l’Union, c’est sûr  »

Peyre est parti à Malines. Toi aussi, tu t’es mis en évidence. Il y a des chances que tu restes à l’Union ?

SELEMANI : Non, je vais partir, c’est sûr. Où, je ne sais pas encore mais je ne serai plus à l’Union l’année prochaine. Mon but, avec mes agents, c’est de trouver le meilleur club pour moi et de commencer à faire partie des grands.

En Belgique ?

SELEMANI : Oui, la Belgique j’aime bien. On a mis 3-0 à Anderlecht mais c’est un super club ( il rit). Il y a le Standard de Liège, il y a Genk, il y a La Gantoise, il y a plein de clubs. Je kiffe les clubs de Belgique. L’Antwerp aussi, j’aime bien. Il y a de super supporters, de super ambiances : je me plais bien ici. A part la pluie…

Cris de singe à Malines

 » Lors des incidents du match entre Ajaccio et Le Havre, on a dit que les Corses avaient lancé des insultes racistes. Moi, quand je joue, je suis concentré, je ne fais pas vraiment attention à ce qu’il se passe en tribunes et je n’ai jamais entendu de propos racistes de leur part. Ça m’est arrivé une fois : ici en Belgique, à Malines. J’ai entendu des supporters faire des cris de singe. Mais ça ne me touche pas plus que ça, j’arrive à faire abstraction.

Heureusement, il y a de chouettes supporters à l’Union. A Lorient, c’est des footixs. Quand ça va bien, tout va bien. Quand ça va mal, tout va mal, ils oublient tout le reste. Ici, qu’on gagne ou qu’on perde, ils sont toujours avec nous. Après chaque défaite, ils sont encore en train de chanter, je trouve ça magnifique et ça nous aide à faire de bons matches. On a envie de les remercier de leur soutien.  »

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