À coups de Botte

Moribond il y a un an, l’AS Eupen joue aujourd’hui la tête. Grâce aux investisseurs italiens mais aussi à son entraîneur.

C’était il y a un peu moins d’un an, mais les événements sont encore très frais dans la mémoire de DannyOst.  » On était fin novembre « , se souvient-il.  » J’ai reçu un coup de fil de mon manager DavidLasaracina, qui demandait si j’étais intéressé par le défi d’Eupen. J’ai sursauté : – Eupen ?PourunBruxellois, c’estloin. Etpuis, cetteéquipenecomptequecinqpointsauclassement… La situation paraissait désespérée. Mon manager a insisté : – Oui, maisunbeauprojetestentraindesemettreenplace. Desinvestisseursvontdébarquer… J’étais sceptique malgré tout. Des paroles aux actes, il y a parfois de la marge. Je venais d’être limogé à l’Olympic de Charleroi et j’aurais pu me contenter de toucher les mois de contrat qu’il me restait, mais ce n’est pas dans mon tempérament. L’envie de travailler me démangeait déjà. J’ai donc accepté de relever cet impossible challenge. Jusque dans mon entourage, on m’a traité de fou. A la trêve hivernale, on avait pris trois points de plus, mais cela n’en faisait toujours que huit et la situation n’était pas rose.  »

Premiers renforts en janvier

La machine s’est mise en route lors du deuxième tour. Les premiers renforts sont arrivés au mercato de janvier : MijatMaric (ex-Bari), DanijelMilicevic, MatthiasLepiller (ex-Fiorentina) et le gardien RadekPetr (ex-Parme) entre autres.  » Ces joueurs étaient dans le noyau B de leur équipe respective, ils ne jouaient pas ou très peu. Ils étaient aussi fort jeunes, la moyenne d’âge est descendue à 22 ans. Mais pour nous, ils constituaient de vrais renforts. Certains diront : c’est facile de faire des résultats, lorsqu’on possède une bonne équipe. Peut-être. Mais lorsqu’on accueille autant de nouveaux joueurs, il faut que la sauce prenne. Elle a pris. Sur tout le deuxième tour, on n’a perdu que trois matches (dont deux face aux ogres, le Lierse et Saint-Trond). Mais, pour mesurer la portée de l’exploit, il faut se souvenir que l’an passé en D2, il y avait deux descendants directs et trois barragistes. Pour se sauver, il fallait donc terminer au moins à la 14e place sur 19. Pourquoi 19, d’ailleurs ? L’affaire Namur-Geel date d’il y a plus de deux ans et on en subit toujours les conséquences, je ne parviendrai jamais à m’y faire…

A cause du nombre impair d’équipes en championnat, on s’est sauvé dans des conditions rocambolesques : sans jouer, parce qu’on était bye lors de l’avant-dernière journée et alors que je me trouvais en Italie, auprès des investisseurs. On a simplement profité des défaites simultanées de l’Olympic et de Hamme. C’est bizarre, le foot : j’ai sauvé Eupen au détriment de l’Olympic, qui m’avait limogé quelques mois plus tôt. Ce que je trouve encore plus bizarre, c’est que c’est finalement mon limogeage qui m’a permis de découvrir quelque chose de mieux, de me retrouver à la tête d’une équipe de grande qualité, de pouvoir travailler dans des conditions que je n’avais jamais connues auparavant… « 

Deuxième vague en été

Durant l’entre-saison, d’autres renforts arrivèrent : WillyAubameyang (le frère du joueur de Lille PierreEmerickAubameyang, qui vient de l’AC Milan mais était prêté à Avellino), MohamadouSissokho (ex-Udinese), AlessandroIandoli (ex-Pescara), AlexCostaDosSantos (ex-Fiorentina), NicolasDesenclos (ex-Inter), MoussaDiakhaté (ex-Fiorentina), FazilKocabas (ex-Standard)… Soit un noyau de 27 ou 28 joueurs.

 » On a surtout pu se préparer des conditions idéales. L’hiver passé déjà, on avait réalisé un stage en Allemagne. Cet été, on en a réalisé un de trois semaines en Toscane. Trois semaines, imaginez-vous ! « , poursuit Ost.  » Comme les équipes du Calcio. Généralement, lorsqu’on impose cela à des joueurs belges, la plupart ont le blues après cinq jours. Dans mon noyau, personne n’a rechigné. Ce furent trois semaines de travail intensif… et de bonne humeur. A Eupen, on s’entraîne comme des professionnels : le matin, l’après-midi… mais jamais le soir. On a un terrain synthétique. On effectue des mises au vert. Comme Eupen est plutôt excentré, on part la veille des matches lorsqu’on joue à Ostende, Deinze ou même Charleroi, et on dort à l’hôtel sur place. Je ne me souviens pas avoir travaillé sous la direction de personnes qui connaissent aussi bien le football tel AntoninoImborgia. Pour ces gens, le football est un métier. En Belgique, je connais des dirigeants qui sont avant tout des… supporters. Pendant la période de Noël-Nouvel An, Imborgia était ici à Eupen, alors que sa famille passait les fêtes en Italie. De quel dirigeant belge pourrait-on attendre cela ? On a mis à ma disposition un entraîneur de gardiens et un préparateur physique italiens, PietroSpinosa et RobertoFiorillo, qui ont tous les deux déjà travaillé en Serie A et Serie B. J’ouvre des grands yeux tous les jours. Vous savez, j’ai puisé mes connaissances dans le travail des entraîneurs que j’ai côtoyés comme joueur. Des Belges, pour la plupart. Qui, eux-mêmes, se sont inspirés des entraînements qui leur avaient été dispensés précédemment. Les méthodes en Belgique n’ont donc guère évolué. Au contact de mes assistants italiens, j’ai l’impression d’avoir plus appris en neuf mois qu’au cours de toute ma carrière précédente.  »

Et si la D1… ?

De quoi permettre à Ost d’embrasser, un jour, une carrière d’entraîneur en D1 ?  » Tous les coaches rêvent d’exercer leur art au plus haut niveau, et je mentirais en prétendant que ce n’est pas mon cas. Mais le carrousel tourne souvent avec les mêmes personnes. Pour qu’un intrus s’y glisse, il faut un peu de chance : tomber sur la bonne personne au bon moment, avoir des dirigeants qui vous fassent confiance. GuidoBrepoels n’avait jamais entraîné en D1, mais il a été champion de D2 avec Saint-Trond et a pu poursuivre l’aventure à l’étage supérieur. Regardez où se trouve Saint-Trond aujourd’hui. J’ai été champion dans toutes les divisions, de la 1re Provinciale à la 3e nationale. Il ne me manque qu’un titre en D2. Si, par bonheur, je parvenais à hisser l’AS Eupen en D1, j’espère qu’on continuera à me faire confiance également. Enfin, on n’en est pas encore là. Une place dans le tour final de D2 ferait déjà mon bonheur. En comptant la fin de la saison dernière, on reste sur 15 matches sans défaite. On parvient à appliquer différentes tactiques avec succès, c’est un atout intéressant. Je préfère un football offensif et spectaculaire, mais il faut aussi prendre des points. En Coupe de Belgique, à Hoogstraten, on s’est fait piéger pour avoir été trop naïfs. Alors, lors du déplacement au FC Liégeois dans le cadre du championnat, j’avais décidé de fermer la baraque. On me l’a reproché, mais cette tactique a porté ses fruits puisqu’on a gagné 0-1. J’ai une équipe technique, avec de bonnes individualités, mais le fait qu’on soit aussi capable de garder le zéro derrière est rassurant.  »

Ost se sent déjà comme chez lui à Eupen. Tout lui plaît, et en se baladant au centre-ville, il salue de nombreuses personnes.  » C’est une petite ville où tout le monde se connaît. Les gens sont accueillants. Et puis, tout est propre. Il n’y a pas un papier qui traîne dans les rues. Autour, la nature est superbe. Les Fagnes ne sont pas loin et incitent aux balades. Malheureusement, Eupen n’est pas une ville de foot. Pas encore, du moins. On attire environ 1.500 personnes aux matches à domicile. Si c’est mieux qu’avant, ce n’est pas la folie. Cela changera peut-être le jour où l’on gravira un échelon. Cela dit, je comprends que les Eupenois soient attirés par le football allemand. J’ai eu la chance d’être invité à Aix-la-Chapelle, qui n’est qu’à 15 kilomètres. Ce n’est que la D2, mais c’est extraordinaire : des matches pleins disputés à 100 à l’heure, un stade plein également, un public passionné qui chante pendant 90 minutes… Le tout dans un esprit familial. J’ai été sidéré. Je suis moi-même un passionné. Je vis pour le football. Quelquefois, je me dis que je ne sais faire que cela. Dieu sait si entraîneur de football est un métier de con, pourtant je l’aime, ce métier de con ! « 

Ost a donc trouvé son bonheur dans les Cantons de l’Est. Après tout, est-ce si étonnant ? Il semblait prédestiné pour entraîner Eupen, puisque Ost signifie Est en allemand…

par daniel devos – photos: reporters

« Entraîneur de football, c’est un métier de con. Mais j’aime ce métier. (Danny Ost) »

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