Bruno Govers

Le médian anderlechtois a commencé la saison tambour battant mais son entraîneur et Zetterberg apportent quelques correctifs.

En s’imposant 1-4 à Anderlecht dimanche dernier, le Standard a sauvé le championnat en même temps qu’il a ramené les Mauves les deux pieds bien sur terre. Car à l’image de ce qui s’était déroulé quelques jours plus tôt à Glasgow, face au Celtic, les troupes d’ Hugo Broos ont été incapables de répondre au football incisif et musclé des Rouches. A ce petit jeu, la jeune garde du RSCA, si souvent citée en exemple depuis le début de la saison, a singulièrement trinqué, tant dans le chef de Vincent Kompany que d’ Olivier De- schacht.

Les deux coming-men n’étaient toutefois pas les seuls, côté local, à connaître un soir sans. En réalité, de tous les Sportingmen, seul Walter Baseggio aura atteint un niveau acceptable, durant la première heure de jeu surtout, avant de rentrer à son tour dans le rang. C’est lui qui fut à l’origine du seul but des siens, notamment, avant de louper de peu le goal de l’égalisation, en tout début de seconde période, sur un envoi de la tête qui échoua de peu à côté du domaine défendu par Fabian Carini.

Pour Walter Baseggio, le contraste est des plus saisissants d’une saison à l’autre. Voici un peu plus d’un an, le Clabecquois semait encore la confusion dans les esprits. En cause : un début de saison catastrophique, tant à Anderlecht qu’en équipe nationale avec comme malheureux points d’orgue une prestation décevante face à la Bulgarie (0-2 le 9 septembre) et un non-match, 11 jours plus tard, face à Stabaek (0-1). Pour beaucoup, Walt, âgé de 24 ans à ce moment-là, était à ranger de façon définitive dans la catégorie des espoirs n’ayant pas tenu leurs promesses.

Une année plus tard, les critiques doivent déchanter. Depuis le début de l’exercice 2003-2004, le médian du RSCA aligne les prestations de haut vol. Face au Wisla Cracovie (3-1 le 14 août passé), son football autoritaire lui valut d’être gratifié d’un neuf sur dix par les représentants de la presse sportive, une note d’excellence qu’il répéta naguère, au Parc Astrid, face au Celtic Glasgow. Alors, nous aurait-on changé Walter Baseggio ? Et comment faut-il expliquer sa métamorphose ? Cette question, nous l’avons posée à cinq personnes qui ont vécu de près son cheminement ces dernières années.

Werner Deraeve :  » Il joue à sa meilleure place  »

Actuel Directeur technique du centre de formation des jeunes du RSCA à Neerpede, Werner Deraeve fut en 1991 à la base du passage de Walter Baseggio des Préminimes du SC Clabecq à leurs homologues du Sporting, qu’il avait à l’époque sous sa houlette.

 » Au départ, Walt a transité par toutes les positions du secteur offensif, sur le flanc gauche, avant de se stabiliser, au milieu de la ligne médiane, en tant que numéro sept. Dans la configuration en 3-4-3, d’application au sein de toutes nos formations d’âge, ce chiffre désigne l’un des demis û l’autre étant le six û chargés de la pénétration offensive. Ces éléments sont à leur tour encadrés, dans les couloirs, par deux pistons û le onze à gauche et le huit à droite û qui font la navette dans leur secteur, avec la double tâche de veiller tantôt au grain, en cas de perte du ballon, et de contribuer à l’alimentation des deux joueurs les plus avancés sur le terrain, lisez le neuf, attaquant de pointe et le dix, qui évolue en léger décrochage. Les autres places concernent le quatre, milieu défensif, qui fait office de pare-chocs devant une arrière-garde à trois formée de droite à gauche des numéros deux, trois et cinq, le gardien de but endossant évidemment le un. Pendant des années, Walt a donc évolué avec des éléments travailleurs à ses côtés et un ratisseur infatigable derrière lui. Exception faite du six, dont le rôle ne trouve pas de prolongation dans le 4-4-2 cher à Hugo Broos, je constate que les autres composantes du système en vigueur chez les jeunes sont bel et bien présentes, avec les pistons que sont Martin Kolar ou Ki-Hyeon Seol à gauche et Goran Lovre ou Christian Wilhelmsson à droite, plus Besnik Hasi comme aspirateur devant la défense. Ce schéma-là convient autrement mieux à Walt que les fonctions de numéros quatre ou dix qui ont tour à tour été les siennes quand il dut £uvrer d’abord dans le dos d’ Enzo Scifo et de Pär Zetterberg, comme un demi défensif qu’il n’est pas dans l’âme, puis comme substitut du Suédois comme régisseur de l’équipe, une fonction qui ne lui convient pas davantage. Walt porte mal son numéro : il est et restera toujours un sept, autrement dit un homme qui doit se situer derrière le ballon et non un dix, qui passe les trois quarts de son temps devant le cuir. A présent qu’il a le jeu devant lui, je ne suis pas surpris par la qualité de son football. Il ne fait, somme toute, que jouer à sa meilleure place : celle qu’il occupait déjà chez les jeunes au Sporting « .

Aimé Anthuenis :  » Sa présence offensive est perfectible  »

Aimé Anthuenis a eu Walter Baseggio sous sa férule au Parc Astrid de 1999 à 2002. Depuis cette date, il dirige le Clabecquois en équipe nationale. Après des débuts mitigés contre la Bulgarie, celui-ci a, depuis lors, grimpé en puissance au fil des matches.

 » Comme agent de liaison entre des récupérateurs du style Besnik Hasi ou Yves Vanderhaeghe et des régisseurs du type Enzo Scifo, Pär Zetterberg ou encore Alin Stoica, j’ai d’abord songé à Oleg Iachtchouk lors de mon arrivée au Sporting, voici quatre ans. L’Ukrainien me paraissait le plus apte à opérer la jonction entre les lignes et son abattage ne me laissait pas indifférent non plus. Ses blessures à répétition rendirent toutefois caduques cette option, tandis qu’elle eut le don de fustiger l’amour-propre de Walt lui-même. Après quelques tâtonnements, celui-ci finit par exprimer son potentiel au sein d’une ligne médiane où il faisait office de pourvoyeur pour Alin Stoica avec, à ses côtés, des éléments dotés d’un très gros volume de jeu, comme Bart Goor, Yves Vanderhaeghe ou Besnik Hasi et, à droite, Bertrand Crasson, qui prenait tout le couloir droit à sa charge. C’est dans cette configuration-là que Walter Baseggio brilla en Ligue des Champions, en 2000-01, et qu’il fut nommé dans la foulée Footballeur Pro de l’Année. S’il est rentré dans le rang par la suite, c’est dû selon moi à deux facteurs. Tout d’abord, il a éprouvé du mal à digérer les départs de trois éléments qui se situaient dans un même axe que lui, à gauche : Didier Dheedene, Bart Goor et Tomasz Radzinski. Plus tard, en raison des départs d’Enzo Scifo et de Pär Zetterberg, cette fois, il lui a fallu chercher à nouveau sa place sur l’échiquier. Et ce n’est que cette saison qu’il est parvenu à retrouver ses aises, tant au RSCA que chez les Diables Rouges. De part et d’autre, il est symptomatique de constater qu’il est encadré de joueurs qui assument royalement leur part d’activité entre les lignes, qu’il s’agisse de Bart Goor, Philippe Clement et Mbo Mpenza en équipe nationale ou Martin Kolar, Besnik Hasi et Christian Wilhelmsson au Sporting. Dans ces conditions, je ne suis pas surpris du retour au premier plan de Walt. Il évolue à nouveau au même niveau qu’il y a deux ans et, d’après moi, il a les capacités de faire encore un grand pas vers l’avant. J’estime, en effet, que sa participation offensive demeure perfectible et qu’il doit pouvoir surgir plus fréquemment en zone de vérité. Je sais fort bien qu’après une ouverture de 40 mètres en profondeur, il est impensable de le retrouver à la réception du centre du joueur qu’il a lancé. Mais dans les échanges courts, aux approches de la surface de réparation adverse, il devrait davantage sévir. Une dizaine de buts par saison, c’est le minimum, à mes yeux, pour un footballeur doté d’une frappe aussi lourde que lui « .

Pär Zetterberg :  » Mon retour l’a dopé  »

Pär Zetterberg était une valeur confirmée au RSCA au moment où Walter Baseggio y effectua ses premiers pas en Première en 1996. Pendant quatre ans, ils firent cause commune au Parc Astrid avant que le Suédois n’y revienne cet été après une escapade de trois saisons à l’Olympiakos d’Athènes.

 » Le Walter Baseggio que j’ai connu durant la deuxième moitié des années 90 était un garçon timide et réservé. Quoi de plus normal, d’ailleurs, dans la mesure où il fut versé dans le noyau professionnel alors qu’il venait tout juste de souffler ses 18 printemps. A l’époque, je me souviens qu’il ne voulait pas froisser les susceptibilités. Malgré sa frappe de mule, il ne lui serait par exemple jamais venu à l’idée de demander à Enzo Scifo et moi-même que nous nous effacions à son profit pour botter un coup franc. Or, chacun aura pu constater, depuis lors, qu’il est bel et bien un orfèvre en la matière. S’il n’a pas toujours répondu à l’attente, dans le même intervalle, en tant que patron de l’équipe, cette fois, il faut en voir la raison, selon moi, en son jeune âge. C’est qu’on ne s’érige pas en patron des Mauves aux prémices de la vingtaine. J’en ai fait moi-même l’expérience, en ne prenant finalement du galon qu’au travers d’une autre aventure, à Charleroi, où l’occasion m’avait été donnée de m’étoffer gentiment. A Anderlecht, cette latitude n’existe pas. Et dès l’instant où les résultats ne correspondent pas aux espoirs, c’est immanquablement sur la ligne médiane et, plus particulièrement, sur son joueur le plus porteur que la critique s’abat. Je pense que Walt a éprouvé pas mal de difficultés à l’assumer le jour où il a dû subitement composer dans son secteur sans le concours de chevronnés comme Enzo ou moi. D’autant qu’on lui demandait de tout faire : stopper l’adversaire, créer et être à la conclusion des offensives. C’était beaucoup pour un gars de son âge. Aujourd’hui, trois ans après, c’est un tout autre Walter Baseggio que j’ai retrouvé. Plus mûr, plus confiant. Sans vouloir me pousser du col, je me demande dans quelle mesure mon come-back au Parc Astrid ne lui a pas fait grand bien aussi. J’ai cru comprendre qu’un véritable concurrent, susceptible de le pousser à franchir en tous temps ses limites, avait peut-être fait quelquefois défaut au RSCA la saison passée. Avec moi sur le banc, il n’a pas l’opportunité de se reposer sur ses lauriers. Aux dires des autres, il apparaît transformé et dopé par ma présence. Tant mieux. A 25 ans, il est tout à fait normal qu’il supplante un gars comme moi, qui accuse huit années de plus. Aussi, si mon retour à Anderlecht a pour premier effet de le transcender, il s’agit déjà d’un bon point. A défaut d’avoir ma part de mérite sur le terrain, j’ai au moins la satisfaction de contribuer à l’épanouissement d’un joueur qui avait peut-être tardé, jusqu’ici, à donner sa pleine mesure. Rien qu’à ce titre, il ne faut pas être mécontent, pour l’heure, du résultat obtenu. Et ce n’est sans doute qu’un début : le Clabecquois est encore capable de progresser de 20 % « .

Besnik Hasi :  » Physiquement, il est au point  »

Partenaire de Walter Baseggio depuis quatre ans, Besnik Hasi était titularisé au côté du Clabecquois lors du premier tour de la Coupe de l’UEFA face à Stabaek, la saison passée. Un match qui avait tourné au cauchemar pour eux au Parc Astrid. Cette année, le même duo est souverain dans l’entrejeu anderlechtois.

 » Deux choses me frappent tout particulièrement chez Walt depuis le début de la saison : sa condition physique et son état d’esprit. Jusqu’à présent, en l’espace de quatre années à ses côtés, je ne l’avais jamais senti aussi fort. Il est vrai que pour la première fois depuis mon arrivée ici en 1999, il n’a pas été arrêté par l’un ou l’autre bobo lors de la période de préparation. Cette absence de cassure explique sans doute pourquoi il est fit and well à présent. Physiquement, il est au point, tout simplement. Mentalement, il me semble avoir franchi un palier également. Il est beaucoup plus conscient de son implication dans le jeu. Dans le passé, il arrivait souvent qu’ Yves Vanderhaeghe ou moi-même devions lui rappeler sa mission en phase défensive. A présent, ces rappels à l’ordre ne sont plus nécessaires. Il sait de quoi il retourne à chaque instant. A cet égard, il a été sublime contre le Celtic, chez nous. Son travail à la récupération couplé à ses ouvertures lumineuses étaient un régal ce soir-là. Je ne l’avais jamais connu aussi impressionnant « .

Hugo Broos :  » Il devrait toujours être crédité d’un huit sur dix  »

L’entraîneur du RSCA n’a pas ménagé sa peine, depuis son arrivée au stade ConstantVanden Stock durant l’été 2002, pour conférer une autre dimension à Walter Baseggio, coupable selon lui de ne pas suffisamment se faire violence. Un discours qui paraît enfin avoir porté ses fruits.

 » La différence est sensible entre le Walt de l’année dernière, trop velléitaire à mon goût, et celui beaucoup plus déterminé que j’ai sous mes ordres cette année. Quoique je ne sois pas encore tout à fait satisfait du résultat. La constante que j’avais relevée dans ses performances ces derniers mois a été brutalement interrompue à Mouscron et, dans une moindre manière peut-être, au cours de notre déplacement au Celtic. A ces deux occasions, j’estime que le joueur n’a pas répondu à l’attente sur le terrain comme il aurait dû le faire. Désolé, mais avec ses qualités, Walter Baseggio devrait toujours être crédité d’un huit sur dix pour n’importe quel match. Car, à défaut d’être pleinement heureux dans ses propres entreprises, il possède la faculté de pouvoir conserver le cuir et, ce faisant, d’être d’un concours précieux pour ses partenaires. Or, chez les Hurlus et à Glasgow, il était trop souvent aux abonnés absents dans ce registre. Un cinq ou un six sur dix, c’est indigne de lui. Pourtant, j’ai encore l’impression que par moments, lorsque la performance collective de l’équipe laisse singulièrement à désirer, il s’accommode un peu trop aisément de son propre manque de rayonnement. A l’avenir, je veux être sûr qu’il élève en toutes circonstances la barre de ses exigences. Ce n’est qu’à ce prix, évidemment, qu’il peut espérer réussir dans ce Calcio dont il rêve. Là-bas, on ne se contente pas d’approximations au gré de certains matches. Il faut y être performant à chaque occasion. Et Walt doit se le tenir pour dit, une fois pour toutes. Au Sporting, il devrait toujours figurer parmi les trois meilleurs de l’équipe. Au même titre qu’ Aruna Dindane d’ailleurs. Tant qu’il ne le sera pas, semaine après semaine, il ne trouvera pas son bonheur ailleurs « .

 » Je ne suis pas surpris par son niveau : il joue à sa meilleure place  » (Werner Deraeve)

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