7 atouts capitaux

Voici pourquoi le Mondial pourrait planter sa tente chez nous.

Une idée née sur un coin de nappe pourrait devenir la plus belle aventure de l’histoire du sport belge. La Coupe du Monde 2018 aux Pays-Bas et chez nous : utopie ou vraies chances de succès ? Alain Courtois (56 ans) fonce, s’investit et y croit comme il l’a toujours fait dans ses vies antérieures : secrétaire général de l’Union Belge, directeur général de l’EURO 2000, député, aujourd’hui sénateur,…

 » La machine s’est mise en marche il y a trois ans, au mariage du fils de Michel Sablon « , se souvient-il.  » J’étais à la table des Belges et des Hollandais avec lesquels j’avais travaillé sur l’EURO 2000. En pleine soirée, je leur ai dit : -Nous avons réussi l’EURO 2000, nous allons maintenant tenter le défi d’une Coupe du Monde. Et tout le monde a signé la naissance de ce projet sur un menu « .

Ce jeudi 20 décembre, à Bruxelles, une étape importante est au programme. Le projet Coupe du Monde 2018 sera exposé officiellement pour la première fois à la presse ainsi qu’aux milieux politique, économique et sportif. En présence – notamment – du Premier ministre Guy Verhofstadt et du Vicomte Etienne Davignon.  » Le premier but de cette soirée est d’attirer le monde économique derrière notre projet. Un dossier de candidature coûte beaucoup d’argent, environ 17 millions d’euros. C’est un minimum. Les Anglais vont consacrer près de 25 millions à leur dossier. Il faut trouver plus de 8 millions chez nous et la même chose aux Pays-Bas. Chez les privés. Nous avons donc besoin de grands acteurs économiques. Le dossier officiel devra être rentré à la FIFA au plus tard le 31 décembre 2010. Il nous reste trois ans pour montrer que nous pouvons organiser cette Coupe du Monde. Tout devra être sur papier : les accords des villes, les stades, les complexes d’entraînement, la sécurité, les transports, les hôtels, les infrastructures pour les médias avec notamment un centre de presse capable de recevoir 9.000 journalistes, les systèmes informatiques, le marketing, les garanties au niveau juridique, etc « .

Faisons le tour des atouts belges.

Des nouveaux stades

Alain Courtois : La Belgique est complètement larguée en matière de stades. La situation est catastrophique. Le Stade Roi Baudouin est démodé. Nous ne pouvons déjà plus organiser de demi-finales ou de finales de Coupes d’Europe, et dans deux ans, plus aucun club belge ne pourra disputer de matches européens chez lui s’il ne se met pas en conformité. Je suis parti du principe que pour arriver à aménager de nouveaux stades, il fallait un grand projet. Une Coupe du Monde est la bonne occasion. Pas de stades sans projet, pas de projet sans stades : c’est un de mes slogans.

Les contribuables belges ont payé énormément pour les stades de l’EURO 2000 mais ils sont tous déclassés : le Stade Roi Baudouin n’est plus adapté, Charleroi parle d’un déménagement, comme Bruges et le Standard. Comment est-ce possible ?

Le gros problème, c’est qu’on s’est contenté de mettre tous ces stades aux normes minimales de l’UEFA. C’est le seul gros point négatif de l’EURO 2000. Les pouvoirs publics ne s’étaient pas rendu compte de la portée de l’événement et n’avaient donc financé que des transformations alors qu’il aurait fallu construire des stades entièrement nouveaux. Si on l’avait fait, on n’aurait pas les problèmes actuels de non-conformité pour les matches de Coupe d’Europe.

Combien de stades faut-il pour une Coupe du Monde ?

Dix. Les Hollandais se seraient lancés seuls dans l’aventure de 2018 s’ils en avaient eu les moyens, mais ils sont incapables d’avoir dix stades. Ils ont donc besoin de nous. Et vice-versa.

Il y aurait automatiquement des matches dans cinq stades de chaque pays ?

Pas nécessairement. Pour moi, on peut retenir six stades aux Pays-Bas et quatre chez nous, par exemple. Ce n’est pas un problème. Il y a des projets de nouveaux stades dans six villes belges : Bruxelles, Bruges, Anvers, Genk, Liège et Charleroi. Mais tout le monde n’aura pas des matches du Mondial si nous en obtenons l’organisation. Il sera indispensable que chaque ville candidate joue correctement son rôle si elle veut être retenue. Lors de l’EURO 2000, nous avons eu les pires difficultés avec Bruxelles, notamment au point de vue de l’animation. Le Stade Roi Baudouin avait pourtant reçu le match d’ouverture et une demi-finale. Cette fois, il faudra que chacun assume ses responsabilités. Je n’aurai pas d’états d’âme. Une Coupe du Monde en Belgique peut parfaitement se faire sans Bruxelles. Je ne me laisserai pas prendre par des considérations politico-politiciennes de bas étage.

On est loin de connaître tous les sites des nouveaux stades que veulent Bruges, Charleroi, Bruxelles, Anvers, le Standard,…

Une chose est sûre : si la Belgique et les Pays-Bas ont la Coupe du Monde, tous les stades seront situés en dehors des villes, sauf celui d’Eindhoven. Bruges se dirige vers Loppem, le nouveau stade d’Anvers serait sur le territoire de la commune mais pas en plein centre, Schaerbeek est selon moi acquis pour Bruxelles – et Anderlecht pourrait y jouer -, la Ville de Charleroi a proposé une construction à Gosselies, le Standard ira à Hognoul ou à Wandre-Jupille. Le seul stade qui ne serait pas tout à fait nouveau serait celui de Genk. On ferait des travaux pour porter sa capacité à 40.000 places.

Est-il oui ou non question de Gand ?

Après notre visite à Sepp Blatter, en novembre, la presse a évoqué six sites, en ne mentionnant pas Gand. J’ai reçu des réclamations de cette ville. Mais si son nouveau stade ne fait que 20.000 places, comment voudriez-vous y organiser des matches de Coupe du Monde ? Impossible, il en faut minimum 40.000. Par contre, il pourrait servir de stade d’entraînement. Il faudra aussi que les équipes qualifiées se préparent dans de bonnes conditions et ce Mondial serait ainsi une belle occasion pour construire de nouvelles installations aux petits clubs de D1, voire à des équipes de D2. On peut en tout cas dire qu’il y a déjà sept villes où ça bouge point de vue stades. Si quelqu’un avait prédit cela il y a deux ans, on l’aurait pris pour un fou. Mais il est plus que temps d’agir. J’en ai ras-le-bol que nos stades soient la risée du monde entier.

Un pays uni derrière le foot

Courtois : Je suis allé trouver Guy Verhofstadt en lui expliquant que la Belgique avait besoin de nouveaux stades mais aussi de grands événements internationaux pour améliorer son image. Je lui ai demandé 500.000 euros pour mettre le projet de la Coupe du Monde en route. En même temps, je voulais m’engager à ce que ça ne coûte pas un euro au contribuable. Cet argent est venu de la Loterie Nationale. Je suis aussi allé voir les gouvernements régionaux, ainsi que les bourgmestres des villes concernées, et tout le monde m’a donné le feu vert pour lancer le projet. Sans jamais tenir compte d’une quelconque couleur politique : je n’ai eu aucun mal à détailler mon projet à des bourgmestres appartenant à un autre parti que le mien. Après cela, il me fallait encore l’accord de l’Union Belge car les dossiers de candidature doivent être introduits par les fédérations. J’ai expliqué trois choses à ses dirigeants : notre projet ne leur coûterait pas un euro, je m’engageais à trouver des bureaux et je créerais une structure juridique dans laquelle ils seraient largement représentés. La Loterie a offert une enveloppe. La Ville d’Anvers nous a offert des bureaux en plein centre : ils ont raté l’EURO 2000 et ne veulent surtout plus louper le train de la Coupe du Monde. Et l’Union Belge a donc son mot à dire dans la structure juridique. De même que la Loterie Nationale, qui peut ainsi vérifier l’usage que nous faisons de ses 500.000 euros.

Quels sont vos arguments pour convaincre les villes de vous suivre ?

Prenez l’Espagne, qui a organisé ou va organiser 5 événements planétaires depuis le début des années 80 : la Coupe du Monde de foot, les Jeux de Barcelone, l’Exposition universelle de Séville, l’America’s Cup à Valence et à nouveau l’Expo à Saragosse. Sans parler du musée Guggenheim à Bilbao. Tout cela a permis de transformer complètement toutes les grandes villes. Elles sont devenues des cités modernes, dont on parle partout et qui attirent énormément de monde. Ce n’est pas un hasard si les bourgmestres que nous avons contactés ont manifesté un enthousiasme énorme. Ils sont conscients qu’on parlera de leur ville, dans le monde entier, au moins jusqu’au vote de la FIFA pour l’attribution du Mondial 2018.

Mais qui peut jurer que la Belgique n’éclatera pas entre-temps ?

Moi ! Le pays restera uni. Vous pouvez me croire. Dans mon projet, je n’ai pas tenu compte une seule seconde d’une scission. C’est du blabla. Celui qui mettra fin au fameux consensus à la belge n’est pas né.

 » Toute la France veut la Coupe du Monde « , c’était le slogan de nos voisins au début des années 90. Entendra-t-on bientôt chez nous  » Toute la Belgique veut la Coupe du Monde  » ?

On veut rêver et je suis sûr qu’il peut y avoir une unité derrière ce projet. En plus, c’est fédérateur, et dans le contexte politique actuel, ça plaît à la majorité des Belges. Bientôt, le rêve du Mondial se retrouvera sur des milliers de pelouses. Tous les joueurs de 14 à 17 ans porteront un brassard Candidat Coupe du Monde 2018. C’est une réalité : ceux qui nous représenteraient à ce Mondial se situent essentiellement dans cette tranche d’âge.

Pourquoi les Hollandais ont-ils plus tardé que vous à s’impliquer dans le projet du Mondial ?

Pour deux raisons. D’abord, il était encore question, à l’époque, de rentrer une candidature pour les Jeux Olympiques de 2016 à Amsterdam. Il était impossible de viser à la fois les JO et la Coupe du Monde à deux ans d’intervalle. Finalement, le comité olympique hollandais a décidé de reporter ses ambitions d’organiser les Jeux, sans doute à 2020, et il a alors soutenu le projet du Mondial. L’autre problème était purement politique. Au moment où nous avons commencé à envisager la Coupe du Monde, il y avait une grave crise politique aux Pays-Bas, semblable à celle que nous connaissons aujourd’hui chez nous. Tout s’est débloqué quand un nouveau gouvernement s’est installé. Une de ses premières décisions a été de soutenir le projet de Mondial.

L’expérience de l’EURO 2000

Courtois : L’aventure de l’EURO 2000 a débuté sur un bateau qui nous transportait sur le Lac Léman. J’étais là avec des responsables du foot anglais et hollandais. A l’époque, les Anglais étaient encore en plein bannissement suite au drame du Heysel. Ils devaient attendre 1995 pour pouvoir organiser à nouveau de grands événements de football. Lennart Johansson, le président de l’UEFA, avait envie que les Anglais remontent rapidement sur la scène. Avec les Hollandais, nous envisagions de rendre une candidature pour l’EURO 96. Les Anglais aussi. Nous leur avons alors dit : -On vous soutient pour 96 et vous nous soutiendrez pour 2000. Le deal a fonctionné. En plus, 2000, c’était un cap mythique, plus que 1996. Et au bout du compte, nous en avons fait le premier EURO bénéficiaire de l’histoire : il a rapporté 20 millions d’euros qui ont été partagés équitablement entre la Belgique et les Pays-Bas. Les Anglais avaient perdu de l’argent en 1996…

Quel avait été le plus gros obstacle sur la route de l’EURO 2000 ?

Il fallait changer les statuts de l’UEFA, prévoir deux pays organisateurs et deux pays qualifiés.

Une position centrale en Europe

Courtois : Nous sommes proches de tout. Bruxelles est le centre et la capitale de l’Europe. Si l’Europe veut la Coupe du Monde 2018, elle peut parfaitement jouer sa carte avec notre candidature. La Belgique ne mise pas assez sur cet atout : la capitale de l’Europe, quel symbole ! Finalement, c’est un peu à l’image de tout le reste : on manque d’ambition, ici. De gens qui disent : -Go, on y va. Nous ne sommes quand même pas plus bêtes que les autres. Pourquoi toujours cacher ses atouts ? J’ai l’impression que beaucoup de Belges raisonnent comme ceci : – On a la capitale de l’Europe mais… chut, il ne faut pas le dire ! Pourtant, quels grands pays peuvent sortir une carte pareille, aussi prestigieuse, aussi symbolique ?

Au niveau des infrastructures hôtelières, on serait un peu court, non ?

Il y a deux gros inconvénients quand un petit pays organise un grand événement international. Il n’y a pas des hôtels de 300 à 400 chambres dans toutes les grandes villes. Il nous manque actuellement entre 20.000 et 25.000 nuitées pour recevoir tous les visiteurs d’une Coupe du Monde. L’autre point négatif, c’est le pouvoir des grandes villes, qui sont peu nombreuses et peuvent donc se retrouver en position de force, imposer certaines de leurs idées.

Combien de villes belges sont en mesure d’organiser des matches du Mondial ?

Uniquement celles dont je viens de parler. Alors que pour les coupes du monde en France et en Allemagne, on a pu se passer de gros centres comme Strasbourg parce qu’il y avait mieux ailleurs. Il sera donc important de signer des accords de collaboration très précis avec les villes candidates, pour éviter toute mauvaise surprise.

Des communications idéales

Courtois : Nous avons le réseau de communication le plus performant d’Europe sur la Belgique et les Pays-Bas. Nous n’aurions aucun problème pour amener les gens facilement dans les stades, pour les faire voyager de ville en ville. Il y a des aéroports partout. Bruxelles et Amsterdam sont deux aéroports de connexions, avec des vols qui arrivent du monde entier Le TGV sera entre-temps opérationnel sur tout le territoire. Le réseau ferroviaire dans son ensemble est très dense. Nous avons des autoroutes. Gratuites et éclairées, tout le monde ne peut pas en dire autant. Et il y a l’eau ! Que ce soit à Liège, à Charleroi, à Bruxelles ou à Anvers, on pourrait transporter une partie des supporters par bateau. Nous l’avons fait à Liège lors de l’EURO 2000 et ce fut un succès total. Sur un canal ou sur un fleuve, il n’y a pas d’embouteillages. En plus, c’est très festif comme moyen de transport pour se rendre à un match de football.

Combien de personnes attirerait une Coupe du Monde en Belgique et aux Pays-Bas ?

Nous avons vendu 1,2 million de tickets lors de l’EURO 2000. Une Coupe du Monde, c’est un minimum de 2,4 millions de billets. On peut évaluer le nombre total de visiteurs à 3,5 millions, pour la Belgique et les Pays-Bas.

Un territoire sûr

Courtois : Chez nous, il y a des conflits entre communautés. Mais après 175 ans d’existence, c’est tout à fait normal de vouloir repositionner les compétences des régions. J’y suis d’ailleurs favorable. Nous avons donc des conflits, mais si je suis bien renseigné, il n’y a toujours pas eu de morts – parce que le compromis a toujours fini par triompher. Et nous n’avons pas d’attentats sur notre sol. Pas de bombes dans les gares. Je ne vise personne… -NDLA : l’Angleterre est aussi candidate à l’organisation du Mondial 2018- C’est la Belgique qui a donné aux Pays-Bas l’idée de l’arrestation administrative, à l’approche de l’EURO 2000. Et pas uniquement autour des stades de football. Si un policier repère un individu dont il pense qu’il pourrait troubler l’ordre, il a le droit de l’arrêter pendant 24 heures sans devoir rendre de comptes au procureur. Les Hollandais ont été tellement convaincus par cette méthode qu’ils l’appliquent toujours aujourd’hui. Je signale aussi que nous gérons sans aucun problème les multiples sommets européens qui se déroulent à Bruxelles. Bref, la sécurité serait un vrai atout de notre candidature.

Quel est le point névralgique d’une Coupe du Monde ?

Le centre de presse, à coup sûr. S’il y en a qui veulent frapper, c’est là qu’ils le feront en priorité. En général, ce bâtiment est d’ailleurs gardé par l’armée.

La confiance de la FIFA

Courtois : Le 14 novembre dernier a été une date clé. Nous sommes allés voir Sepp Blatter à Zurich et c’est là que tout s’est joué. Avant cette rencontre avec le président de la FIFA, tout le monde en Belgique me prenait pour un doux rêveur, un grand naïf. J’entendais : -Ce type est fou. Mais la réaction de Blatter a été très positive. Il nous a dit : -Il y a quelque chose là-dedans. Et j’ai subitement senti que le vent tournait en Belgique. Le mirage s’est transformé en un projet qui a des chances d’aboutir. Gazet van Antwerpen a réalisé un sondage dont il ressort que 79 % des Flamands disent qu’on peut avoir le Mondial.

Blatter est un politicien : il fera peut-être les mêmes compliments à tous les autres candidats…

Il nous a fait remarquer que plusieurs aspects de notre projet lui plaisaient beaucoup. Il est très sensible au fait que nous ayons été les premiers à aller le trouver. Il a dit qu’il ne l’oublierait pas. De même, il se souviendra que la Belgique est un pays fondateur de la FIFA (en 1904) et de l’UEFA (1954). Il nous a aussi dit que notre candidature serait celle qui représenterait les petits pays.

A la FIFA, on a quand même dit après le Mondial 2002 en Corée du Sud et au Japon qu’on n’accepterait plus de candidatures conjointes, non ?

Une des premières questions de Sepp Blatter a été : -Y aurait-il un ou deux pays organisateurs ? Réponse : un seul. Un seul comité d’organisation, en tout cas, avec un seul quartier général. Comme à l’EURO 2000. A la Coupe du Monde 2002, il y avait deux comités d’organisation distincts qui, en plus, se bagarraient sans arrêt. Réussir une organisation pareille quand on a des idées, des langues et des monnaies différentes, c’est très compliqué. Il faut se souvenir aussi que le Japon et la Corée du Sud ont été en guerre pendant des siècles. L’EURO 2008 en Suisse et en Autriche, je ne le sens pas trop. Ce sera difficile d’arriver à une vraie symbiose entre les deux pays. Et j’ai encore plus de craintes pour 2012 avec la Pologne et l’Ukraine. Par contre, que peut-il arriver de fâcheux dans une collaboration entre Belges et Hollandais ? Nous avons la même culture. Une langue commune en plus du français. La même monnaie. Et on passe la frontière sans aucun problème.

par pierre danvoye

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