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Les doutes ont atteint leur sommet à Bruges, avec une gifle à six buts qui a fini par sortir le Zèbre de son sommeil sans victoire. 93 jours plus tard, Charleroi a retrouvé la clé du succès.

Le sourire enfin retrouvé, après de longs mois de morosité, Mehdi Bayat a offert des primes et du champagne. Il passe rapidement devant la presse, en racontant que  » ce soir, (il) a envie de chanter.  » Peut-être parce que l’histoire s’est finalement écrite comme une chanson, avec un succès à domicile face à Gand en guise de refrain. Le 27 octobre dernier, au bout d’un triste 7 sur 21 qui suivait un début de saison canon, les Zèbres venaient à bout des Buffalos. Une victoire 2-1, avec un double avantage acquis avant que Yuya Kubo ne rende le match haletant jusqu’aux derniers instants.

Depuis ce matin, je me le répète : on doit gagner, sinon les supporters vont nous mettre la misère.  » Chris Bédia

Ce soir-là, déjà, le stade retenait son souffle, par crainte d’une égalisation qui semblait inévitable, vu l’histoire récente des Carolos. Et une nouvelle fois, Charleroi a tenu. Au coup de sifflet final de Bram Van Driessche, les hurlements des tribunes contrastent avec la scène qui se déroule devant le banc zébré. En cercle avec tout son staff, Felice Mazzù respire enfin. 93 jours après la victoire face à Mouscron, pour la reprise du championnat en 2018, le Sporting a renoué avec la victoire.

Trois jours plus tôt, pourtant, Charleroi semblait au bord du précipice. De retour de Bruges au beau milieu de la nuit, avec six buts et une humiliation dans la soute du car, quelques supporters ont réservé au groupe zébré un comité d’accueil à base d’oeufs, d’insultes et de pétards. Certains joueurs ont passé les portes pour lancer le dialogue, finalement conclu par l’intervention de Mazzù. Le coach a encaissé des mots très durs, sur son salaire ou son titre d’entraîneur de l’année. Il a répondu en promettant  » qu’on ferait tout pour montrer qu’on aura une grosse envie contre Gand.  » Rapidement, il a appris que le stade serait derrière ses favoris pour les aider à décrocher la victoire.

LE RETOUR DE POLLET

Ils ne sont pourtant qu’un peu plus de 8.000 pour accueillir les Gantois dans le Pays Noir. À Bruges, ils n’étaient déjà qu’une cinquantaine à avoir fait le déplacement, remboursé par la direction suite à la déconvenue historique pour les hommes de Mazzù. Pierre-Yves Hendrickx et Mehdi Bayat n’ont rien vu de la seconde période brugeoise, qu’ils ont passée à contourner le stade, puis à parlementer avec des supporters furieux, réclamant des cartons rouges de rage à défaut de voir des buts.

 » Aujourd’hui il fallait qu’on gagne, parce que les supporters nous attendaient « , avoue Chris Bédia après le succès face à Gand.  » Depuis ce matin, je me le répète : on doit gagner, sinon les supporters vont nous mettre la misère.  » Relégué sur le banc après le début des play-offs, l’Ivoirien a saisi sa nouvelle chance avec brio. Même si Felice Mazzù n’a annoncé le onze de base que dimanche,  » le B  » se doutait qu’il ferait partie de l’histoire du jour. David Pollet lui en avait parlé, en aparté, après la démonstration brugeoise. Les deux hommes étaient convaincus que leur heure était venue.

A Bruges, Charleroi avait bu la tasse (6-0) à cause d'un Ruud Vormer complètement retrouvé.
A Bruges, Charleroi avait bu la tasse (6-0) à cause d’un Ruud Vormer complètement retrouvé.© BELGAIMAGE

Poussé vers la sortie l’hiver dernier, relégué à un rôle de figurant cette saison, Pollet avait retrouvé la confiance grâce à un quadruplé en réserve, servi sur un plateau par le coach Samba Diawara. À la théorie, le nouveau T3 carolo avait fait un parallèle avec le quadruplé planté par Bédia quelques semaines plus tôt. Le discours est limpide :  » Aujourd’hui, David doit mettre quatre buts.  » Mission accomplie. Face à Gand, le grand blond s’est d’abord heurté à Lovre Kalinic sur une volée pleine de classe, avant de le tromper du gauche sur une passe stratosphérique de Marco Ilaimaharitra.  » Je reviens de loin « , déclare-t-il simplement après la rencontre. Son avenir, lui aussi, se dessinera sans doute loin du Mambour.

La remarque vaut-elle aussi pour Amara Baby ? Le Sénégalais a mal vécu sa mise à l’écart du groupe pour le déplacement au Standard, au début des play-offs. Son entourage a d’ailleurs tapé du poing sur la table, estimant que le Sporting carolo  » cachait  » un peu son ailier dans le rush final, pour éviter d’attirer les convoitises sur lui. À l’approche de la trentaine, Amara se dit sans doute qu’il est aux portes d’une dernière grande aventure, car son début de saison en boulet de canon avait attiré plusieurs scouts dans le Pays Noir. Mais pour le club, la perte sportive serait conséquente, tandis que le gain financier potentiel semble minime, vu l’âge du joueur et ses statistiques toujours trop discrètes.

TROIS JOURS POUR TOUT CHANGER

Retour à Bruges. Dans les travées étouffantes du Jan Breydel, Cristophe Diandy pèse ses mots soigneusement.  » Je n’ai pas envie de dire de bêtises à chaud « , confesse le milieu de terrain. Les paroles sortiront dès le lendemain matin, lors d’une réunion de crise initiée par les cadres du groupe que sont Diandy, Pollet, Baby, Nicolas Penneteau, Javier Martos ou Francis N’Ganga. Le Congolais explique :  » On a vécu une période très compliquée mentalement. Je pense que certains joueurs n’étaient pas habitués à ça, ils n’avaient jamais connu une situation pareille.  »

 » On a essayé d’apporter du calme, de remettre les choses en phase avec la réalité « , ajoute Penneteau, de retour dans les buts après un lumbago plus handicapant que prévu.  » Dans ces moments-là, il faut aussi pouvoir guider les plus jeunes.  » Parmi eux, Gjoko Zajkov semble particulièrement en difficulté dès que les choses se corsent. Le Macédonien, pourtant doué, sent qu’il joue gros à chacune de ses apparitions, et a tendance à s’éloigner des situations chaudes pour éviter de se brûler. En privé, certains joueurs admettent que le jeune défenseur les met parfois en difficulté parce qu’il semble se débarrasser du ballon, pour éviter d’être l’acteur principal d’une perte de balle fatidique. Le corps de Martos commençant à souffrir de l’accumulation des matches, Gjoko devrait être de plus en plus souvent amené à jouer la saison prochaine. Certains, au sein du club, commencent à se demander s’il fera le poids, et évoquent des solutions de rechange à scruter lors du prochain mercato.

Un 13 porte-bonheur pour Felice Mazzù.
Un 13 porte-bonheur pour Felice Mazzù.© BELGAIMAGE

Pour affronter Gand, Mazzù avait donc réinjecté une bonne dose d’expérience sur le terrain. Les retours de Pollet, Penneteau et N’Ganga dans le onze de base ont ramené les fameuses  » valeurs du Sporting « , si souvent prônées par le coach, sur le devant de la scène. Il n’était quasiment plus question de tactique, au moment de défier les hommes d’un Yves Vanderhaeghe souvent malheureux quand il se déplace dans le Pays Noir.  » Je n’ai même pas envie de parler de Gand « , avait d’ailleurs confié Felice Mazzù lors de la conférence de presse, deux jours avant la rencontre.  » Parce que le plus important, ce sera nous, notre force mentale et notre état d’esprit.  »

LE COUP DE MAZZÙ

Soutenu par sa direction dès le coup de sifflet final du match face à Bruges, moment où Mehdi Bayat et Pierre-Yves Hendrickx ont tenu à être à ses côtés, le coach des Zèbres a fini par retrouver la bonne formule, après une longue quête tactique qui l’a vu passer du 4-2-3-1 au 4-4-2 en passant par le 5-3-2 ou le 3-4-2-1.  » Depuis qu’il a été élu coach de l’année, il change de système à chaque match « , ironisaient même certains.

Après la réunion entre joueurs du vendredi matin, le coach a également adressé la parole à son groupe, revenant rapidement sur la déconvenue brugeoise en montrant les nombreuses erreurs commises sur les six buts encaissés. L’analyse, sans concession, a rapidement laissé sa place à la préparation du match contre Gand, prévu moins de 72 heures plus tard.  » C’est bien d’avoir pu enchaîner rapidement « , confie Nicolas Penneteau.  » Comme ça, on se relève tout de suite. Si on avait eu une semaine très longue, qu’on l’avait passée à se poser des questions, ça n’aurait peut-être pas été pareil.  »

Dimanche, quelques heures avant la venue des Buffalos, la théorie tactique est plus courte qu’à l’accoutumée, malgré les six changements dans le onze de base et le retour au 4-4-2. Elle est conclue par une vidéo de motivation, trouvée par Mazzù sur YouTube et partagée avec le groupe pour le transcender avant de monter sur la pelouse. Là, sous les yeux du Mambour qui réclame  » des tripes et du sang  » par tifo interposé, Charleroi grogne dès les premiers duels, et gratte un paquet de ballons grâce à l’association d’Ilaimaharitra et de Gaëtan Hendrickx, lancée avec succès lors de la phase classique face à Gand, déjà. Penneteau et le poteau font passer l’orage gantois, avant que Mamadou Fall ne fasse parler la meilleure recette du Sporting version 2017-2018 : marquer dès les premières occasions.

 » On n’a pas eu beaucoup d’occasions, mais on a réussi à les mettre au fond « , analyse Penneteau.  » Finalement, ça rappelle beaucoup de matches de la phase classique. On les terminait sur les rotules, vraiment crevés, mais on avait les trois points à la fin. Cette débauche d’énergie, il ne faut pas l’oublier.  » Le gardien des Zèbres en est conscient :  » Individuellement, on est la moins bonne équipe du top 6, il faut être réaliste et franc. Mais on a d’autres armes.  » Une artillerie faite de rage collective et de réalisme individuel, qui permet de gagner des matches inattendus, même quand Kaveh Rezaei et Cristian Benavente démarrent sur le banc. Le Péruvien avait pourtant été l’un des rares joueurs à maintenir la tête hors de l’eau pendant le naufrage en Venise du Nord, mais il a été sacrifié sur l’autel d’un 4-4-2 qui n’a pas vraiment de place pour lui. Le Charleroi de Mazzù fera toujours passer l’équipe avant les hommes. La logique est même plaquée sur les murs du couloir des vestiaires :  » Le blason sur votre maillot est plus important que le nom dans votre dos.  »

93 jours

Douze matches de crise

Entre le 19 janvier dernier, date de la victoire face à Mouscron, et le succès contre Gand, 93 jours se sont écoulés. Avec douze matches au programme, rarement conclus avec le sourire. Une période pendant laquelle Charleroi n’a pris que 7 points sur 36, avec 10 buts marqués contre 21 encaissés. Souvenirs.

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