» A l’extérieur, We are not Anderlecht… « 

Les réflexions de l’attaquant serbe avant de retrouver la terre de ses anciens exploits.

Arrivé juste après le début du championnat, Milan Jovanovic (30 ans) avait été, grâce à un but et une passe décisive, l’un des grands artisans de la plantureuse victoire d’Anderlecht (5-0) sur son ancien club, le Standard. Dimanche, pour la première fois depuis son départ, le Serpent se reproduira à Sclessin. Avec l’espoir que la trace qu’il y a laissée l’emportera sur toute autre considération.

Milan Jovanovic : Les connaisseurs m’applaudiront, en souvenir de ce que j’ai apporté. Ils auront aussi apprécié le respect dont j’ai toujours fait preuve, depuis mon arrivée à Anderlecht, vis-à-vis des Rouches. J’ai toujours modéré mes propos et j’ai fait preuve de retenue dans mes actes. Je n’ai pas snobé les Standardmen après le 5-0 à l’aller et je n’ai pas exulté après mon propre but.

Qu’avez-vous retenu de ce match ?

C’était le meilleur depuis le début de la saison. Face aux Liégeois, j’ai eu le sentiment que les différentes pièces du puzzle s’étaient enfin imbriquées. Personnellement, j’avais livré mon match le plus abouti. Pareil pour Dieumerci Mbokani. D’autres ont pris le relais depuis lors. Matias Suarez, Sacha Kljestan, Guillaume Gillet, Lucas Biglia…

Anderlecht totalise plus de 90 % des points contre les ténors mais 60 % à peine face aux sans-grade !

Un joueur, à Anderlecht, c’est 95 % de talent et 5 % de caractère. Lors des grands rendez-vous, les qualités intrinsèques font la différence. Chacun dispute alors un véritable match dans le match face à son opposant direct et tient à se sublimer. C’est une lutte de prestige. Devant un adversaire de moindre valeur, les rapports ne sont pas les mêmes. Les petits se surpassent, avec une surprise à la clé par moments.

A Louvain, 5 % de talent et 95 % de caractère vous ont terrassés. Idem à Mons, même si les proportions n’y sont pas identiques.

Chez les Dragons, on a touché le fond. Passe encore qu’un joueur n’atteigne pas son niveau. Mais là, nous étions tous mauvais, sans exception. Le off-day dans toute sa splendeur. C’est peut-être permis pour un joueur, mais pas pour une équipe du top. C’est pour ça qu’après coup, j’ai exprimé ma façon de penser à Herman Van Holsbeeck.

 » En déplacement, on est trop prudent « 

Que lui avez-vous dit ?

Que ce n’était pas comme ça qu’on deviendrait champion. Pour y arriver, il y a 40 obstacles à franchir, avec différents degrés de difficulté. Je sais qu’il ne suffit pas de paraître pour s’imposer. Mais les autres en sont-ils aussi convaincus ? Je constate un décalage entre nos matches à domicile et à l’extérieur. Nos concurrents ont moins souvent ce problème : quand on a gaspillé deux points au Beerschot, le Standard a gagné au Cercle et le Club à Mons. Des déplacements où nous avions perdu des points. Pourquoi nous et pas eux ?

Et la réponse ?

Elle tient peut-être en ces quelques mots de l’entraîneur : – Act, instead of react. On devrait toujours agir, dicter le jeu. C’est le cas à domicile, on fait honneur au chant de nos supporters : – We are Anderlecht. Mais hors de nos bases, on est trop prudents -We are not Anderlecht. Nous ne sommes pas Anderlecht. Ou pas assez. Si on empile les buts au Parc Astrid, pourquoi ne sommes-nous pas capables d’en inscrire plus d’un à l’extérieur ? C’est toujours le service minimum.

Dans ces matches-là, on vous voit manifester votre désappointement par moments. Comme au Beerschot vis-à-vis de Kljestan.

A un moment donné, je me démarque mais sa passe est imprécise. Sur l’instant, je lui ai dit : – Hey, what’s that man ? J’étais furax. On aurait pu être en supériorité numérique sur ce coup-là. D’autres lui auraient peut-être dit : -Bien essayé. Mais ce n’est pas avec ces réflexions-là qu’on avance. C’est -Bien joué qu’il faut dire à tout moment. A Anderlecht, tu ne peux accepter la médiocrité. Tu dois toujours viser l’excellence. Le titre, sinon rien.

C’est vrai que vous martelez tous les jours à vos partenaires qu’Anderlecht doit être champion ?

Exact. Il n’y a pas un jour qui passe, sans que je ne répète la même phrase : – On doit être champion et on le sera. C’est mon leitmotiv. J’ai une mission ici : aider le club à conquérir le titre. Je sais les efforts que la direction a dû entreprendre pour faire venir un joueur comme moi. Je ne peux lui rendre la pareille qu’en étant champion en fin de saison. Je suis focalisé à 100 % sur cet objectif et je veux entraîner tous les autres dans mon sillage.

Vos coups de gueule sont-ils toujours bien perçus ou acceptés ?

Tout le monde sait que je suis soupe-au-lait et que mes colères ne durent jamais longtemps. Après quelques secondes, c’est oublié. Au Beerschot, j’ai aussi félicité Sacha pour une belle transversale. Je m’irrite peut-être quand c’est mauvais, mais j’encourage aussi quand c’est bien.

 » Anderlecht est le meilleur groupe dans lequel j’ai joué « 

Comment êtes-vous dans le vestiaire ?

J’y donne de la voix… en chantant. Mes voisins, Behrang Safari et Lucas Biglia me demandent parfois de ménager leurs tympans, mais c’est plus fort que moi ( il rit).

Que fredonnez-vous : We are the champions ou Simply the best ?

Non, des airs serbes. Les autres, je les entonnerai plus tard. Car on a l’équipe pour être champions.

Comment jugez-vous cet Anderlecht-ci par rapport au Standard que vous avez connu ?

Avec les Rouches, j’ai gagné deux titres. Mais Anderlecht c’est le meilleur groupe dans lequel j’ai joué.

Plus fort que Liverpool ?

Quand je dis meilleur, c’est dans tous les sens du terme : qualité, ambiance. C’est un très chouette groupe.

Paul Van Himst a dit dans nos colonnes, la semaine passée, que votre arrivée est plus déterminante que le départ de Mbark Boussoufa ?

C’est chouette à entendre de la part d’un monument pareil. Mais je ne suis sûrement pas le seul en cause. L’année passée, Bous était réellement le Mister 50 % de l’équipe sur le plan offensif. Aujourd’hui, le danger vient de partout. C’est nettement mieux.

Etes-vous satisfait de votre apport ?

Dès ma signature, je me suis rendu compte que l’attente était grande. A l’époque, j’avais un fameux retard à résorber niveau physique. Jusqu’à ce match contre le Standard, j’ai quasi joué tous mes matches sur l’adrénaline et l’expérience. La condition est revenue au compte-gouttes. Normal, puisque je n’avais presque pas joué à Liverpool et que je n’avais eu droit qu’à des bouts de matches avec la Serbie. Au départ, je ne tenais pas 90 minutes. Mais j’ai quand même eu la chance d’être décisif. Avec des buts contre tous les grands.

 » Je suis à mon poids de combat : 76 kilos « 

Vous répondez toujours présent lors des grands rendez-vous. Est-ce le propre des grands joueurs ?

C’est vous qui le dites ( il rit). Les matches au sommet, c’est toujours particulier. Avec un stade chaud, la perspective d’un duel contre un grand joueur. Dans ces moments-là, un avantage psychologique se crée déjà.

C’est plus facile contre un nom que contre un nobody ?

Sans doute. C’est pour ça qu’ils réalisent parfois des trucs incroyables. Avec la petite Serbie, j’ai battu la grande Allemagne par exemple. J’ai également été battu par l’Australie qui n’a pas les mêmes références.

Lors des play-offs, Anderlecht ne sera confronté qu’au gratin. Au vu de ses stats, c’est du pain béni ?

La théorie n’est pas la pratique. La saison passée, le Sporting avait abordé cette mini-compétition en tête. Mais après deux rencontres, à Bruges et face au Standard, il avait perdu son avantage. Il faut rester constamment en éveil car tout peut basculer très vite. Il y a un an, j’étais à la ramasse tandis que mon pote Milos Krasic faisait fureur à la Juventus. Aujourd’hui, c’est lui qui est dans le trou et moi qui refais surface.

Où en êtes-vous exactement ?

Pour revenir au premier plan, j’ai fait appel à un préparateur physique personnel avec qui j’ai bossé sans relâche, même durant la trêve hivernale. Ce travail plus le stage à Belek, m’a permis de revenir plus ou moins à la hauteur de mes partenaires. Je tiens toute une rencontre à présent et j’ai retrouvé mon poids de combat : 76 kilos. Je devrais être tout à fait fit and well pour aborder les play-offs. Idem pour Dieu qui avait repris au moment où la saison avait déjà débuté.

Votre complicité est-elle la même qu’au Standard ?

Oui et non. C’est toujours un bonheur de jouer avec lui, évidemment. Mais on ne joue plus côte à côte. Au Standard, on formait une attaque à trois avec Wilfried Dalmat. A Anderlecht, Dieu évolue seul en pointe, tandis que moi je suis un cran en dessous avec Suarez et Gillet. Le 4-3-3 que j’ai connu à Sclessin a fait place au 4-2-3-1 à Anderlecht. C’est un système qui est taillé sur mesure pour l’effectif. Et je ne suis plus vraiment un avant mais plutôt un milieu de terrain offensif.

 » Lâche ce ballon, fils de pute « 

Et ça vous chagrine ?

Un peu, oui. L’entraîneur a beau me répéter qu’il est content de moi, même quand je ne marque pas, les buts sont quand même mon moteur. Et les fans attendent des actions décisives de ma part. Quand je ne marque pas pendant un certain temps, comme en fin d’année, ils se demandent ce qui ne va pas et ont l’impression que je ne suis plus en forme. Dans une certaine mesure, je peux les comprendre. Mais je conçois aussi que le staff technique ne veuille pas changer un système qui a fait ses preuves. Les goals sont répartis sur tout le front de l’attaque et c’est l’essentiel.

Après votre but contre Bruges, vous avez couru en direction d’Ariel Jacobs. Que lui avez-vous glissé à l’oreille ?

Il m’avait dit que mon jeu de position était parfait. Je lui ai fait remarquer qu’un goal, ce n’était pas mal non plus. Et même mieux ( il rit).

On vous a déjà vu aussi donner une claque au coach…

Very soft, my friend

En revanche, vous n’allez plus au clash avec un coéquipier comme c’était le cas au Standard. Avec Axel Witsel, entre autres.

Il faut replacer ça dans son contexte. Avant ce fameux match contre Bruges, l’entraîneur avait dit qu’en cas de penalty, le joueur qui se sentait le mieux tirerait. J’étais bien à ce moment-là et j’ai donc pris le ballon. A mon grand étonnement, Axel a voulu me le retirer des mains. Comme je ne voulais pas le donner, il m’a crié -Lâche ça, fils de pute. Inutile de dire qu’après avoir entendu ça, il n’y avait plus aucune chance que je le laisse tirer. Je l’ai donc placé sur le point de penalty et j’ai pris mes responsabilités.

Vous avez marqué mais vos rapports avec Witsel ne s’en sont-ils pas ressentis ?

Il m’est arrivé d’avoir des mots avec d’autres partenaires. Comme Sergio Conceiçao ou même Dieu. Mais c’était différent. Autant j’ai toujours célébré un but marqué par Witsel, autant j’ai remarqué une réticence chez lui à partager ce bonheur quand je scorais. Soit, c’est la vie. Ce garçon n’a pas que des côtés lisses. Et si vous me demandez ce que je pense de lui, aujourd’hui, ma réponse est catégorique : c’est l’un des meilleurs joueurs avec qui j’ai joué. C’est ça que je retiens en priorité.

 » L’AZ n’est pas un cadeau « 

Qui sont les autres ?

Nemanja Vidic et Milos Krasic avec la Serbie, Mbokani et Witsel au Standard, Suarez à Anderlecht.

Pas Olivier Deschacht ?

J’ai eu un échange animé avec lui contre Bruges. Il me reprochait de ne pas coller Nabil Dirar. Je lui ai dit ma façon de penser et ce fut constructif pour nous deux.

Au-delà du match à Sclessin se profile aussi un rendez-vous avec l’AZ en Europa League. Que vous inspire cette double confrontation ?

Des trois clubs belges, on a tiré l’adversaire le plus compliqué. Les Hollandais jouent plutôt bien et pressent haut, ce qui risque de nous gêner. Cette équipe n’est pas un cadeau. Il faudra resserrer les boulons derrière et bien jouer en contre comme on l’a fait au Lokomotiv Moscou ou à l’AEK Athènes. On aura l’occasion de disputer la manche décisive chez nous. C’est un atout. J’y crois.

Quelles peuvent être les ambitions d’Anderlecht dans cette épreuve ? Une place en finale ?

Tout ce qu’on réalise, c’est du bonus parce que le championnat doit être notre priorité absolue. Le titre, c’est une qualification assurée en poules de la CL. C’est une chance qu’il faut saisir.

En cas de succès, qui aimeriez-vous rencontrer ?

Je dirais bien Barcelone car c’est la meilleure équipe de tous les temps. Mais ce serait surtout un régal pour les suiveurs. Car moi, dans ce cas de figure, je devrais cavaler les trois quarts du temps derrière Dani Alves. Et ce n’est pas ce qui m’enchanterait le plus… ( rires)

PAR BRUNO GOVERS

 » Ce n’est pas en disant -Bien essayé qu’on avance. Il faut pouvoir dire – Bien joué en toutes circonstances. « 

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