A deux doigts de la fin

Du Standard à Beveren, il a tout donné pour son métier.

« Je suis passé à côté de la mort. A deux millimètres près, le cervelet était atteint et tout se serait arrêté. Mourir sur un terrain, faut quand même pas pousser, j’ai une famille, une épouse, deux enfants. J’ai souffert et je souffre encore: ces maux de tête m’accompagneront peut-être durant toute ma vie ».

Le discours de Ferrera lui a plu

Mettre fin à sa carrière à Beveren: n’est-ce pas un peu triste après un parcours comme le vôtre?

Gilbert Bodart: Non, on ne peut pas choisir. Je suis fier de ma carrière et je n’étais pas du tout gêné, au contraire, à l’idée d’entamer le dernier épisode à Beveren. J’ai toujours eu beaucoup de respect pour ce club qui fait partie de l’histoire du football de chez nous. Quand Emilio Ferrera m’a contacté, son discours m’a plu: nous étions sur la même longueur d’onde. L’idée de réussir un dernier truc en sauvant Beveren m’avait vraiment emballé. Cela me permettait aussi de revenir en Belgique. Les enfants vont à l’école et leurs études auraient forcément été perturbées si nous étions restés un peu plus longtemps en Italie, un pays que j’adore.

Le départ d’Emilio Ferrera a-t-il miné tous vos plans?

Evidemment. Moi, j’ai rarement travaillé avec un jeune coach aussi doué qu’Emilio Ferrera. Il a requinqué Beveren et y gardera toujours beaucoup d’amis. Il suffit tout de même de voir ce qu’il fait pour le moment à Molenbeek pour se rendre compte de ce que Beveren a perdu en le défenestrant. Emilio comptait sur moi afin d’apporter du métier à un groupe très jeune. J’ai débuté à Bruges où il y a eu un but pour ma pomme. J’ai assumé et je l’ai dit au repos. Ce langage plaisait à un groupe qui devait apprendre à s’assumer, à vivre avec le positif et surtout le négatif. Je n’avais aucun doute: cette équipe avait les moyens de se sauver. Si cela se termine mal en fin de saison, ce sera à cause de Jean-Marc Guillou. Je n’ai jamais vu cela: il ne connaît rien au football.

Guillou a eu une belle carrière de joueur, a été international et a formé du talent en Afrique.

Il a confondu l’Afrique et Beveren, je crois. On n’a pas idée de confier un club, patrimoine du football belge, a un gars qui se fout de ce passé, des traditions d’une telle entité qui a toujours lancé beaucoup de jeunes du cru. Impossible de dialoguer un peu avec lui. Un jour, j’étais dans le vestiaire avec Emilio et nous entendions ce qui se disait à côté. Guillou avait entamé son oeuvre de démolition de Ferrera. Il le discréditait aux yeux de dirigeants. J’avais compris: c’était le merdier. En Italie, je ne me rendais pas compte à quel point le football belge confiait son avenir au premier aventurier venu. Franchement, c’est dramatique. Entre Guillou et moi, ça ne pouvait pas marcher. C’est tout sauf un pro et on ne savait jamais s’il entraînerait l’équipe ou pas. Il m’a reproché d’être trop gros: quelle connerie. Ce gars-là vit comme un Bohémien, aujourd’hui à Beveren, demain en Afrique. Il ne cadre pas avec la façon de voir les choses à Beveren qui doit retrouver au plus vite ses racines et ses traditions.

Le médecin lui demande s’il est fou…

Thierry Pister ne vous avait-il pas proposé de l’aider?

Oui mais il était sage, pour moi, de prendre un autre itinéraire. A Lokeren, j’ai tout de même frôlé le drame. J’ai 39 ans et j’ai toujours vécu à 100% pour mon métier. Mais il y a une fin à tout. J’ai tenté de revenir: impossible. J’ai toujours mal à la tête. A cause d’une double arnoldite, deux nerfs du crâne me taraudent 24 heures sur 24! et je passe souvent des nuits blanches. J’ai fait un peu de vélo mais je ne tenais pas plus de quelques minutes. Le médecin m’a demandé si je n’étais pas fou car c’est dangereux. Un sportif tente toujours de se dépasser: au Standard, j’ai joué avec des genoux et des chevilles en compote, trois semaines après une fracture de la malléole… La faculté m’a prescrit des séances de mésothérapie, on m’inflige également des cures de piqûres éprouvantes. Je suis carrément descendu à deux kilos en dessous de mon poids de forme. J’ai passé des heures à réfléchir dans mon salon à Verlaine. Thierry Pister ne s’est pas rendu compte de la gravité de ma situation. A 39 ans, je n’étais pas cuit avant le crash avec Bangoura. J’aurais encore pu jouer deux ans ans en D1. J’en suis sûr. Le destin en a décidé autrement. Et puis, tenir jusqu’à 39 ans, c’est bien car je ne me suis jamais épargné. J’ai trouvé un accord avec Beveren. Je suis sous certificat médical car le mal n’est pas parti mais Beveren m’a payé, on est quitte.

C’est une fin en mineur quand même.

Nous mettons sur pied un match de gala avec des joueurs de tous mes anciens clubs, un jubilé qui me permettra de saluer les supporters qui n’ont jamais cessé de me soutenir.

Ce match aura-t-il lieu au Standard?

Là, je ne crois pas. Les supporters seraient très heureux mais ce ne serait pas le cas de tout le monde. Pas besoin de faire un dessin. On m’y a viré. Il y a des gens à qui je ne pardonnerai pas et qui n’ont pas changé de sentiments à mon égard. Du moins, je le suppose. Je sais que les supporters, eux, n’ont rien oublié.

Qu’allez-vous faire?

Je resterai dans le milieu du foot. C’est ma vie et je ne peux pas m’en passer. Le but est d’opter pour un job de coach. J’ai des pistes que je ne révélerai pas. Mais je ne peux travailler que dans un club où tout le monde est sur la même longueur d’onde. Pas question de souquer pour des gens qui vous embrassent en public mais vous plantent un couteau dans le dos dès que cela va mal.

Les bons clubs ne sont pas légion dans le pays de Liège…

J’ai d’autres horizons que la province de Liège. Si cela doit être l’étranger, je ne dirais pas du tout non à l’avance. A Beveren, j’ai découvert la vie dans un club flamand et je sais que je peux y apporter quelque chose. Je parle plusieurs langues: français, italien, flamand, anglais. On verra et je suis confiant. Ce sera en tout cas un poste à responsabilités, je serai coach du groupe, pas entraîneur des gardiens. En attendant, je suis des jeunes joueurs en Belgique pour le manager, Pelizon, qui me transféra en Italie: c’est un ami.

Il n’oubliera jamais l’estime du public

Vous avez ainsi convaincu Magro de rester au RWDM, n’est-ce pas?

Il avait besoin du vécu d’un joueur. C’est un bon choix pour lui et le RWDM. Parler, bien expliquer, cerner les possibilités: j’aime bien. Je mise sur plusieurs tableaux et mon agent a de solides entrées en Italie. Il possède un joueur de la classe de Walter Baseggio dans son écurie. Je conseille des jeunes et, des bons il en a pas mal en Belgique. J’en ai rejeté d’autres. Je m’intéressais à un gaucher africain d’un club belge et quand je lui ai demandé ses prétentions, il m’a dit: 10.000 euros par mois. Il n’a rien prouvé, je lui ai raccroché au nez en lui conseillant de signer tout de suite pour le club qui lui proposerait cela. Je veux des jeunes qui ont la rage et pas un chéquier à la place du coeur.

Quel a été le plus grand moment de votre carrière?

C’est d’abord 20 ans de présence au Standard et l’estime du public. Ça, on ne me l’enlèvera jamais, c’est entre les supporters et moi. Je retiens des noms: Happel, Waseige, Goethals, Pavic, André Duchêne qui a tant fait pour moi, Jean Wauters que je n’oublie pas malgré ses problèmes, Guy Hellers, Bordeaux, l’Italie.

Un regret?

L’équipe nationale: j’aurais aimé joué plus souvent, j’y ai été très souvent sur le banc. Mais la gaffe de ma vie, c’est d’avoir quitté Bordeaux. Je suis revenu à Sclessin. Je ne savais pas que le club allait vite changer. Enfin, il y a le Soulier d’Or 1995: je le méritais. On l’a donné à Paul Okon, qui n’avait pas joué six mois!, afin que Bruges puisse le vendre et gagner beaucoup de sous. Bodart était dans le chemin. Il fallait que Bruges soit à la « une »: c’était la conclusion d’une campagne pro-Okon. C’était du business, pas du sport. Même si j’ai commis un erreur en équipe nationale à cette époque, c’était injuste.

Pierre Bilic, ,

Dia 1 à détourer!!!!!!!!!!

« Guillou n’y connaît rien »

« Je méritais le Soulier d’Or »

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