66-35 pour les Mauves

139 matches entre le Standard et Anderlecht en D1. Et d’étonnantes histoires.

Depuis un quart de siècle, Anderlecht et Bruges se battent pour le titre, 9 chacun depuis 1976, mais le match entre le Sporting et le Standard reste un classique frappé de passion. Premier choc officiel, à Sclessin, le 19 octobre 1919. Un nul, 2-2, pour le championnat de Promotion, la D2 d’alors. Les pionniers sont pour le Standard : Paty, Waroux, Magnée, Ditzler, Maurice Petit, Grisard, Arnold, Robert, Gillis, Van Ruykensvelde et Biquet.

Anderlecht : Paye, Gilis, Van Hoof, Van Rothem, Berckmans, Defevere, Nijs, Luyckx, Demunter, André Versé et Maurice Versé. Buts: Petit et Grisard, Nijs et M. Versé. Demunter loupa un penalty.

Au retour, le 4 janvier 1920, c’est 1-0. L’équipe du Sporting ne fut pas mentionnée dans Velo-Club, qui s’en expliqua ainsi: la lettre expresse – dans laquelle se trouvait le compte rendu du match – mise par notre reporter dimanche à 17h. dans le tram 56 ne nous est jamais parvenue. Sans doute s’est-elle envolée à Evere. On sait toutefois que Paye stoppa un penalty de Georges Ditzler, que Berre Borremans marqua et que les frères Versé jouèrent. Pour cause de pugilat André Versé et Ditzler furent exclus.

En 14, malgré la présence des internationaux Paul Bouttiau (1er capé rouge en 1910), Maurice Grisard et Jean Dupont le Standard chuta, en Promotion, et y demeura, première guerre mondiale oblige, jusqu’en 21. Depuis 1922 il n’a plus quitté la D1. Unique. Anderlecht, surnommé à l’époque l’ascenseur, descendit 4 fois, et remonta en Honneur en 1935. Pour de bon.

Le 5 mars 1922, pour la première fois en D1, O-O, à Sclessin, mais, bureaux fermés au Sporting, un mois plus tard, suite à des incidents à Anderlecht- Racing CB. A 300 mètres du terrain, l’arbitre Hubrecht avait été attaqué et frappé au menton par des supporters mauves. Dans le stade vide, le capitaine rouge JacquesPirlot et ses partenaires gagnèrent 0-2, par Dupont. Une partie d’une correction exemplaire, mais interrompue par l’intrusion de poules sur la pelouse. Parmi les battus, les internationaux Jean Caudron, Charles Demunter et Cassis Adams.

En tête, en 35, le Standard secoua, 0-5, le Sporting à domicile: 4 buts de l’avocat avant-centre Jean Capelle et un de Balthazar, fers de lance d’un onze qui fixa ainsi le record du plus copieux succès du Standard au parc Astrid. Les vainqueurs: Bergmans, Jean Petit, Bellefroid, Dalem, Roger Petit, Couquelet, Nassez, Brichaut, Capelle, Fr. Ledent et Balthazar. Au retour, le Sporting, avec le portier Jean Mertens, héros du match, Georges Van Calenberg et Albert Mettens, se vengea, 1-2. La plus large victoire bruxelloise à Sclessin est récente, le 0-6 de 98-99 avec Zetterberg et Scifo.

Au bilan actuel des 139 rencontres en D1 -69 à Anderlecht, 70 au Standard- les Mauves mènent par 66 victoires à 35.

Le premier Anderlecht- Standard d’après-guerre, 6-2, le 11 novembre 45, opposa quelques grandes pointures mauves, Rie Meert, Michel Van Vaerenbergh et Jef Mermans aux internationaux René Gillard, Fernand Massay et Fernand Blaise, trio de base d’un Standard, alors n°2 wallon derrière le FC Liégeois.

La passion s’enflamma le 1er janvier 56, à Sclessin: 30.000 spectateurs sortis du réveillon, et combien dans leur état normal?, se gèlent dans les bourrasques de neige. Anderlecht a 2 points d’avance, mais Jean Jadot les annule par un but décisif. Enervement total, masse en colère, et coups fourrés sur la pelouse. L’arrière anderlechtois Rik Matthys est exclu. L’Union Belge n’organisera plus de matches le jour de l’An, et ce sera la guerre pour longtemps entre les deux clubs. D’autant que les Liégeois, vainqueurs de la Coupe en 54 et champions en 58, 61 et 63, talonnent les Bruxellois qui ripostent par 5 titres consécutifs de 64 à 68. Le duel doit être vu, c’est le sommet, et, en 61, les souverains s’installent dans la tribune du Sporting. On verra aussi Baudouin et Fabiola à Sclessin, en d’autres circonstances.

A cette époque, Pierre Sinibaldi axait le jeu mauve des Paul Van Himst et Jef Jurion sur la créativité tactique, la finesse technique et l’esprit collectif, tandis que les entraîneurs rouges ( Kalocsay, Prouff, Gusti Jordan et Pavic) misaient sur le marquage d’homme à homme et l’athlétique et fougueuse contre-attaque du duo Roger ClaessenLéon Semmeling, stratégie plus conforme au tempérament liégeois. Anderlecht engrangeait de brillants résultats nationaux, mais son football ne suscitait que sarcasmes à Liège: football de demoiselles,Anderlecht a 10 ans de retard (Kalocsay), et, beaucoup plus dur, football de tuberculeux (Roger Petit dans La Meuse). A un entraînement de l’équipe nationale, Jean Nicolay laissa échapper un  » gamins de merde », mais l’affaire s’arrangea parce qu’ils avaient tous besoin les uns des autres sur le plan international.

Roger Petit se fâcha tout rouge, lorsqu’en 64, le sélectionneur national Constant Vanden Stock, son ami et ennemi de toujours, aligna, après le repos, onze Anderlechtois contre la Hollande. « Anderlechtisation… même le chauffeur du bus est anderlechtois! », remarqua le patron du Standard.

Le feu jaillit aussi entre Liège et Bruxelles à leur première opposition en finale de la Coupe de Belgique, en juin 65, au Heysel. Un mercredi en semi-nocturne avec coup d’envoi à 18h. 2-2 et prolongations. A la 94e, Jean Trappeniers stoppe un ballon de Roger Claessen. Devant ou derrière la ligne? Dans la pénombre difficile à juger. Claessen crie victoire, pour lui pas d’hésitation, c’est but…mais l’imposant juge de ligne André Van Hellemont ne lève pas son drapelet. « Noss Roger » se précipite vers lui, et le linesman tombe. « Y a but, et en plus il me bouscule » lance Claessen à l’arbitre Frans Geluck, lequel s’en tiendra à la version de son adjoint. Van Himst marqua le but de la victoire à la 112e. « Nous avons joué en terre étrangère », fulmina Roger Petit. Claessen fut suspendu sept mois, une sanction comparable aux six mois subis par le libero mauve Laurent Verbiest, qui en d’autres circonstances, avait passé sa main dans les cheveux de l’arbitre Lepomme : « Il n’y a, sans doute, pas grand-chose là-dessous ».

Claessen fut, en 67, à Sclessin, à la base d’un autre but controversé, et là, il eut mille fois raison de protester. Son ballon, dégagé en catastrophe derrière la ligne par l’arrière Jean Cornélis, ne fut pas validé. Un document du photographe Frans Lebrun, relayé par la tv, prouva indiscutablement le but.

Un an plus tôt, en octobre 66, au parc Astrid, Roger Petit et l’entraîneur yougoslave Milorad Pavic, avaient surpris en alignant Milan Galic. L’élégant et technique attaquant yougo, et docteur en droit, du Partizan Belgrade, annoncé depuis des semaines à Sclessin, avait atterri chez nous, tard, la veille. N’ayant plus joué en compétition depuis la finale de la coupe d’Europe, contre le Real Madrid, en mai, il ne disputa qu’une mi-temps. Lui succédèrent, au fil des mois, des techniciens comme Wilfried Van Moer, Erwin Kostedde, Sylvestre Takac et Henri Depireux qui assouplirent le jeu de Sclessin et le portèrent au triplé champion 69, 70, 71. Comme Constant Vanden Stock abandonnait, début des années 70, la ligne Sinibaldi, une certaine unité de style rapprocha les deux clubs, et la rivalité perdit sa hargne.

Les transferts entre Liège et Bruxelles, et vice-versa, jugés aux temps anciens comme trahison, devinrent d’ailleurs de plus en plus nombreux. Haan, Dusbaba, Demol, Vervoort et Czernia, pour ne citer que les principaux, vers Sclessin, et Paul Vandenberg, Thissen et Renquin, entre autres, vers le parc Astrid. Rayon entraîneurs, Braems, Kessler, Goethals, Vandereycken, De Mos et Ivic travaillèrent pour les deux.

En route vers le titre 83, après celui de 82, le tandem rouge Goethals-Haan réussit un beau coup de prestige en s’imposant 1-4 au Sporting. En revanche, les Mauves se flattent de ne plus avoir été défaits à Sclessin depuis 86. Freddy Luyckx, en 85-86, y planta alors la dernière rose victorieuse du Standard.

Deux stars de notre foot débutèrent en D1 dans le duel mauve-rouge, à Anderlecht: Ludo Coeck en 72 et Michel Preud’homme en 77, tous deux encore adolescents. Débuts aussi, au Heysel, du Hongrois Attila Ladinszky, auteur des 2 buts mauves de la finale de la Coupe 73, qui marqua la fin de la carrière de Georges Heylens, blessé. Une Coupe qui opposa six fois les deux rivaux en finale, avec un net avantage de 5 succès pour le Sporting. Ce qui suscita cette remarque de Léon Semmeling : « Et dire que c’est le Standard qui a la réputation d’être une équipe de Coupe ».

Henry Guldemont Avec l’aide de l’asbl FOOT 100 (français-néerlandais), 13, allée des Croisades, 6280 Gerpinnes, tél.-fax 071.21. 59.10 – www.foot100.be.tf

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