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À ARMES INÉGALES

La réforme du football a permis à une flopée de clubs de rejoindre les divisions nationales. Petit tour de la Wallonie profonde à la rencontre de ces  » chanceux « .

Pour les besoins de cet article, nous avons sélectionné une poignée de clubs mais cette liste n’est pas exhaustive. Vous avez probablement déjà entendu le nom de certains  » bleds  » dont nous allons vous parler mais vous ne saurez pas en situer d’autres sur une carte de la Wallonie. Ne vous inquiétez pas ! Toutes ces écuries de football ont, peu ou prou, tiré bénéfice de la réforme estivale pour accéder à l’échelon supérieur. Vous le constaterez par vous-même, si tous nos interlocuteurs avouent avoir sauté sur l’occasion, la suite s’avère parfois plus compliquée. Parce qu’entre le rêve d’affronter des équipes médiatiques et de faire des déplacements dans de chouettes stades, et la réalité imposée par les débats balle au pied, il y a parfois plus qu’un fossé.

LE CS ONHAYE VEUT S’INSCRIRE DANS LA DURÉE

Cette modeste commune, située près de Dinant, est en quelque sorte l’exception qui confirme la règle. Champion de P1 namuroise la saison dernière, le club aurait accédé à la défunte  » Promotion  » quoi qu’il arrive. Mais ne vous y trompez pas : on peut avoir remporté le doublé championnat/coupe provinciale et ne pas faire figure d’épouvantail pour autant. Que du contraire même.

 » Nous restons sur une saison magnifique au cours de laquelle nous avons gagné le championnat avec dix points d’avance ainsi que la coupe de la province de Namur « , explique le capitaine Quentin Mathieu. Nous avions déjà joué en Promotion précédemment mais nous n’y étions restés qu’une saison et le but cette fois, c’est de faire mieux. Les gens ne nous connaissent pas parce que Onhaye est une petite commune de 3000 habitants mais je n’ai pas l’impression que nous soyons un oiseau pour le chat dans cette série.

L’entraîneur, Daniel Demaerschalk a pourtant choisi la carte de la continuité. Il n’a renforcé l’équipe que par un joueur dans chaque ligne, rien de plus. Notre avantage, c’est qu’il y a peu de clubs dans la région et, du coup, nous avons une bonne école des jeunes. François-Guillaume Gilain, notre médian offensif, a été formé au club et est né en 1996. Le FC Dinant, qui représente tout de même une ville importante, végète en P2 pour vous donner une idée comparative.

A Onhaye, il y a un nouveau complexe sportif, une belle buvette et ça compte. Notre objectif, c’est de finir dans la colonne de gauche et après un début de saison au cours duquel nous avons rencontré tous les gros morceaux, Rebecq, le Léopold et le RWDM par exemple, nous allons maintenant avoir des matchs plus à notre portée et l’idée, c’est d’atteindre le plus vite possible la barre des trente points.  »

L’US SOLRÉZIENNE S’APPARENTE À UN SELF-MADE-CLUB

A Solre-sur-Sambre, au confluent de la Sambre et de la Thure, on a déjà quasiment un orteil en France. Ce patelin de 2000 âmes dépend d’Erquelinnes et est davantage connu pour son château médiéval, qui appartient à une famille princière, que pour son club de football. Olivier Muller, qui préside à la destinée de cette entité qui se qualifie de formatrice, est heureux que l’US Solrézienne ait fait le grand saut l’année de ses 50 ans.

 » Il y a un an et demi, nous étions retournés en P1 après un incroyable concours de circonstances « , explique-t-il.  » A la 88e minute du dernier match de championnat, nous étions encore sauvés mais dans la rencontre parallèle, Ganshoren a marqué et nous a condamnés. Idem dans les matchs de barrages suivants, où nous avons notamment joué à 8 contre 11 en raison d’un arbitrage bafoué.

Sportivement, nous ne méritions pas de basculer mais le foot est ainsi fait… Retourner en divisions nationales n’était pas une obligation pour l’US Solrézienne mais plutôt une occasion à saisir. Vous savez, je la qualifie souvent de self-made-club, parce que nous sommes démunis et que nous devons nous débrouiller pour réussir. On mise sur les jeunes et plusieurs éléments formés chez nous jouent désormais plus haut.

C’est une belle réussite mais rien n’est simple. Nous n’avons pas de terrain synthétique dans le complexe du zoning industriel où évoluent nos équipes d’âge. Quant au terrain de l’équipe première, il n’est pas très bon, tout comme les vestiaires, qui sont désuets. Mais la situation est très compliquée et bien que l’on essaie de faire bouger les choses au niveau communal, ça ne marche pas.

Le début de saison est difficile et cette série est disproportionnée avec de très grosses écuries, comme le RWDM, Rebecq, le Léo ou encore les Francs Borains, et puis les autres. Nous sommes dans le deuxième wagon. Nous avons déjà changé de coach, ce qui n’est pourtant pas dans nos habitudes et c’est désormais Xavier Thiry qui a repris l’équipe.

Mes joueurs sont des gentils. Je dirais que le niveau intellectuel de l’équipe est très élevé mais que du coup, sur le terrain, ça se voit. Le maintien est notre seul objectif sachant qu’ici, à Solre-sur-Sambre, tout se gagne à l’huile de coude « , conclut le président, actif dans l’industrie pharmaceutique.

LE FC HERSTAL IMPOSE LES BELLES MANIÈRES

A 135 kilomètres en direction du Nord-Est, le FC Herstal grandit gentiment à l’ombre de la FN, la célèbre fabrique nationale fondée en 1889. Avec ses 40.000 habitants, cette ville qui borde la Meuse s’est longtemps reposée sur le club local, qui porte le matricule 82. Mais au long des deux dernières décennies, une petite écurie modeste, la Jeunesse Sportive Molise-Herstal lui a fait de l’ombre et une fusion est finalement survenue en 2009 pour donner un nouvel élan à ce projet porté par le président Diego Munoz, un commerçant bien connu. L’aboutissement de ces années d’efforts, c’est évidemment l’accession en D3 Amateurs. La cité armurière n’avait plus connu cela depuis 30 ans et peut donc être fière de ses ouailles.

 » J’avais 25 ans quand je suis devenu président d’un petit club de P4 que nous avons créé en 1992 « , se souvient-il.  » A l’époque, nous n’avions qu’une équipe première et une équipe de jeunes avec cinq gamins. Rien d’autre. Au fil des ans, nous avons grandi. Nous sommes passés à 240 jeunes puis le bourgmestre a proposé une fusion parce que l’AS Herstal connaissait des problèmes financiers. Il a aussi promis un nouveau complexe avec un terrain synthétique et je crois que nous avons sauté dans le bon wagon.

Cette année, nous avions la réforme du football dans la ligne de mire et on savait que des montées en cascade allaient survenir et que pour nous, c’était maintenant ou jamais. Alors oui, nous avons fini quatrièmes à vingt-cinq points du champion mais je pense que nous sommes à notre place malgré tout « , relate Diego Munoz.  » Nous représentons quand même une ville qui compte dans le bassin liégeois et nous sommes vigilants parce que le sport fait partie de l’éducation que reçoivent les enfants.

C’est pourquoi nous veillons à leur apprendre des valeurs telles que le respect et nous attendons des joueurs de l’équipe première qu’ils aillent dans la même direction. C’est le cas d’un joueur comme Santo Ventura, qui est chez nous depuis cinq ans et qui est notre capitaine. Notre coach, Patrick Fabri, est ambitieux mais nous ne devons pas essayer d’aller plus vite que la musique. Chaque chose en son temps.  »

LE RCS PROFONDEVILLE MISE SUR LES TEENAGERS

Redescendons le cours de la Meuse jusqu’à cet écrin de verdure où elle se languit délicieusement. A Profondeville, on peut voir des jet-skis et des rameurs quand il fait beau mais pour découvrir le terrain de football du RCS local, il faut pénétrer dans un bois touffu ce qui lui confère un aspect assez bucolique, voire enchanteur. Jean-François Beguin, le coach, y a réussi des prouesses puisque le club végétait encore en P2 il y a deux ans. C’est donc un double bond qu’ont effectué les Namurois dont la moyenne d’âge doit être la plus basse de toute la division.

 » Contre le RWDM, naguère, sept joueurs sur mes onze titulaires avaient moins de 19 ans « , dit Jean-François Beguin, le coach, dont le fils Clément fait partie de ces novices.  » Tout est dit. Aucun joueur ne signe à Profondeville pour l’argent parce qu’il n’y en a pas ! J’ai la chance d’avoir dirigé l’école des jeunes de l’UR Namur il y a quelques années et je recrute donc d’anciens éléments que j’avais formés. Ils m’ont rejoint parce qu’ils savent que dans mon équipe, ils joueront et qu’ils acquerront l’expérience nécessaire.

Nous venons de monter deux fois consécutivement et, en toute honnêteté, c’est inespéré pour un club comme le nôtre. Notre président, Jean-Pierre Baily, est l’ancien bourgmestre. Et le maïeur actuel, Luc Delire, le frère du célèbre commentateur, est notre supporter n°1. Il nous suit partout. Je peux donc dire que nous sommes soutenus par les autorités communales, qui ont refait le parking et le terrain cet été.

Notre pelouse est au milieu d’une petite forêt et je trouve que nous sommes privilégiés. Je n’ai aucun doute sur le fait que mon effectif a le niveau pour se maintenir, parce que c’est notre unique ambition, mais les jeunes sont parfois impressionnés par les événements et c’est logique. Face au RWDM, qui est l’ogre de la série, nous étions revenus à 3-3 et étions meilleurs que les Molenbeekois mais le match a dû être arrêté pour une bagarre en bord de terrain. Je ne peux pas parler de tribune puisqu’il n’y en a pas…

Mon gardien a été arrosé de bière et le break a été bénéfique à nos rivaux. Ils ont finalement gagné 3-4… Pour la première fois depuis longtemps, nous devons aller chercher les équipes de devant et pas éviter d’être rattrapés. C’est l’apprentissage des divisions nationales « , conclut Jean-Christophe Beguin.

LE RFC WARNANT A ATTEINT SON PLAFOND

En arrivant à Warnant-Dreye, une entité de la commune de Villers-le-Bouillet, il y a de fortes chances qu’avant de retrouver le portable qui sonne dans votre poche, vous aurez déjà quitté la bourgade. Bienvenue aux confins de la Wallonie, ce qui fait beaucoup rire le coach du club local, Jean-Guy Eyckmans, qui accentue encore le trait. Il faut dire que la veille de notre interview, son équipe s’était inclinée… 11-1 contre Huy.

 » Mon équipe est montée par le biais du tour final parce que le terrain du Patro Lensois n’était pas conforme « , dit-il.  » Nous ne l’avons su que fin juin et inutile de vous dire que nous n’avons pas su nous préparer comme nous le voulions. Mais, cela étant, notre petit club n’aurait pas pu faire grand-chose. Nous n’avons aucune équipe de jeunes et aucun réservoir sur lequel nous appuyer.

L’histoire de Warnant est originale. Ici, il y a des fermes, des chevaux mais pas de footballeurs. Il n’y a même pas de boulangerie. C’est ce que je dis souvent en rigolant « , ajoute-t-il.  » Notre éclairage est digne du Subbuteo et nous sommes obligés d’aller nous entraîner une fois par semaine à Huy. Il faut dire les choses comme elles sont, nous avons atteint notre plafond et nous souffrons. Se maintenir tiendrait du miracle dans la mesure où nous avons perdu nos deux attaquants et que notre équipe est vieillissante.

Néanmoins, je trouve que la différence n’est pas tellement énorme avec le haut de la P1. C’est surtout la vitesse d’exécution qui est plus importante et on le sent. Warnant est un club atypique à plus d’un égard mais c’est ma douzième saison ici et je m’y plais. Je trouve qu’avec mon adjoint, Nicolas Wanet, qui a joué au RFC Liège à un très bon niveau, nous tirons le meilleur du groupe.  »

PAR DAVID DUPONT – PHOTOS BELGAIMAGE

 » A Solre-sur-Sambre, tout se gagne à l’huile de coude.  » OLIVIER MULLER, PRÉSIDENT DE L’US SOLRÉZIENNE

 » Chez nous, il y a des fermes, des chevaux mais guère de footeux.  » JEAN-GUY EYCKMANS, COACH DU RFC WARNANT

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