50 degrés

Le Paraguayen (25 ans) semble être techniquement le meilleur défenseur brugeois mais il a encore beaucoup à prouver.

A ntolin Alcaraz est l’une des cinq nouvelles recrues du Club. Le Paraguayen a d’emblée remarqué la différence entre une préparation à la portugaise et celle au rythme plus soutenu de Bruges.

Racontez-nous votre jeunesse…

Antolin Alcaraz : Je suis né à San Roque Gonzalez de Santa Cruz, à 90 km d’Asunción. Lorsque j’avais deux ans, ma famille a déménagé vers la capitale où j’ai grandi. Mon père avait un petit commerce de vêtements. Nous étions six enfants : trois filles et trois garçons. Seule ma petite s£ur réside encore à la maison, tous les autres sont mariés et habitent encore au Paraguay. Je suis le seul voyageur. Enfant, je n’ai jamais joué en club, seulement avec des amis. Au Paraguay, il manque de l’argent pour donner des structures solides au football. Nous n’avons pas vraiment une culture du ballon rond et très peu de vrais spécialistes de l’entraînement ou de la formation. A 16 ans, je me suis inscrit dans un club, Teniente Farina, mais ne cherchez pas, c’est une très petite entité et c’était plus pour le fun.

Connaissez-vous Enrique Villalba ? Un attaquant qui joua en 1979 à Anderlecht ?

Non, je n’étais même pas né ! Villalba est un nom courant dans mon pays. Le foot pour moi au Paraguay c’était accessoire mais apparemment j’avais assez de talent pour être repéré par un très bon club de D1 argentine, le RC de Avellaneda. J’avais 17 ans et j’ai pu loger chez un oncle qui habitait Buenos Aires. Je me suis aisément adapté. J’y avais des amis, parlais la même langue, baignais plus ou moins dans la même culture… Seul le climat me posait des soucis : au Paraguay, il fait tout le temps chaud, en été jusque 50 degrés ! A Buenos Aires, il peut faire froid. Et puis il a fallu m’adapter au foot argentin : plus rapide, on peut le comparer au niveau européen. Ce n’était pas évident mais j’ai appris vite.

La faillite de la Fiorentina

En 2002, vous avez débarqué en Europe, à la Fiorentina.

Ce club recherchait en Argentine des jeunes talents à prix abordable, m’a remarqué et était intéressé. Seulement, j’ai atterri au plus mauvais moment à Florence car l’été suivant, le club était en faillite. Je n’y suis resté qu’un mois et brusquement les portes semblaient se refermer pour moi. Des moments difficiles : je rêvais d’une carrière pro, j’avais mon amie argentine qui m’avait suivi en Italie mais sportivement nous étions dans l’incertitude. Sans les problèmes financiers de la Fiorentina, j’y serais peut-être encore. Contraint et forcé, je dus retourner au Paraguay, où je n’ai pas joué pendant 5 mois.

N’étiez-vous pas frustré ?

Non, à quoi sert-il de se lamenter ? La chance n’était pas de mon côté. Comme je devais attendre janvier parce que le marché des transferts était clôturé, le problème fut surtout de rester physiquement à niveau.

En janvier 2003, vous avez déménagé au SC Beira-Mar, au Portugal. Un club qui fait l’ascenseur entre la D1 et la D2 portugaise.

On m’avait dit que c’était une bonne équipe, l’idéal pour reprendre le rythme. Ce n’était pas le top niveau, je le savais et cela s’est avéré (il rit). Mais j’ai pu y relancer ma carrière. Je me suis fâché avec mon manager qui m’avait fait signer pour 4 ans et demi. Même à 21 ans, c’est beaucoup trop long. Plus de trois ans dans un club, c’est très long. La routine s’installe, on connaît tout le monde, la manière de travailler, l’environnement. Et j’avais vite compris que le club ne trusterait pas les trophées. Les joueurs avaient un grand c£ur mais on luttait chaque année contre la relégation, qu’on n’a pu éviter la saison dernière. Attention, tout n’y était pas négatif pour autant. J’ai apprécié la compagnie de mes coéquipiers brésiliens, je me suis adapté à la manière de jouer en Europe. Au début j’ai souffert physiquement. C’était une manière pour moi de progresser, mais je reste persuadé que je suis resté trop longtemps dans ce club.

 » Au Portugal, on parlait surtout du Standard  »

La première année à Beira-Mar, vous n’avez disputé que 7 rencontres…

Oui, mais c’était déjà bien étant donné mon retard physique et le fait que je n’avais signé qu’en janvier. A partir de la saison suivante j’étais dans le onze de base sauf blessure ou suspension. J’ai marqué quelques goals par saison, le plus souvent de la tête. Je jouais régulièrement à gauche de la défense, bien que je sois droitier. C’était un choix de l’entraîneur et je me débrouille bien du pied gauche aussi. Dès ma 3e saison je fus promu capitaine de l’équipe. Nous n’avons guère été très compétitifs car la différence avec les grands clubs était trop importante, aussi bien physiquement que techniquement. Chaque année, des entités plus huppées montraient de l’intérêt pour moi mais Beira-Mar demandait trop d’argent. J’aurais dû insister plus et partir.

Ce brassard de capitaine reflète-t-il des qualités de leader ?

Je l’ignore. Je trouve que tout le monde sur le terrain doit être un leader et doit beaucoup parler. Le capitaine a plus de poids en dehors du terrain, lorsque certaines choses doivent être réglées. Mais sur la pelouse, nous sommes tous au même rang. A Beira-Mar, j’étais là depuis longtemps et j’assurais en quelque sorte le relais entre les Sud-Américains et les Portugais. Il y a presque toujours eu une moitié de Brésiliens dans l’équipe, vu la similitude linguistique. Mais les dernières années, il y avait davantage d’Européens de l’Est, des Croates, etc.

Parlez-vous sur un terrain ?

Oui, beaucoup. Je trouve par contre très traumatisant de ne pas encore savoir m’exprimer dans votre langue. Pour l’instant je fais appel à l’anglais. En ce moment, on dirait que tout le monde se comprend mais moi je n’ai que Daniël Chavez, le Péruvien, pour parler. Tout cela est temporaire, car nous recevons des cours de langues.

Connaissiez-vous le Club Bruges ?

Oh oui. On suit le foot européen et donc j’avais déjà remarqué ce nom. Au Portugal, la presse couvrait évidemment davantage le Standard. Je ne connaissais pas grand-chose à propos de la Belgique alors que Bruxelles représente tout de même une ville importante. J’avais des nouvelles des Argentins d’Anderlecht. J’ai demandé des informations sur le Club Bruges et on m’a dit que c’était une valeur sûre du championnat. Les moins bons résultats de l’an dernier ne me font pas peur.

Le niveau est-il plus élevé qu’au Portugal ?

On travaille surtout plus dur et plus longtemps. Le fait que nous soyons 26 dans le noyau, cela ne change pas. A Beira-Mar, nous étions souvent 30 et même plus. Une année, nous étions 33 avec 11 nationalités différentes, c’est vous dire. Moi je parle avec ceux qui m’adressent la parole, comme Chavez. Pour l’instant je partage le même hôtel que Stepan Kucera en attendant que le club nous loge dans un appartement proche du stade.

Que pensez-vous de votre premier match ? L’entraîneur vous a posté au milieu de terrain.

Cette position n’est pas très importante. Je pense qu’il l’a fait pour que je coure davantage, c’est la différence avec un poste de défenseur. J’en ai besoin car je sens que physiquement je suis en retard par rapport aux autres.

par Peter T’Kint

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