» A Eupen, l’effectif a parfois oublié ses obligations « 

Le gardien ardennais revient à Mons par la grande porte après une saison de tous les éclats au Kehrweg.

Les Dragons ont effectué leurs premiers tours de piste à Spa, pas loin du plus beau circuit automobile du monde. Dans le hall de leur hôtel, le Balmoral Radison, des souvenirs rappellent les plus grands pilotes, un livre revient largement sur la magie du Raidillon. C’est une plongée dans l’Ardenne bleue qu’Olivier Werner connaît très bien :  » Je suis originaire de Stoumont, à quelques kilomètres d’ici « . Et c’est dans ces forêts belles comme des cathédrales que cet homme de 26 ans a puisé la force et la maturité qui baignent ses propos.

Il s’est définitivement installé en D1 la saison passée mais garde un goût amer en bouche :  » J’aurais tant aimé qu’Eupen reste en D1. Mais il s’est passé des tas de choses. J’espère que tous les joueurs peuvent se regarder dans la glace…  » Une dernière phrase qui signifie  » non « .

Vous échangez le Kehrweg pour le Tondreau où vous étiez déjà passé en 2004-2005. La saison où vous auriez dû effectuer vos débuts en D1 ? Mais n’avait-on pas plus parlé de… Nutella que de foot ?

Olivier Werner : C’était une autre époque. L’Albert n’est plus le même club, il a passé le cap de ses maladies de jeunesse. Tout le monde a grandi et il y a désormais du vécu ici… un savoir-faire qui a tant manqué à Eupen. En 2004-2005, j’étais venu du Standard car j’étais à la recherche de temps de jeu. A Sclessin, où je suis arrivé de Manhay en 1993, j’ai beaucoup progressé grâce à Christian Piot et à son fils, Didier. Dominique D’Onofrio m’a intégré au noyau A mais j’étais barré par Fabian Carini et Dimitri Habran. Quand on dresse ce constat, il est toujours intéressant de changer d’air, même d’évoluer en D2. Mons c’était la D1. On m’avait annoncé que je défendrais les filets des Dragons lors du dernier match de la saison, à Anderlecht. Enfin… A la dernière minute, on me signala que ce ne serait pas le cas et je ne suis pas monté dans le car.

Et la saison suivante, Mons évoluait en D2, vous aussi.

Oui, à Virton où j’ai été prêté par le Standard et c’est là que tout a décollé pour moi. J’ai joué 33 matches, trouvé mes marques. Cette saison en Gaume a été décisive pour la suite de ma carrière car j’avais désormais des bases pour construire. Je dois beaucoup à ce club où régnait une atmosphère formidable. En 2004-2005, j’étais jeune, impulsif et je ne suis plus le même homme. Six ans plus tard, Mons voulait que je revienne. J’avais d’autres offres belges et étrangères mais…

 » Je préfère me demander ce que j’aurais pu faire de plus « 

Lesquelles ?

Cela n’a pas d’importance. J’ai fait mon choix et il n’y a que Mons qui compte car c’est ce club qui me voulait le plus. Tout a été clair tout de suite avec le président, Dominique Leone, le directeur technique, Dimitri Mbuyu, le staff technique, etc. J’ai retrouvé des amis, dont Cédric Berthelin. Sept ans après mes premiers pas ici, je retrouve le Tondreau avec bonheur. On ne m’a rien promis et je sais que tout passera par le travail. C’est aussi la marque de fabrique de Philippe Vande Walle, l’entraîneur des gardiens de but de Mons.

A-t-il été facile pour vous de tourner la page eupenoise ?

Non, pas du tout, cela reste un drame. Cette région méritait un club de D1. Cette ville s’est battue mais cela n’a pas suffi. L’effectif a parfois oublié ses obligations. Il s’est passé tant de choses. Je nourris plein de regrets. Il serait facile de pointer certaines personnes du doigt. Je n’ai pas envie, ce n’est pas mon style. Cela ne sert à rien. Eupen m’a payé, je m’y suis quand même distingué, j’y ai attiré les regards. Si j’ai retrouvé une place en D1, je le dois à Eupen. Je préfère me demander ce que j’aurais pu faire de plus pour qu’Eupen reste en D1.

Sans votre fracture de la main, Eupen aurait-il sauvé sa tête ?

Ce n’est pas à moi de le dire…

Ce jour-là, contre le Standard, vous avez été fabuleux : le meilleur match de votre carrière ?

C’est ce qu’on dit. J’étais totalement dans mon match. Mémé Tchité m’a involontairement touché à la main. Je savais que c’était sérieux, j’avais mal mais il restait 20 minutes et j’ai terminé la rencontre. J’ai tout pris sauf l’own-goal de Zukanovic.

Ce Werner-là a ensuite beaucoup manqué à Eupen durant huit matches.

C’était quand même une double fracture sans complication…

Eupen a quand même perdu un paquet de points sans vous : les points du maintien ?

Pas sûr, je n’étais pas seul dans cette équipe. Je vous l’ai dit : il s’est passé tant de choses.

Dont un mauvais début de saison ?

Evidemment, quand on n’a pas un point à se mettre sous la dent, cela broie le moral. Danny Ost n’a pas pu tenir avec un zéro sur 15. Personne ne résiste à cela. L’équipe était jeune et a tardé à se mettre en place. Pas le temps de tout régler. Elle manquait de métier et la chance nous a quand même boudés.

Comment cela ?

Elle a quand même été chercher un bouffon ou un Martien, Eziolino Capuano, pour succéder à Ost, non ?

Cela n’a pas collé. Il n’avait pas le niveau de…

… la P4 ?

En tout cas pas le niveau de la D1 et d’Eupen. Il estimait que le football se joue à 11 derrière. C’est vrai, Eupen encaissait trop de buts mais il y a toujours une brique qui lâche dans un mur. On ne peut pas camper 90 minutes devant son gardien de but. Eupen n’avait pas les joueurs pour ce système. Il fallait réorganiser certes mais ne pas oublier nos qualités techniques.

 » Cartier a rendu de la fierté au groupe « 

Capuano est resté 19 jours : aucun joueur n’a-t-il été dire à Antonio Imborgia qu’il se fourrait le doigt dans l’£il ?

Je ne crois pas. Notre capitaine, Danijel Milicevic aurait dû le faire. Mais bon !

Heureusement, il y a eu Albert Cartier, un autre calibre.

Evidemment, il a redressé Eupen qui…

… coulait comme le Titanic ?

Tout à fait. J’avais travaillé avec lui au Brussels. Il y a cru, on a bossé et l’impossible s’est réalisé : Eupen a revu la lumière, le bout du tunnel. Ah, cela a coûté de la sueur, beaucoup de sueur mais, moi, je ne connais que cela pour y arriver. Et cela a marché. Je me suis mis à jouer avec lui. La défense était plus sereine avec moi, je pense. Cartier a rendu de la fierté au groupe. Avec lui, on était confiant. Il nous a donné son énergie et le travail a fait le reste. Quand on a gagné au Standard, c’était fabuleux ; surtout pour moi car c’est le club de mon c£ur. Cartier avait trouvé les mots justes pour nous mettre sur orbite.

Avec lui jusqu’à bout, Eupen se serait sauvé ?

Je crois.

Vous avez perdu Momo Dahmane en cours de route ?

Oui, je m’en souviens.

N’était-ce pas lui l’empêcheur de tourner en rond dont on parlait beaucoup à Eupen ?

C’est à lui de répondre à cette question, pas à moi. Dahmane n’a pas eu totalement tort dans tout ce qu’il a dit ou fait.

C’est-à-dire ?

Je n’ai plus rien à dire à ce propos-là, point final.

Son  » ami  » Kevin Vandenbergh a beaucoup apporté, lui ?

Je connais bien Kevin. Il s’est bien adapté chez nous, était simple, y a cru mais aurait pu marquer quelques buts de plus.

Eupen a-t-il été roulé dans la farine par le Lierse ?

Parce que le Lierse s’est distingué contre le Club Bruges qui cartonnait ? Je ne cherche pas les explications d’une relégation chez les autres. Eupen aurait dû se sauver avant la fin de la phase classique du championnat. Il faut examiner ce qui a cloché chez nous.

Plein de choses ?

Oui.

Comme la défenestration de Cartier durant les PO3 ?

C’était une erreur, je l’ai dit à la direction. On a raconté des tas de choses.

Je ne me souviens plus !

Moi non plus mais c’était faux, je n’y crois pas à tout ce qu’on a raconté.

 » Partir sur cette note-là, c’est dommage. « 

C’était un cadeau empoisonné pour Ost ?

Bien sûr. Il quitte un club qu’il n’a pas su installer sur les rails de la D1 et le retrouve avec beaucoup plus de problèmes encore.

Ost a quand même évité la descente directe en D2.

Oui, oui mais le pire, pour lui, pour nous, était à venir.

Ost m’a dit un jour qu’il ne s’attendait pas à trouver un vestiaire aussi tragique, vous non plus ?

Tragique ?

Quand des joueurs ne se parlent plus et se tapent dessus…

C’était grave mais il ne faut pas exagérer.

Zéro point lors du tour final, si ce n’est pas tragique ?

Notre tour final de D2 ? C’est honteux, je sais. Zéro sur toute la ligne. Inadmissible. Tout le monde n’a pas compris l’importance de ce qui se passait, l’obligation de rendre ce que les supporters nous ont donné.

Les égoïstes ont uniquement pensé à eux ?

Cette descente restera à jamais une grande déception pour moi. Partir sur cette note-là, c’est dommage. Ensemble, on pouvait s’en tirer, pas comme cela. On a jeté par la fenêtre tout le travail mental et physique abattu par Cartier. Beaucoup de joueurs ont beaucoup progressé avec lui.

Sont-ils devenus para-commandos ?

Non, évidemment. Cartier avait sa vision du football. Tout était parfaitement organisé dans tous les secteurs. Avec lui, c’était du direct. On bossait et Eupen est devenu un club pro. Après un mauvais match, il a prévu un entraînement le lendemain matin à 7 h. Cela nous fit un bien fou et les idées ont été remises en place dans les caboches. Mon équipier Vinamont, qui ne jouait pas tout le temps, m’a dit ne s’être jamais senti aussi bien physiquement. Malgré tout, je retiens surtout du positif.

Du positif ?

On peut progresser même quand cela va mal. Je me suis remis en question, j’ai avancé et ce séjour d’un an à Eupen m’a donné une autre dimension. Je sais que je suis sur la bonne voie. Si je reste en D1, c’est quand même grâce à Eupen et j’espère que ce club retrouvera un jour la D1. Je suis plus fort, je me connais mieux.

Vous aviez aussi connu un moment difficile au FC Malinois ?

Formidable club. Après la montée en D1, la direction me proposa le nouveau contrat que je méritais. J’étais sur le point de signer quand Peter Maes changea d’avis. Il avait trouvé un gardien à Chypre, je crois. Je n’en revenais pas et je ne lui ai jamais demandé d’explication. Je suis parti au Brussels et, quelques mois plus tard, Malines a dû engager d’urgence Olivier Renard car le gars de Chypre, c’était pas top je crois. Comme quoi tout tient à peu de choses, tout le monde peut se tromper.

Qui dit Brussels, dit Johan Vermeersch.

Et je n’ai pas eu le moindre problème avec lui. C’est un caractère, une grosse personnalité qui a du tempérament. Tout ce que je peux dire, c’est que c’est grâce au Brussels que j’ai débuté en D1 contre Saint-Trond, le 1er mars 2008. J’aurais pu le faire plus tôt. Cartier m’avait annoncé la bonne nouvelle un mardi et je me suis blessé au genou le lendemain, à l’entraînement. Le Brussels reste un bon souvenir.

 » Ma compagne est hôtesse de l’air à Brussels Airlines « 

Votre père était gardien de but ?

Oui. Il m’a beaucoup soutenu sur cette route difficile qui mène à la D1. Toute la famille était derrière moi car il y avait les déplacements pour aller aux entraînements au Standard, etc. Après mes humanités, j’ai tout consacré au football.

Allez-vous vivre à Mons ?

Pour le moment, je suis installé à Genk.

Spreekt u Nederlands ?

Ja, ik ben tweetalig.

Bravo : enseignement francophone ?

Non, ma compagne est limbourgeoise. De Genk. J’ai appris le néerlandais avec elle. Nous cherchons un logement entre Bruxelles et Mons, de préférence près de Nivelles. Elle est hôtesse de l’air à Brussels Airlines et ce serait bien pour nous deux d’habiter près de la capitale.

Vous serez observé autrement à Mons, non ?

Probablement.

L’effet de surprise aura disparu : vous êtes désormais un gardien reconnu en D1.

Je reste en D1 grâce à Eupen. A 26 ans, j’entre dans mes plus belles années. Rien n’a été facile. Mais j’ai tenu bon parce que c’est l’objectif de ma vie de sportif.

Il est beaucoup question pour le moment de footballeurs de votre âge qui en ont plein les bottes, usés par une vie monotone, une trop grosse pression médiatique. La saison passée, Gérald Cid de Nice, gagnait 40.000 euros par mois mais a mis fin à sa carrière : que pensez-vous de ce genre de burn-out ?

Renoncer, c’est ce qu’il y a de plus facile à faire. Tout le monde peut connaître des moments de lassitude dans tous les métiers. Moi, je ne suis pas du genre à me laisser abattre par les problèmes.

PAR PIERRE BILIC – PHOTOS: REPORTERS/ GYS

 » Dahmane n’a pas eu totalement tort dans tout ce qu’il a dit ou fait. « 

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