59x en D1

Le jeune arrière droit s’est maintenu malgré tous les changements d’entraîneurs et de styles.

Sans faire beaucoup de bruit, le jeune Alexandre Bryssinck (21 ans) s’est solidement ancré en équipe Première de La Louvière. La saison dernière, il a disputé 33 des 34 matches de championnat. « Et 26 la saison précédente », précise-t-il avec une mémoire étonnante. « Cela me fait un total de 59 matches de D1 à ce jour. A mon âge, je ne peux qu’être satisfait ».

Son baptême du feu, il n’est pas prêt de l’oublier. « C’était en Coupe de Belgique contre Bruges, voici deux ans », se souvient-il.  » Alan Haydock était blessé depuis de longues semaines: une fracture encourue en match amical, pendant la période de préparation. Eric Scalia se plaignait de douleurs à l’épaule. Marc Grosjean était à la recherche d’un arrière droit. Il n’avait pas grand-chose à perdre contre une équipe du calibre de Bruges et s’est décidé à me lancer dans le grand bain. J’étais un peu nerveux, c’est logique, mais tout s’est bien passé. Nous avons gagné 2-1. Depuis lors, je n’ai quasiment plus quitté l’équipe. Pour percer, un jeune a besoin d’un petit brin de chance au bon moment. Si nous avions été battus ce jour-là, comme la logique l’aurait voulu, on ne parlerait peut-être plus de moi à l’heure qu’il est ».

C’est tout le contraire qui s’est produit: à l’exception d’un match contre… Bruges pour lequel il était suspendu, Alexandre Bryssinck a répondu à tous les rendez-vous des Loups. « On prétend souvent que la deuxième saison, celle de la confirmation, est la plus dure. J’ai passé l’examen avec distinction ». Hormis son maiden-match en Coupe de Belgique, une rencontre lui a marqué l’esprit: la victoire au Standard, la saison dernière. « Je ne suis pas près de l’oublier. Nous gagnions 0-1 à la mi-temps, nous avons doublé l’écart après la pause et malgré le forcing liégeois, nous n’avons concédé qu’un but et résisté jusqu’à la fin. Le public de Sclessin nous a applaudis à notre rentrée au vestiaire. Nous avons battu deux fois le Standard la saison dernière, mais le succès conquis en bord de Meuse demeure le plus beau ».

Si Alexandre Bryssinck a disputé 33 des 34 matches de la saison dernière, cela signifie aussi qu’il a pu se préserver des cartons jaunes. « J’en ai écopé de quatre exactement », précise-t-il. « C’est ma moyenne annuelle: c’était le cas, aussi, la saison précédente. J’essaye, effectivement, d’être un défenseur propre. Je dois, bien sûr, me faire respecter car c’est le but du jeu, mais je m’efforce de jouer le ballon ».

Prof de maths

Alexandre Bryssinck est un pur produit de La Louvière. « Je me suis affilié à la RAAL à 9 ans. L’équipe Première évoluait à l’époque en D3: il y avait des joueurs comme Michel N’Gonge,Kevin Pugh et… Frédéric Tilmant, qui m’en parle parfois et me demande si je me souviens de tel ou tel match. Mais, à vrai dire, je ne me rappelle pas de grand-chose. Je ne prêtais pas beaucoup attention aux performances du noyau A. Le football me plaisait surtout parce qu’il m’offrait l’occasion de jouer avec mes copains. Je n’avais jamais envisagé de devenir professionnel. Parfois, lorsque je passais à côté des joueurs de l’équipe Première, je confiais à mon père qu’un jour, j’aimerais en faire partie. Mais de là à évoluer en D1 avec mon club de toujours… »

Fort de sa réussite sur le terrain, Alexandre Bryssinck a pris le risque d’arrêter ses études, voici six mois. « Il y a deux ans, j’avais commencé une première candidature en maths, à Mons. A cette période-là, je ne jouais pas encore en D1. Mes premiers examens, à Noël, s’étaient bien passés. A partir du moment où j’ai intégré le noyau A et où j’ai dû participer à tous les entraînements, il en a été tout autrement. En mars, j’ai craqué: je n’en pouvais plus. Un professeur m’a encouragé à continuer, parce que j’étais un bon élève. J’ai essayé de recommencer l’an passé, mais c’était peine perdue. Concilier sport et études de haut niveau est trop difficile. Quand on doit s’entraîner à 10 et 15 heures, et ensuite devoir relire les notes d’autres élèves pour essayer de comprendre un cours auquel on n’a pas pu assister, la réussite relève de la gageure. Peut-être, un jour, reprendrai-je les études si cela marche un peu moins bien pour moi en football, mais pour l’instant, j’ai fait le choix de vivre de ma passion et je ne le regrette pas ».

Un choix qui a été diversement apprécié par ses parents. « Maman a eu du mal à l’accepter », explique Alexandre. « Le football, ce n’était pas vraiment sa tasse de thé. Elle vient d’ailleurs très rarement me voir jouer. Seulement en toute fin de saison, lorsque l’équipe est sauvée et qu’il n’y a plus aucun enjeu. Elle se contente de me demander des nouvelles lorsque je rentre à la maison. Dans le cas de mon père et de mon frère, c’est un peu différent. Ce dernier, de quatre ans mon cadet, a également joué à La Louvière mais a dû arrêter le football à la suite de problèmes de croissance. Il vient à peine de reprendre à Houdeng. Papa, qui est gérant de banque, a joué au football à un niveau très modeste et a également été entraîneur d’un petit club de Provinciale. Il était partagé entre deux sentiments. Il souhaitait que je poursuive mes études, mais me disait aussi: -Si, un jour, le football te permet de payer le loyer de ton appartement, pourquoi pas? Mais il n’imaginait pas que je puisse jouer en D1. Moi non plus, d’ailleurs. Quand j’étais petit, je voulais devenir prof’ de maths. J’imaginais éventuellement de jouer en D2 ou en D3, mais pas plus haut. J’ai commencé à y croire lorsque j’ai intégré le noyau A, il y a deux ans. Je me suis alors progressivement fixé des objectifs, toujours un peu plus élevés. D’abord, prendre place sur le banc. Puis, jouer quelques minutes. Jusqu’à ce que le rêve d’une titularisation se réalise. J’ai signé mon premier contrat professionnel en janvier 2001. Il y a un an et demi, donc ».

Allergique à la défaite

Quelles qualités ont-elles permis au jeune Loup de s’imposer? « Ma volonté et mon envie de progresser, selon moi. Dans les jeunes, je n’étais pas spécialement au-dessus du lot. J’étais un battant. Cela m’a servi. Il y a sans doute beaucoup de joueurs plus talentueux que moi qui ont échoué parce qu’il leur manquait le caractère. Je dois sans doute avoir d’autres qualités aussi, car la volonté seule ne suffit pas, mais l’une de mes caractéristiques est de donner toujours le maximum. Je ne supporte pas de perdre. Quel que soit le jeu auquel je participe. Lorsque j’affronte mon frère au tennis, je lui donne toujours du fil à retordre. En principe, pourtant, il est plus fort que moi car il prend des cours, mais je m’arrache sur toutes les balles. Et lorsqu’il me bat, il ne doit plus m’adresser la parole de toute la journée. Lorsque j’affronte un joueur qui m’est supérieur, j’y trouve une motivation supplémentaire. En football comme dans d’autres joueurs. Si quelqu’un me dit, avant un match: -Contre celui-là, tu n’as aucune chance!, c’est la meilleure manière de me motiver. Je monterais sur son dos pour l’arrêter ».

La place d’arrière droit, qui est désormais la sienne, il l’a découverte en D1. « Chez les jeunes, j’évoluais au libero », rappelle-t-il. « Mais j’étais beaucoup trop inexpérimenté pour occuper ce poste parmi l’élite. Lorsque j’ai intégré le noyau A, et déjà en Réserve, on m’a fait glisser sur le flanc. Ce rôle me plaît beaucoup. Je m’y suis directement senti à l’aise. J’adore arpenter le couloir, alterner le travail défensif et offensif. Mes prestations ont dû être appréciées, car j’ai résisté à tous les changements d’entraîneurs. J’ai déjà travaillé avec Marc Grosjean, Daniel Leclercq et maintenant Ariel Jacobs. Tous préconisaient un style de jeu différent: 4-4-2, 4-3-3 et 5-3-2. Et tous m’ont accordé leur confiance. C’est l’une de mes grandes fiertés ».

Des adversaires qui lui ont posé des problèmes, en D1? « Pas vraiment. Lorsque j’ai débuté en D1 contre Bruges, j’ai d’abord été opposé à Andres Mendoza, puis à Ebou Sillah. Je me souvenais que ce dernier avait réussi un festival lorsque je l’avais affronté en Réserve précédemment, mais cela ne m’a pas perturbé. Lors de notre victoire au Standard, la saison dernière, j’ai sans doute réalisé l’un de mes meilleurs matches contre Almani Moreira« .

C’est contre… Bruges, dans dix jours, que La Louvière entamera le nouveau championnat. « Affronter les Flandriens me procurera toujours une sensation particulière », confie Alexandre Bryssinck. « C’est contre eux que j’avais débuté en D1. C’est contre eux, aussi, que j’ai dû purger mon unique match de suspension. Il se passe à chaque fois quelque chose lorsque les Blauwzwart se présentent dans les parages ».

Beaucoup d’observateurs s’attendent à une saison difficile des Loups. De nombreux joueurs, et en particulier les gros salaires, ont dû quitter le Tivoli. Les nouveaux arrivants n’ont pas encore assis leur réputation. Alexandre Bryssinck est loin d’être aussi pessimiste. « Nos supporters se posaient aussi beaucoup de questions lors des premiers matches amicaux », constate-t-il. « Mais je crois que nous ne tarderons pas à lever les doutes. Nous nous sommes déjà sauvés deux fois, nous le ferons une troisième fois… puis une quatrième, et une cinquième. Nous formons un groupe jeune, certes, mais très motivé, et bien entourés par les anciens qui sont restés. L’ambiance est excellente. Nous effectuons une très bonne préparation sous la houlette de notre nouveau préparateur physique français Arnaud Laly. C’est différent des années précédentes. Nous n’avons jamais été courir au bois. Tous les exercices s’effectuent sur le terrain, en fonction de tests d’anaérobie, ou en salle de musculation. Pour l’instant, c’est dur, mais les efforts que nous fournissons actuellement ne tarderont pas à porter leurs fruits. Je crois que La Louvière en étonnera plus d’un cette saison ».

Alexandre Bryssinck s’est fixé des objectifs qu’il juge raisonnables. « Pour l’équipe, je trouve qu’une 10e place serait bonne à prendre. Elle ne me paraît pas hors de portée. Personnellement, j’espère jouer autant de matches que la saison dernière… et gagner ma place chez les Espoirs. Une convocation m’est déjà parvenue pour le match amical en Pologne. Elle m’a procuré un immense plaisir, car dans les catégories inférieures, je n’avais jamais été repris en équipe nationale ».

Daniel Devos

« On se sauvera une troisième fois… »

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