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 » A Eupen, on peut être soi-même « 

Eupen a assuré son maintien pour la troisième année d’affilée, il y a quelques semaines déjà. Hendrik Van Crombrugge et Siebe Blondelle ont participé à la promotion parmi l’élite. Ils reviennent sur les trois ans des Pandas en D1A.

Eupen a enrôlé Hendrik Van Crombrugge (25 ans) il y a six ans, alors qu’il était sur une voie de garage à Saint-Trond. Il y a quatre ans, Siebe Blondelle (32) l’a rejoint, après des passages à Mons et à Waasland-Beveren. Ils ont vécu la promotion en D1A et ont assuré le maintien il y a trois semaines, cette fois sur le terrain d’Ostende, avec le capitaine Luis Garcia, arrivé un an après Van Crombrugge. Le gardien réserve, Babacar Niasse, et l’avant Eric Ocansey, qui n’ont pas joué à Ostende, ont également connu la D1B.

Comment avez-vous fêté le maintien pendant le voyage le plus long de la saison, avec ses 250 kilomètres ?

SIEBE BLONDELLE : Nous n’avons pas dansé la polonaise. Certains ont joué aux cartes, d’autres ont regardé un film et certains ont dormi. Hendrik et moi étions côte à côte et nous avons bavardé, comme après chaque match en déplacement.

HENDRIK VAN CROMBRUGGE : Nous sommes rentrés à une heure et demie du matin à Eupen. J’avais encore une heure de route jusqu’à la maison, à Bekkevoort, et je me suis couché à trois heures. Je suis reparti à neuf heures moins quart, l’entraînement débutant à onze heures.

 » J’ai craint le pire après cinq matches  »

Êtes-vous surpris d’avoir assuré votre maintien à quatre journées de la fin ?

VANCROMBRUGGE : J’ai craint le pire après nos cinq premiers matches. Nous avions zéro point et nous avions encaissé 19 buts.

BLONDELLE : En début de compétition, on veut se débarrasser le plus vite possible de ce zéro. Si on n’y parvient pas, on s’énerve. La première victoire, à Mouscron, a constitué un déclic. D’un coup, nous avons trouvé un système de jeu qui nous convenait. Par la suite, il y a eu quelques transferts bien ciblés, des joueurs importants.

VAN CROMBRUGGE : L’arrivée de Souleymane Marreh a été décisive, comme le fait que pendant cette crise, les joueurs se sont rapprochés. Ce premier succès nous a rendu un certain élan, d’autant que nous l’avons obtenu à l’extérieur, ce qui ne nous arrivait pas souvent. Nous avons aussi préservé nos filets, pour la première fois, alors que c’était un de nos problèmes. Nous avons puisé de l’énergie dans ce succès.

BLONDELLE : Dans un moment pareil, il faut que le groupe soit soudé, que chacun aille au feu pour les autres et comprenne que l’équipe s’en sortira si tout le monde est sur la même longueur d’onde.

VAN CROMBRUGGE : La mentalité était moins bonne la saison passée. Beaucoup de nouveaux joueurs étaient arrivés d’un coup, ce qui n’était pas habituel ici. Il faut comprendre le club, son projet, sa philosophie. Nous sommes beaucoup plus solidaires cette année que la précédente.

 » Marreh était notre chaînon manquant  »

Le plus frappant, c’est que votre style de jeu a changé durant ces trois ans. Eupen est passé du tiki-taka, la philosophie qui lui était imposée, à un football plus réaliste.

BLONDELLE : C’était nécessaire. Faire le jeu est difficile pour un petit club. Hendrik et moi n’étions pas ravis d’encaisser autant de buts semaine après semaine. Claude Makelele est parvenu à développer son football grâce à des transferts bien pensés. Nous sommes encore capables de bien jouer mais il faut sentir quand c’est possible ou pas. Nous devons parfois former un bloc. Notre numéro six, Marreh, est un joueur-clef dans ce système, malgré son jeune âge. Il est le chaînon manquant. Avant, une partie attaquait et l’autre défendait, sans relais entre les deux. Marreh occupe ce rôle.

J’ai été surpris par la rapidité avec laquelle Henry Onyekuru a rejoint l’élite.  » Siebe Blondelle

VAN CROMBRUGGE : J’aime participer au jeu et évoluer haut mais quand ça ne fonctionne pas, il faut en tirer des conclusions. Jordi Condom nous obligeait à construire depuis l’arrière, coûte que coûte. Maintenant, nous précédons par longs ballons quand c’est nécessaire. Nous sentons quand nous pouvons jouer ou pas.

BLONDELLE : Makelele aime le football physique, avec des contres rapides, et les transferts ont été effectués en ce sens : des joueurs solides, athlétiques, alors qu’avant, Eupen optait pour des gabarits plus légers, fin techniciens. Mais on n’assure pas sa survie en Belgique en n’alignant que des joueurs de ce genre.

Makelele est un grand nom du football. Lui avez-vous demandé un autographe à son arrivée ?

VAN CROMBRUGGE : Non. Le plus surprenant, c’est qu’il a réussi à changé une philosophie qui était très importante pour le club. C’était nécessaire mais pas évident. Jordi Condom était un type bien, qui ne se fâchait pas. Quand ça allait mal et qu’il voulait quand même se fâcher, ça n’avait pas le moindre impact. Makelele, lui, peut piquer une crise de colère. C’est l’entraîneur avec lequel j’ai le plus de contacts. Il me demande parfois ce qui vit dans le groupe. Il m’a appris à me calmer et à influencer le rythme du match en conservant un peu le ballon ou en le relançant directement.

BLONDELLE : Makelele est un bon motivateur. Il entame toujours son speech de manière générale pour nous plonger petit à petit dans le match à venir.

 » Un transfert qui échoue ? Il faut tourner la page  »

Lors de la montée, pensiez-vous être encore à Eupen trois saisons plus tard ?

VAN CROMBRUGGE : Non. A mon arrivée, j’étais considéré comme un grand talent. Les gens vous montent la tête et vous vous faites des idées. Quand les choses ne se déroulent pas comme vous l’espériez, vous vous retrouvez, comme moi, à lutter pour le maintien jusqu’à la dernière journée. Il faut parvenir à tourner la page. Certains n’en sont pas capables mais j’y suis arrivé assez vite.

Après chaque saison, tu avais la possibilité d’aller à l’étranger, Hendrik.

VAN CROMBRUGGE : L’Ajax s’est intéressé à moi à l’issue de la première saison mais j’ai décidé de ne pas accepter car je voulais confirmer, en espérant pouvoir m’en aller ensuite. Je visais le marché belge mais il ne s’est pas intéressé à moi. J’aurais pu émigrer à Sassuolo aussi, mais ça ne s’est pas fait.

Qu’aurais-tu fait à la place d’Hendrik, Siebe ?

BLONDELLE : J’aurais rejoint l’Ajax mais aussi Sassuolo. Je suis défenseur et donc amateur du football italien, qui élève la défense au rang d’art. Hendrik aurait pu jouer dans les deux clubs mais il avait ses raisons. Quand on ne sent pas un projet à 100%, mieux vaut s’abstenir.

As-tu eu des opportunités à la fin de la saison dernière, Siebe ?

BLONDELLE : Oui. Un nouveau contrat à Eupen. Ces dernières années, je n’ai pas demandé à mon manager de chercher d’autres clubs.

 » On sait qu’on ne se produira pas devant 10.000 personnes  »

Les clubs belges ne veulent pas payer pour un gardien belge. N’était-ce pas ton problème, Hendrik ? Il paraît que tu as sursauté quand Colin Coosemans a signé à Gand pour 400.000 euros.

VAN CROMBRUGGE : Mon prix était bien trop élevé. J’ai été surpris qu’un aussi bon gardien puisse partir pour une somme aussi modique. Mais je préfère qu’on enrôle un Belge plutôt qu’un étranger qui coûte 3,3 millions et n’a pas plus de classe que les portiers d’ici.

En Belgique, on ne dépense pas deux millions pour Hendrik Van Crombrugge.

VAN CROMBRUGGE : Je ne peux que m’incliner si les clubs belges estiment que je ne vaux pas cette somme. L’Ajax était prêt à verser cette somme, de même que Sassuolo. Je dois en tirer mes leçons mais ce report ne veut pas dire que je renonce. Cette fois, si je reçois une bonne offre de l’étranger et que les trois parties s’y retrouvent, je partirai. J’ai besoin de relever un nouveau défi car je veux connaître mes limites sportives.

Eupen a la plus faible assistance de division un depuis trois ans. Est-ce que ça vous dérange ?

BLONDELLE : Quand on a bien fait ses devoirs avant de signer ici, on sait qu’on ne se produira pas devant 10.000 personnes.

VAN CROMBRUGGE : C’est un vrai club de ville. La plupart des spectateurs viennent d’Eupen. Les premières années, ses habitants se méfiaient de ce nouveau projet étranger. Ils se sont départis de cette réserve mais je crains que le club ne puisse jamais avoir une base de 5.000 spectateurs car le football allemand est très populaire ici. Ne sous-estimez pas non plus l’impact du Standard sur la région.

 » Ocansey et Lazare ont plus de talent qu’Onyekuru  »

Aspire a repris Eupen pour y faire mûrir ses talents. Quels ont été les meilleurs footballeurs que vous avez vus défiler pendant trois ans ?

BLONDELLE : J’ai été surpris par la vitesse avec laquelle Henry Onyekuru a rejoint l’élite. Il était un jeune talent à son arrivée mais il a rendu service lors de la saison de la montée, qui était sa première en D2. Et maintenant, il joue à Galatasaray. Je l’admire. Eric Ocansey et Lazare Amani ont encore plus de talent. On a peut-être trop vite encensé Lazare quand il jouait si bien. Mamadou Sylla était un bon avant. Je m’attendais à ce qu’il réussisse à Gand.

VAN CROMBRUGGE : Les jeunes talents ont plus de temps pour mûrir ici. A nos débuts en D1A, nous alignions Sylla et Florian Taulemesse en attaque. Ça n’allait pas très bien mais Sylla est resté en poste et Taulemesse, qui était pourtant notre meilleur buteur en D2, a été écarté. Eupen a alors joué avec le duo Sylla-Onyekuru, avec succès.

Est-ce un club chouette ou difficile ?

BLONDELLE : Chouette. Je suis stupéfait de tout ce que le club fait pour les joueurs. Des repas, des mises au vert avant les matches, tout est toujours parfaitement réglé. Même en division deux. Ce n’est pas toujours le cas dans beaucoup de clubs de l’élite. Avant chaque déplacement, nous continuons à partir au vert après la dernière séance et nous dormons sur place, sauf pour les courts trajets à Saint-Trond et au Standard. Je ne peux pas concevoir que quelqu’un, quel que soit son pays d’origine, sa culture, sa religion ou sa langue, ne se sente pas rapidement chez lui ici. Le club est ouvert à toutes les cultures, à toutes les nationalités. Chacun peut être lui-même à Eupen.

Makelele est l’entraîneur avec lequel j’ai eu le plus de contacts.  » Hendrik Van Crombrugge

VAN CROMBRUGGE : Il est difficile de trouver une nationalité qui ne puisse parler sa langue ici. Nous avons le choix entre des plats halal et pas halal. On apprend des tas de choses. Notre avant japonais Yuta Toyokawa, le plus professionnel de nous tous, entame chaque séance vingt minutes avant le groupe. Il nous a appris le mot japonais tenga ( sex toy, ndlr) . Le jeu idéal pour les garçons solitaires ( sourire). Un beau cadeau d’anniversaire aussi. Il m’a aussi appris wasabi. J’en ai engouffré un énorme bouchée d’un coup et j’ai eu la bouche en feu. Alors que je n’avais rien à boire.

BLONDELLE : Les nouveaux joueurs sont acceptés plus vite qu’ailleurs. Je me souviens qu’à mon arrivée, je ne connaissais personne mais que les Espagnols m’ont immédiatement adopté. Avant de m’en rendre compte, je me retrouvais chez eux, à regarder des combats de taureaux à la TV, plutôt contre mon gré, alors qu’ils m’expliquaient à quel point ça les fascinait.

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Loin de chez eux

Après un passage difficile à Saint-Trond, Eupen a lancé une bouée de sauvetage à HendrikVan Crombrugge, il y a six ans. C’est dans les Cantons de l’Est qu’il a fait la connaissance de sa femme.  » Elle est encore plus connue que moi ici. Une Eupenoise célèbre. Elle a travaillé dans la boulangerie-pâtisserie Kockartz, fréquentée par presque toute la ville.  »

Il s’est rapidement intégré. Il parle néerlandais, français et anglais mais aussi un allemand quasi parfait.  » Pourtant, je ne connaissais pas un mot d’allemand.  » Il a vécu deux ans et demi à Eupen mais l’année dernière, sa famille a emménagé à Bekkevoort.

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Siebe Blondelle a été formé par le Cercle Bruges. A seize ans, il a rejoint Vitesse Arnhem. Il y a quatre ans, il a signé à Eupen.  » En signant dans un club, on débarque dans un environnement qu’on ne connaît pas. Il faut un certain temps pour voir si on s’y intègre.  »

Sa famille vit à Bruges. Il occupe un appartement à Eupen en semaine.  » Je vois ma famille un jour et demi par semaine, du dimanche midi au lundi soir. Je passe le reste du temps à Eupen. Dès que je sors de chez moi, je rencontre des gens. Ici, tout le monde se connaît. « 

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