6-0 Quelle culotte!

Pierre Bilic

Le capitaine liégeois en partance pour Anderlecht ne mâche pas ses mots: « Nos adversaires font dans leur froc, mais moi je ne le retirerai pas ».

Didier Ernst: « Je suis d’abord un Standardman mais si on ne fait rien pour me retenir à Sclessin, j’en tirerai vite mes conclusions. Ceux qui croient que je ne pourrais pas être heureux loin de la Meuse se fourrent le doigt dans l’oeil. C’est la suite de ma carrière qui est au centre de toutes mes préoccupations. Je dois tout au Standard, c’est évident. Je ne peux l’oublier même si, en échange, je lui ai tout donné. Quand je suis revenu de Boom, même Verviers n’a pas voulu m’engager. J’ai renvoyé l’ascenseur à mon club durant des années. J’ai travaillé, c’est mon truc, et je ne me suis jamais bien vendu.

A 30 ans, je pense un peu différemment à moi, à ma famille, à l’avenir des miens. C’est un tournant de ma vie, je ne peux pas le rater. Mon amour pour ce club ne doit pas rimer avec naïveté. Je suis en fin de contrat et je réclame seulement une adaptation de mon contrat à mon apport sur le terrain, à mes mérites. Il n’y a rien d’injuste ou de prétentieux dans ces revendications ».

« Un peu de respect »

« Je suis un ouvrier du terrain et j’en suis fier. Je me suis fait tout seul, à la sueur de mon front. Je ne fais pas partie du star système. Je frappe moins les imaginations qu’ Ali, Michaël, Moreira, Godwin, Johan, Dragu, etc. Je ne les envie pas car je suis différent mais aussi utile qu’eux. Tous les clubmen comme moi ou Laurent Wuillot passent après les autres, que ce soit au Standard ou ailleurs. Je réclame uniquement un peu de respect. C’est bien d’engager des vedettes mais certaines ne jouent qu’une dizaine de matches et puis se tirent. Qui fait tourner la baraque quand les gros cubes sont en panne? Les clubmen, évidemment. Je joue au moins 30 des 34 matches de chaque championnnat. Je n’ai jamais été blessé et quand je ne suis pas là, c’est pour excès de cartes jaunes.

Robert Waseige, Jos Daerden, René Vandereycken, Aad De Mos, Daniel Boccar, Luka Peruzovic, Tomislav Ivic, Jean Thissen, Henri Depireux, Dominique D’Onofrio, Michel Preud’homme: tous m’ont fait ou me font encore confiance.

Si je les ai convaincus, c’est une reconnaissance de mon apport. Cela vaut le strass et toutes les paillettes des autres. Au début de la saison, j’ai cru, à tort, que le Standard ne tarderait pas à négocier la signature d’un nouveau contrat. J’ai toujours entendu le même discours: -Demain, on a bien le temps, on se verra en octobre, en novembre, en décembre, etc. On a cru que j’accepterais n’importe quoi, heureux de ne pas être obligé de chercher un nouveau club. Moi, j’ai trouvé cette attitude bizarre. En fait, je suis déjà libre de signer n’importe où: je suis gratuit ».

« Pas peur de partir »

« Au départ, j’ai dit que mon désir le plus profond était de rester. C’est toujours le cas, mon manager le sait, mais ma patience a des limites. Les autres clubs ont cru que je n’avais pas envie de partir. La donne a changé. Je signerai où cela m’arrangera le mieux. La concurrence le sait. L’aventure d’ Yves Vanderhaeghe m’a fait un peu réfléchir. C’était un porteur d’eau à Alost et à Mouscron et ce gros bosseur a obtenu la reconnaissance internationale après son transfert à Anderlecht. Je peux faire aussi bien que lui. On me dit qu’Anderlecht me suit de près et a envie de m’engager.

S’il précise son offre, il sera trop tard pour les Rouches. Je laisse l’étude de mon dossier à mon agent, Didier Frenay. J’aurais pu opter pour Luciano D’Onofrio, dont on connaît les relations internationales, mais le Standard, c’est son club. Logiquement, j’ai préféré être représenté par quelqu’un qui ne songerait qu’à mes intérêts. Ma femme a joué un rôle important dans ma réflexion. Elle veut que je fasse valoir mes droits.

Si le Standard ne le comprend pas, c’est qu’il ne sait pas qui je suis. On a peut-être engagé une partie de poker en estimant que je reviendrai rapidement à de meilleurs sentiments. Je ne signerai certainement rien sous la contrainte du temps qui passe. Le Standard cache peut-être ses cartes, mais je peux aussi dissimuler les miennes. Qui dit que je ne le fais pas? Une très belle cassette video circule dans certains clubs intéressants. Notamment en Espagne avec les statistiques de ma carrière. Cela en a étonné plus d’un. Je ne suis pas du tout effrayé à l’idée de partir. Je sais ce que je vaux.

Le Standard m’a demandé d’avancer mes exigences: j’ai demandé cinq ans et une augmentation de contrat. Mon club m’a dit que c’était trop. Je pouvais signer pour deux ans mais, en étudiant la proposition, il était évident que je gagnais moins. Pas question… »

« Rien par rapport à Verschuere ».

« Je ne vais pas négocier éternellement: tout doit être réglé dans la quinzaine. Si ce n’est pas le cas, j’en tirerai mes conclusions. Matthieu Verschuere serait cité au Standard. Il ne jouera pas à mes conditions financières actuelles. Moi, je ne coûte rien par rapport à Verschuere. C’est un élément important…

Si le Standard participe à la Ligue des Champions, je peux rendre pas mal de services. Le problème n’est pas de jouer au Standard. Il faut y rester. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Il y a une demi-douzaine d’années qu’on s’y bouscule à l’entrée et à la sortie. Personne ne s’y ancre pour de bon. Sur le poster de l’époque d’ Aad de Mos, il ne reste que deux joueurs: George Blay et moi. Or, le public a besoin de points de repère. Je me bats, je le fais alors que c’est délicat pour moi. Si je me blesse, je pourrai faire une croix sur mes contacts actuels et je suppose que le nouveau contrat du Standard ne sera pas revu à la hausse.

Le Standard ne peut se passer d’aucun joueur pour le moment car il y a les blessés et la. Je suis au service du groupe. Je sens que le Standard peut réaliser un truc cette saison. Nous visons une place en Ligue des Champions. Pour cela, il faut être premier ou deuxième. On ne parle pas trop de nous dans les médias. La pression est plus sur les épaules de Bruges ou d’Anderlecht. Cela nous arrange et je suis étonné par notre calme et notre lucidité. Le Standard gagne même quand cela va mal, comme ce fut le cas à Westerlo. Nous faisons bloc et c’est payant. Il y avait plus de talent la saison passée et tout le monde se demandait comment le Standard surmonterait sa série de départs: Vedran Runje, Daniel Van Buyten, Ivica Mornar, Robert Prosinecki, Joseph Yobo, etc. L’équipe actuelle est différente mais plus collective. Chaque nouveau joueur a trouvé sa place dans un moule très solide: Fouhami, Van Meir, Walem, Moreira et les autres. Nous avons grandi au fil des matches et notamment grâce à la Coupe de l’UEFA. Michel Preud’homme a soudé une équipe qui sait se faire respecter ».

« Varier son jeu »

« Le Standard sait varier les coups. On ne gagne pas par hasard à Gand puis à Bruges en une semaine. Ces deux équipes étaient en plein boum. Le Standard y a relancé le championnat. Cela a multiplié la confiance. Les autres font désormais dans leur pantalon en pensant au Standard. Le groupe est solide dans tous les secteurs avec de la taille, de la puissance, une grosse force de travail, du talent comme celui de Moreira, une des révélations de cette saison. Cette équipe n’est pas facile à déstabiliser. Elle n’a absolument rien à envier aux autres. Bruges avait un avantage par rapport à la concurrence. Son effectif est le même que la saison passée et cela lui a permis d’entrer directement dans le vif du sujet. Il n’y a pas eu de problèmes de réglage tactique.

Le moteur brugeois a tout de suite tourné à plein régime. Il nous a fallu un peu de temps mais cela ne veut pas dire que tout est définitivement réglé. En début de saison, il aurait été difficile d’imaginer que Gonzague Van Dooren puisse dépanner au back gauche. Nous déplorons évidemment la blessure d’ Ole-Martin Aarst. Notre Norvégien venait de trouver un excellent rythme de croisière. La division offensive a fondu comme neige au soleil avec les blessures d’Aarst, d’Ali Lukunku, de Michaël Goosens, etc. Cela explique le retour de Jurgen Cavens. Il y a deux ou trois ans, le Standard n’aurait pas résisté longtemps à une telle avalanche de problèmes. L’équipe était souvent fragile sur le plan mental. L’apport d’un Van Meir est important car il rayonne de calme en défense. Les bases sont saines.

Je savais que le début du deuxième tour serait forcément très difficile. Il s’agira notamment de mieux gérer la circulation de la balle. Pour être frais et dispos, je me suis offert cinq jours de vacance, fin décembre, dans les forêts d’Alsace en compagnie de Laurent Wuillot. Nos épouses ont beaucoup apprécié cette coupure. J’en avais besoin pour mettre de l’ordre dans mes idées. Après cela, le 2 janvier, il y a eu ce stage à Knokke. Nous savons ce qu’il nous reste à faire pour atteindre la Ligue des Champions. La lutte à cinq se poursuivra jusqu’à la fin. Nous récupérerons petit à petit Lukunku, Goossens et tous les autres: cela fera peut-être la différence en fin de championnat ».

Dia 1

Pierre Bilic

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