A coeur ouvert

Drapé de larges orchestrations, le dernier album de Renan Luce panse la plaie amoureuse avec une poésie et une élégance rares.

Une carrière musicale est rarement un long fleuve tranquille : après le carton de son premier album ( Repenti) en 2006, Renan Luce avait sorti deux autres disques, façonnant toujours un peu plus son image de gendre idéal d’une chanson française bienveillante. Mais depuis, plus rien. Jusqu’au printemps dernier. Après cinq ans d’absence, Renan Luce revenait avec un album à la pochette noir et blanc, et au titre des plus sobres – Renan Luce -, mais à l’ambition renouvelée, enveloppé dans de larges arrangements orchestraux. L’artiste y glisse ses peines de coeur : en 2016, Renan Luce a vu le couple qu’il formait avec Lolita Séchan (la fille de Renaud) éclater.

Qui dit album de séparation ne dit pas forcément grandes confessions. Chez Renan Luce, la mise à nu se fait avec autant de pudeur que d’élégance. Après tout, c’est l’une de ses marques de fabrique.  » C’est toujours étrange de se retrouver à la fois dans cette démarche très intérieure et, en même temps, de vouloir partager ça dans une chanson. Au début, les mots qui venaient étaient d’ailleurs beaucoup trop bruts et amers. Il m’a fallu du temps pour trouver le bon endroit, la bonne distance. C’était nécessaire dans un disque qui parle beaucoup d’émotions : de ces sentiments, il faut en faire quelque chose, pas juste les raconter. C’est pour cela que ce disque n’est pas non plus un journal intime.  »

Manoeuvres orchestrales

Même en grattant une matière des plus personnelles – que ce soit pour évoquer la douleur amoureuse ( Au début, Cette musique), le déchirement de la famille (le bouleversant Berlin), etc. – , Renan Luce parvient donc à maintenir une certaine retenue. La politesse du désespoir ? Maniant une plume toujours aussi ciselée, on peut même se demander si le chanteur n’a pas cherché parfois à se planquer derrière les grandes orchestrations symphoniques qui parcourent le disque…  » Non, le choix de ces arrangements tient plutôt à mon obsession d’être dans une vérité. Aussi bien dans l’écriture, que vocalement et musicalement : il fallait faire honneur aux sentiments vifs traversés. J’ai enregistré les premières ébauches en piano-voix, mais je trouvais qu’elles avaient quelque chose de rentré et très sombre. L’orchestre amène un souffle, qui permet d’évoquer toutes ces émotions, à la fois piquantes, tortueuses, mouvantes, etc.  » Ce n’est toutefois pas la seule raison qui a amené Renan Luce à imaginer cette formule, non pas vintage, mais bien classique.  » C’était aussi une manière de reconnaître et assumer ce qui, en fait, a toujours été mon ADN musical : cette grande chanson orchestrale qui me fait vibrer, rêver, et m’a donné envie de faire ce métier. Les Brel, Aznavour, Bécaud, etc. Il s’agissait d’accepter que je viens de là, sans me soucier de vouloir me raccrocher à l’air du temps.  »

De fait, Renan Luce a sorti un disque qui pourra passer pour un véritable ovni dans le paysage musical francophone actuel. Mais c’est sans doute aussi sa force : proposer une poésie pudique et des grands arrangements soignés, alternative à une modernité pop parfois creuse.

Renan Luce, distr. Universal. En concert le 14 décembre, au Cirque royal, à Bruxelles.

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