A FOND LA CAISSE

Soutenu par Volkswagen et avec Kevin De Bruyne aux commandes, le VfL Wolfsbourg veut se hisser au sommet du football européen. Le constructeur allemand mettra le prix qu’il faut pour conserver le Diable Rouge.

Martin Winterkorn, le patron de Volkswagen, ne savait trop que penser en voyant le Vfl Wolfsbourg démonter le Bayern Munich, lors du match de reprise de la Bundesliga, après la trêve hivernale. Le club est une filiale du constructeur automobile et le capital présent sur le terrain appartient donc à VW. Pourtant, après le 4-1 qui sanctionna la partie, Winterkorn ne versait pas dans l’euphorie… Et pour cause : il fait également partie du conseil d’administration du Bayern. A chaque fois que Wolfsbourg affronte le grand club munichois, il est donc confronté à un dilemme. Il est l’exception qui confirme la règle dans une usine où on vit au rythme du club de football local.

Martin Winterkorn sait mieux que quiconque combien le club coûte à Volkswagen. Pour cette saison, on évoque un montant de 95 millions d’euros mais personne ne confirme cette somme. Quoi qu’il en soit, les résultats obtenus et le football proposé exacerbent encore les ambitions du club. Wolfsbourg est pratiquement certain de terminer à la deuxième place et il veut tenter de combler partiellement l’énorme fossé qui le sépare du tout-puissant Bayern. Cela va coûter cher au constructeur automobile mais peu importe : Volskwagen est l’une des entreprises les plus saines d’Allemagne. Il y a longtemps qu’elle a gommé les symptômes de la crise économique.

Au cours des dernières années, elle a d’ailleurs déjà beaucoup dépensé. Depuis que le club a été sacré champion à la surprise générale, en 2009, deux cent seize millions ont été injectés dans l’acquisition de nouveaux joueurs. C’est cent millions de moins que le Bayern au cours de la même période. Le fait que Wolfsbourg ne s’intéresse plus à ce que font des clubs comme le Bayer Leverkusen ou Schalke 04 pour se concentrer uniquement sur la course qu’il livre avec le grand club bavarois est symptomatique de la nouvelle hiérarchie qui règne dans le football allemand.

Même si le noyau actuel – d’une valeur de 165,3 millions d’euros – n’est actuellement que le cinquième plus cher de Bundesliga derrière le Bayern (544,2 millions), le Borussia Dortmund (349,9), Schalke (228,3) et le Bayer Leverkusen (179,3).

Au four et au moulin

En rentrant chez lui au soir de la victoire mémorable sur le Bayern, Dieter Hecking (50), l’entraîneur de Wolfsbourg, entendait à la radio les commentaires euphoriques au sujet de son club. Il était notamment question de football tourbillonnant et de maîtrise tactique. Ce n’est qu’alors qu’il comprit que son équipe venait de réaliser quelque chose d’extraordinaire. Soudain, il fut envahi par des sentiments contradictoires de joie et de tristesse. Il pensa inévitablement au tragique accident de Junior Malanda, à l’instant où il dut annoncer la terrible nouvelle à ses joueurs : le moment le plus difficile de sa vie.

Il repensa aussi au jour où il débarqua en Basse-Saxe, à la mi-2012, et où on lui présenta un noyau de 49 joueurs. Et il songea aussi au scepticisme déclenché par le choix des dirigeants de lui faire confiance. Car Hecking, père de cinq enfants, est un ancien policier réputé pour être intransigeant en matière de discipline et de ponctualité. Ceux qui le connaissent dépeignent pourtant un autre homme, un entraîneur à l’autorité naturelle qui s’entend bien avec ses joueurs sans fuir la confrontation mais qui, surtout, les rend meilleurs et est toujours sur les talons des jeunes afin de leur faire comprendre que la vie d’un footballeur professionnel, c’est bien plus que s’entraîner deux heures par jour.

Est-ce pour cela que Kevin De Bruyne a explosé de la sorte à Wolfsbourg ? Même José Mourinho n’en revient pas. En 21 matches, le Diable Rouge a signé huit buts et délivré douze assists. Il est au four et au moulin, à la construction et à la finition. Son seul défaut ? Il ne parle pas allemand. Pourtant, à Wolfsbourg, c’est De Bruyne über alles. Après sa démonstration face au Bayern, il revêtit le maillot du club adverse et tout le monde se dit que, la saison prochaine, il le porterait définitivement. Le rouge-blanc-bleu lui irait tellement bien… Sa technique, sa mobilité et sa vitesse lui permettraient de s’intégrer rapidement au Bayern qui, comme il en a pris l’habitude, déforcerait encore un rival.

Mais Klaus Allofs, le manager de Wolfsbourg, ne se fait pas de mauvais sang à ce sujet. De Bruyne est sous contrat jusqu’en juin 2019 et aucune clause libératoire ne figure au document. Allofs sait combien Volkswagen est ambitieux. On a pu le constater lors du mercato hivernal, quand il a déboursé 32 millions d’euros pour acheter André Schürrle. Une somme énorme pour un joueur qui était sur une voie de garage à Chelsea. Jusqu’ici, on affirmait que Wolfsbourg voulait progresser lentement mais sûrement, sans faire de folies mais avec un tel investissement, les masques tombent.

A la même corde

Wolfsbourg est même entré dans le collimateur de l’UEFA qui, en instaurant le Fair Play Financier, a voulu faire en sorte que les clubs ne soient pas trop dépendants d’un investisseur. Mais il ne fut jamais question d’enquête car Volskwagen a rapidement fait savoir que le club de football était un outil de marketing de la firme et que les résultats du club faisaient augmenter le sentiment d’identification avec la ville.

Kevin De Bruyne ne doit donc pas se faire de souci quant à son avenir. Il ne cesse de répéter qu’il se sent bien en Allemagne et son agent, Patrick De Coster, ajoute qu’aucune proposition concrète ne lui est encore parvenue. Le comité de direction de Volkswagen affirme également qu’il veut faire de De Bruyne la figure de proue d’un club qui entend bien se hisser au sommet du football européen. Des moyens supplémentaires seront mis à la disposition de Wolfsbourg et cet argent sera dépensé intelligemment.

Plus question de travailler de la même façon qu’en 2009, lorsque le club fut champion sous la conduite de Felix Magath mais jeta l’argent par les fenêtres. Cette fois, il y aura un plan. Bien que le Hollandais Bas Dost ait explosé au cours des dernières semaines (il avait négocié avec Feyenoord durant le mercato mais le club hollandais n’avait pu se l’offrir), la priorité de Wolfsbourg est d’acquérir cet été un attaquant de format international. A moins que Dost, arrivé de Heerenveen en 2012 pour sept millions d’euros, ne poursuive sur sa lancée actuelle.

Voilà qui réjouira Kevin De Bruyne qui a déjà fait savoir qu’il ne voulait pas jouer à Wolfsbourg pour voir le Bayern champion chaque année. Cette saison, Wolfsbourg ne pourra plus rejoindre le club bavarois mais il s’est fixé un autre objectif : remporter la Coupe d’Allemagne. Le 4 mars, il se déplace au RB Leipzig en huitièmes de finale. La finale est programmée pour le 30 mai à Berlin. Il veut également poursuivre le plus loin possible l’aventure en Europa League. En ce qui concerne les seizièmes de finale, l’affaire se présente bien puisqu’il s’est imposé 0-2 au Sporting Lisbonne la semaine dernière.

L’avantage d’un club comme Wolfsbourg, c’est que personne ne se montre très exigeant envers lui. La ville est relativement petite (120.000 habitants) et tranquille. Il n’y a pas de journaux à sensation qui mettent la pression avec de grands titres et au sein du club, tout le monde tire à la même corde. Volkswagen tient les rênes et veille à éviter toute lutte pour le pouvoir en interne.

Un air de Stefan Effenberg

Le club a donc une identité et a fait de l’école des jeunes un de ses chevaux de bataille. Le temps où Wolfsbourg achetait des joueurs sur le retour est révolu. Aujourd’hui, les équipes d’âge du club figurent parmi les meilleures d’Allemagne et, chaque année, des jeunes sont incorporés au noyau A. Le noyau est donc parfaitement équilibré. Et même en occupant la deuxième place de la Bundesliga, Wolfsbourg continue à jouer sans trop de pression. Ce climat a certainement favorisé l’éclosion de Kevin De Bruyne qui, contrairement à ce qui s’est passé à Chelsea, n’a jamais été critiqué même lorsque ses prestations laissaient à désirer.

La seule chose qui interpellait Dieter Hecking, c’était la sensibilité du jeune Diable Rouge. Aujourd’hui, l’entraîneur de Wolfsbourg affirme que De Bruyne lui fait penser à Stefan Effenberg lorsqu’il était jeune. Ex-international allemand, Effenberg a joué au Borussia Mönchengladbach, au Bayern Munich, à la Fiorentina et… à Wolfsbourg. Il était toutefois assez caractériel.

Ce n’est pas le cas de Kevin De Bruyne dont on n’entend guère parler en dehors du terrain et qui passerait plus inaperçu encore sans ses cheveux roux. Après avoir battu le Bayern pratiquement à lui seul, il quitta le stade dans un vieux jeans avec un énorme sac sur le dos. Il ressemblait davantage à un gamin qui était allé faire des courses pour sa grand-mère qu’à une star.

Kevin De Bruyne est un type extraordinairement simple. Et à Wolfsbourg, il est possible de mener une telle vie. Bien plus que dans les clubs qui, au cours des prochaines semaines, ne manqueront pas de se lancer dans la course au transfert. Il est d’ailleurs possible que cet argument le pousse à rester. Après ses récentes prestations, le club a laissé entendre qu’il ne tarderait pas à se mettre à table avec lui et à relever fortement un salaire estimé jusqu’ici à cinq millions d’euros par an. C’est le souhait de Volkswagen.

Une usine qui permet au club de rêver. Au cours des prochaines années, Wolfsbourg doit être bien plus que le premier dauphin du Bayern. L’objectif est de combler progressivement l’écart qui sépare les deux clubs. Il y a deux ans, celui-ci était de 48 points à la fin du championnat. La saison dernière, il était de 30. Cette année, la différence n’est que de huit unités.

PAR JACQUES SYS – PHOTOS: BELGAIMAGE

La sérénité qui règne à Wolfsbourg a sans doute favorisé l’éclosion de Kevin De Bruyne.

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