» A Anderlecht, on privilégie les relations humaines. Pas à Bruges… »

Le Vénézuélien a rejoué après sept mois de galère. Le week-end prochain, il retrouvera le terrain de Genk, là où son élan a été coupé net la saison dernière.

Mercredi passé, à Lommel, Ronald Vargas a enfin vu le bout du tunnel : il a rejoué une demi-heure, en Coupe de Belgique, sept mois après une rupture des ligaments croisés du genou droit qu’il s’était occasionnée le 6 février, à Genk. Et ce qui ne gâte rien, il a inscrit un but, sur un penalty qu’il a lui-même forcé.

En plus d’accueillir un nouveau joueur de qualité, Anderlecht s’est donc découvert un tireur de penalty…

RonaldVargas, enriant : Cela peut arriver à tout le monde de louper un penalty. On a de très bons joueurs, qui sont parfaitement capables de réussir la conversion d’un coup de réparation. C’est parfois une question de réussite.

C’est un exercice qui vous est familier ?

Je n’ai aucun problème à tirer un penalty. L’exercice me plaît. Lorsque je me sens en confiance, je le réussis généralement. Mais, au-delà de la satisfaction personnelle, ce retour ponctué d’un but est aussi une façon pour moi de remercier les gens qui, au Sporting, ont cru en moi.

Avez-vous ressenti une certaine appréhension en montant au jeu ?

Oui, c’est logique. J’ai aussi ressenti cette appréhension lorsque j’ai commencé à m’entraîner avec le groupe. En février, je m’étais blessé tout seul, en courant, sans que personne ne m’ait agressé. La crainte de revivre le même cauchemar reste présente. Plus le temps passe, et plus l’appréhension a tendance à s’estomper, mais elle n’a pas encore totalement disparu. Il faut que je parvienne à franchir le cap, à me dire : – Ronald, joue àfond, etsiceladoitencorearriver, celaarrivera ! Jouer avec le frein à main ne me mènera nulle part. Je dois encore travailler pour consolider mon genou. Tous ces exercices vont peut-être me rendre plus fort car je ne suis pas encore à 100 %. Ce n’est pas la même chose de travailler à l’entraînement, avec le groupe ou individuellement, et de jouer des matches. Mais la condition et la confiance vont revenir progressivement.

Plutôt rester en Belgique qu’aller à Benfica

Le week-end prochain, Anderlecht joue à Genk, là où l’accident s’est produit. Craignez-vous que des images vous reviennent en mémoire lorsque vous refoulerez la pelouse du stade Fenix ?

J’essaierai de ne pas trop y penser et de positiver. C’est le genre d’accident qui arrive en football. Le destin a voulu que cela se passe à Genk, mais cela aurait pu se passer ailleurs.

Etiez-vous conscient, dès les premiers instants, de la gravité de la blessure ?

Oui, j’ai su directement que j’en aurais pour un bout de temps.

Quel souvenir gardez-vous de ces sept mois de calvaire ?

J’essaie d’oublier et de me concentrer sur le présent et l’avenir, mais j’ai traversé des moments très difficiles. Surtout à cause du moment où j’ai été arrêté dans mon élan. Je n’ai sans doute jamais été aussi près de terminer meilleur buteur d’un championnat européen. ( Ndlr : il en était déjà à 15 buts et 5 assists). J’allais louper les play-offs, probablement la Copa America. J’allais peut-être passer à côté d’un beau transfert. J’ai pu compter sur le soutien de la famille et des amis pour surmonter ces moments difficiles. Aujourd’hui, j’ai retrouvé le moral car malgré cette blessure, j’ai obtenu un beau transfert à Anderlecht où j’ai signé un contrat de trois ans. Le Sporting m’a fait confiance et je lui en suis reconnaissant.

Vous auriez pu signer à Benfica, dit-on ?

C’était une possibilité, en effet. Au bout du compte, la transaction ne s’est pas réalisée.

Pour quelle raison ?

Entre les premiers contacts et la signature d’un contrat, il se passe parfois beaucoup de choses.

Des managers qui interviennent, par exemple ?

Des négociations commerciales, disons. Je ne nourris aucun regret. Arrivant blessé, cela aurait peut-être été difficile de m’imposer à Benfica. Et puis, je préférais rester en Belgique, dans un championnat que je connaissais déjà et où je savais que je pourrais poursuivre le meilleur traitement pour ma rééducation.

C’est étonnant d’entendre d’un joueur sud-américain qu’il préfère rester en Belgique…

Je me sens heureux ici, et encore plus dans ce club où je viens de débarquer. Je me suis senti à l’aise à Anderlecht dès les premiers instants. La présence d’une importante colonie sud-américaine a sans doute facilité mon intégration. Lucas Biglia, Matias Suarez et d’autres ont tout fait pour bien m’accueillir. La communication est plus facile, il y a beaucoup de joueurs qui parlent espagnol. Mais c’est l’aspect général du club qui m’a séduit : l’accueil, les structures, le professionnalisme. L’ambiance que j’ai trouvée à Anderlecht me rappelle un peu celle du FC Caracas : on travaille de façon très professionnelle, mais on privilégie aussi les relations humaines, à la différence de ce qu’il se passait à Bruges.

Vous n’avez donc pas, comme Lucas Biglia, cette envie de rejoindre au plus tôt un championnat plus huppé ?

Lucas est plus ancien que moi. J’espère, moi aussi, évoluer un jour dans un grand championnat, comme l’Espagne et l’Angleterre, mais j’ai le temps. Je ne veux pas aller trop vite. Anderlecht peut constituer une étape intéressante avant une compétition plus prestigieuse.

 » J’attends avec impatience mon premier titre en Europe « 

Avec quelles ambitions débarquez-vous ?

Celle de remporter des titres, cela coule de source. Ce serait pour moi le premier titre en Europe et je l’attends avec impatience. Je pense qu’avec l’équipe qu’on a, on peut sérieusement y songer. Je pense même qu’on peut aller assez loin en Europa League. On a un groupe très uni, où tout le monde tire à la même corde.

Depuis le moment où vous avez signé, Milan Jovanovic et Dieumerci Mbokani sont arrivés, et on a assisté à l’éclosion de Fernando Canesin que l’on n’attendait pas nécessairement. La concurrence sera rude…

Je suis prêt à l’affronter. C’est une concurrence saine, qui est nécessaire dans une équipe appelée à lutter sur trois fronts avec de grandes ambitions.

A quelle position vous voyez-vous fonctionner ?

A gauche, à droite, au centre. Là où le coach estimera que je peux être le plus utile. Ma place de prédilection est celle de demi offensif, donc au centre, mais je suis prêt à jouer ailleurs s’il le faut.

Sur ce que vous avez déjà vu, qu’est-ce qui vous a impressionné à Anderlecht ?

Le groupe en général. C’est un groupe très positif, et je suis fier d’en faire partie. On lutte tous pour le même objectif, on a envie de gagner des trophées. Cela tombe bien : c’est mon objectif également. C’est une équipe qui possède du talent, mais qui est aussi très combative. Cela me plaît.

C’est aussi une équipe en pleine reconstruction : des éléments importants comme Mbark Boussoufa, Romelu Lukaku et Jonathan Legear sont partis.

Oui, mais en contrepartie, on a accueilli d’autres très bons joueurs. On ne doit plus parler du passé. Les joueurs qui sont partis ne nous seront plus d’aucune utilité. Mais l’équipe actuelle tient la route. Pour l’instant, on est sur le bon chemin. A Lommel, on s’est qualifié assez facilement. Mais je reste surtout impressionné par la prestation contre l’AEK Athènes. Là, il y avait tout : le résultat mais aussi le spectacle.

Y a-t-il des joueurs qui vous ont impressionné ?

Lucas Biglia, pour la sérénité qu’il dégage, la facilité avec laquelle il joue. Et Matias Suarez, pour ses actions de grande classe. Mais aussi Silvio Proto, qui répond présent lorsqu’on a besoin de lui. Beaucoup de joueurs, en fait.

Le style de jeu pratiqué par Anderlecht devrait vous convenir ?

Oui, absolument. C’est un jeu technique et offensif. Il correspond mieux à mes caractéristiques que celui de Bruges.

Et avec l’entraîneur, cela se passe comment ?

Bien. Lui ne parle pas espagnol, il communique en anglais avec moi. Il ne me parle ni plus ni moins qu’à un autre joueur.

Vous êtes-vous fixé un objectif en termes de buts à inscrire ?

Non, il est trop tôt pour cela. Un jour, lors d’une interview, j’avais répondu 16 parce que c’était le chiffre que je pensais pouvoir atteindre la saison dernière si je n’avais pas été blessé et que je veux garder le même rythme. Mais si c’est moins, je ne m’en formaliserai pas. Et si c’est plus, tant mieux.

Revenant de blessure, êtes-vous prêt à vous contenter des minutes que le coach vous donnera ou aspirez-vous à un statut de titulaire ?

Dans un premier temps, je me contenterai des minutes que le coach me donnera. A Lommel, je me suis contenté d’une demi-heure et pour une première apparition, c’était déjà très bien. Je ne suis pas encore en mesure de tenir 90 minutes. Je dois retrouver le rythme et j’essaierai d’apporter ce dont je suis capable pour l’instant. Plus je retrouverai la condition, plus j’aspirerai à un statut de titulaire régulier, comme je l’avais la saison dernière à Bruges.

Vous êtes apparu avec un étonnant n° 70 dans le dos. Un symbole ?

Non, simplement, parce que j’aurais voulu le n°10 mais qu’il n’était pas disponible. Le n°70 est celui qui y ressemble le plus. Depuis que je suis en Belgique, je n’ai jamais pu évoluer avec le n°10, qui était le mien au Venezuela et aussi en sélection. A Bruges, j’avais le n°20.

Et la vie dans la capitale ?

C’est un peu différent. Bruges est une très belle ville, très prisée des touristes. Bruxelles est plus cosmopolite, plus encombrée, plus bruyante. On voit cela dans toutes les capitales du monde. Je réside désormais à Waterloo, c’est très tranquille aussi et j’échappe un peu aux problèmes de circulation. Ce qui me manque le plus, c’est… la mer. Elle se situe désormais à 100 kilomètres alors que la saison dernière, j’habitais dans les environs de Knokke. Les plages de la mer du Nord ne valent pas celles du Venezuela, mais quand même…

 » La nouvelle direction de Bruges m’a déçu « 

Vous n’avez pas quitté Bruges dans les meilleurs termes…

J’ai été déçu par la nouvelle direction. Avec l’ancienne, je n’avais jamais eu de problèmes. En fait, jusqu’à ma blessure, tout s’est très bien passé. Puis, tout a changé à partir du moment où je me suis retrouvé à l’hôpital. Personnellement, j’estime être toujours resté correct, honnête, humble et joyeux, car c’est mon caractère. La nouvelle direction m’a manqué de respect.

C’est-à-dire ?

Je ne parle pas uniquement de l’aspect financier. Si l’on pense, à Bruges, que je suis parti à Anderlecht pour l’argent, on se trompe. J’ai surtout ressenti que l’on n’avait plus confiance en moi. Malgré ma blessure, Anderlecht s’est montré beaucoup plus pressant pour m’offrir un bon contrat. Le fait que j’étais blessé ne semblait pas poser de problèmes au Sporting. On était persuadé que je retrouverais mon niveau et on me donnerait le temps de revenir. J’estime que je méritais un peu plus de reconnaissance à Bruges. Lorsqu’on joue bien, qu’on inscrit des buts, qu’on rapporte des points, on est aux petits soins pour vous. Mais c’est dans les moments difficiles, là où l’on aurait justement besoin d’un peu de soutien, que celui-ci se fait rare. Le dicton veut que c’est dans le malheur que l’on reconnaît ses vrais amis et j’en ai fait l’expérience.

Après votre opération, quelles sont les personnes du Club qui vous ont rendu visite ?

La plupart des joueurs. Les dirigeants aussi, jusqu’au président. C’était la moindre des choses. Mais j’ai l’impression qu’ils étaient plus préoccupés par l’aspect financier que par l’aspect humain. Tout le contraire d’Anderlecht. J’ai envie de rendre au Sporting ce qu’il m’a donné : puisqu’il s’est démené pour m’attirer, je vais me démener pour lui ramener des victoires. Je suis prêt à aller à la guerre pour Anderlecht.

Pour le monde extérieur, Anderlecht dégage parfois une image arrogante et froide. Vous, qui vivez le club de l’intérieur, prétendez le contraire.

Sur ce que j’ai vécu, oui, absolument. C’est un club très humain.

Pendant que vous étiez au Venezuela, puis en vacances à New York, des articles parus dans la presse belge ont terni votre réputation…

C’est encore ce qui m’a fait le plus mal, car je suis très soucieux de l’image que l’on peut avoir de moi. Mon père m’a amené un reportage dans lequel on pouvait lire que je n’étais pas très professionnel. J’en ai été offusqué. Pendant cette période difficile, j’ai perdu confiance en beaucoup de personnes. On a parfois parlé pour ne rien dire, ou pire, pour proférer des mensonges. Lorsqu’on n’est pas au courant de tout, il vaut mieux se taire. Mais bon, c’est du passé. Désormais, je me concentre sur Anderlecht.

Votre site internet a changé de couleur, il est désormais violet et blanc. Simple coïncidence ?

Cela a toujours été mes couleurs préférées. Cela tombe bien : ce sont aussi celles du club. Alors, pourquoi pas ?

Bruges-Anderlecht a déjà été joué. C’est un match que vous auriez aimé disputer ?

Oui, à coup sûr.

Avec un sentiment de revanche ?

Pas spécialement. J’ai tourné la page. Pour l’instant, ce qui m’importe, c’est d’accumuler du temps de jeu. L’adversaire importe peu. J’aurais sans doute encore l’occasion de croiser les Brugeois sur ma route. Lors du match retour, ou lors des play-offs.

Bruges est considéré, par beaucoup, comme le principal rival d’Anderlecht dans la course pour le titre ?

Je pense que lors du match au stade Jan Breydel, Anderlecht fut supérieur à tous les niveaux. On était pourtant privé de plusieurs titulaires, et Bruges d’un seul. Seul un manque de réussite et deux penalties loupés nous ont empêchés de revenir avec les trois points. Je pense qu’on vivra encore une compétition passionnante. Il n’y a pas que Bruges, le Standard et Genk auront aussi leur mot à dire.

Avez-vous un message à adresser aux supporters brugeois ?

Non, quel message ? Certains m’ont soutenu et je les en remercie, mais d’autres ont dit de mauvaises choses à mon égard et je n’ai pas apprécié. On m’a traité de Judas, entre autres. C’est ridicule. Il faut comprendre que, dans la vie, on est parfois amené à prendre certaines décisions et il faut les respecter.

Avez-vous encore des contacts avec d’anciens coéquipiers de Bruges ?

Oui, avec certains l’amitié est restée. Comme avec Joseph Akpala, Colin Coosemans, Ryan Donk, ou Dorge Kouemaha qui n’est plus à Bruges. Ils ne peuvent pas être tenus responsables des problèmes que j’ai eu avec la direction.

PAR DANIEL DEVOS

 » Je ressens encore une certaine appréhension sur le terrain.  »  » Si l’on pense que je suis venu au Sporting pour l’argent, on se trompe « 

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