5 raisons de le virer

1 Les mauvais départs dans les campagnes de qualification obligent les Diables Rouges à courir derrière les événements.

La Belgique a souvent eu des campagnes de qualification difficiles. La vérité, pour les Coupes de Monde 1986, 1998 et 2002 passa par des matches de barrage. Après le rendez-vous japonais, éprouvant mais clôturé brillamment face au Brésil, il n’était pas évident de succéder à Robert Waseige. Aimé Anthuenis rata son premier match éliminatoire pour l’EURO 2004 contre la Bulgarie (0-2). La suite fut une éreintante course-poursuite qui se termina sur un échec et une absence au Portugal. Il y a deux ans, AA avait pris la place délaissée par Robert Waseige dans l’urgence.

Cette fois, l’excuse du manque de temps ne tient plus la route. Problèmes ou pas, ce groupe a été longuement façonné par Aimé Anthuenis et est donc à son image. Or, les premiers pas vers l’Allemagne ont été décevants et inquiétants lors de la visite de la Lituanie à Charleroi (1-1). Ce nul sera plus difficile à digérer que la déception bulgare. L’inquiétude générale, et certainement au top de l’Union Belge, est plus angoissante qu’il y a deux ans. Le voyage en Espagne sera celui de la lueur d’espoir, d’une nouvelle course derrière les événements, ou d’un déclin définitif qui portera la marque de l’actuel coach fédéral.

2Emile Mpenza est indispensable. Son retrait de l’équipe nationale fut acté sans chercher à en comprendre la raison. La fédération n’a envoyé une délégation que la semaine passée à Hambourg.

Un attaquant belge possède les qualités requises au sommet : Emile Mpenza. Il n’a pas toujours eu le rendement espéré. Ses blessures le privèrent du voyage en Asie et d’autres rendez-vous des Diables. Aimé Anthuenis mit pourtant sur pied un triangle offensif intéressant : Wesley SonckThomas Buffel-Emile Mpenza. Hélas, Emile fut freiné par de nouveaux pépins. Sans lui, les Diables étaient privés de présence à la pointe de l’attaque où Wesley Sonck est efficace quand il tourne autour d’un baroudeur. Emile retrouva la forme au Standard mais décida de prendre du recul par rapport à l’équipe nationale. Selon ses parents, il n’a jamais affirmé un désir de la quitter définitivement. Aimé Anthuenis n’a pas essayé de comprendre cette attitude. Pourquoi ne s’est-il jamais rendu à Hambourg, surtout quand Emile déclara qu’il n’aurait jamais pris cette décision si Georges Leekens était encore coach fédéral ?

En 1971, Raymond Goethals réintégra Paul Van Himst en équipe nationale après sa bouderie mexicaine. Georges Leekens en fit de même pour Marc Wilmots après la colère américaine du Hesbignon en 1994. Tous deux entraînèrent les Diables Rouges vers de grands succès. La fédération a réagi la semaine passée et une délégation a rencontré le joueur à Hambourg. Sans AA qui, quelques jours plus tôt, sur un plateau de la VRT, déclarait qu’il n’avait jamais téléphoné à Emile. L’Union Belge a pris le taureau par les cornes : une preuve par l’absurde que le fédéral n’est plus le grand maître du jeu ?

Absent sur ce coup, il a par contre souvent été vu en télévision, notamment le soir d’Anderlecht-Inter, toujours pour la VRT. Il faut croire que le job de coach national ne suffit pas à son bonheur ou n’est pas éreintant en Belgique.

3 Tactiquement, l’équipe cherche son credo et sa stabilité dans tous les secteurs.

Malgré deux ans de travail en 4-4-2, c’est la bouteille à l’encre dans toutes les lignes. Même si Tristan Peersman n’a jamais démérité, son maigre passé en D1 ne lui permet pas d’être indiscutable. N’aurait-il pas été plus sage de faire confiance à Frédéric Herpoel (malgré un match moyen en Allemagne) qui connaît l’équipe nationale sur le bout des gants ? Pourquoi ignorer Silvio Proto, brillant et constant dans son club depuis des mois ? En défense, Eric Deflandre est stable à droite, et la percée d’ Olivier Deschacht, à gauche, est évidente. Par contre, Aimé Anthuenis cherche le duo idéal au centre de ce secteur. Il a balancé entre la paire Timmy SimonsVincent Kompany et l’axe Timmy Simons- Daniel Van Buyten. Simons avait dépanné à ce poste au Japon mais, dans son club, Trond Sollied l’aligne le plus souvent en médian défensif. Blessé, il ne jouera pas en Espagne. Comment AArésoudra-t-il ce problème ? Philippe Clement y sera-t-il uni à Daniel Van Buyten ? Vincent Kompany sera- t-il lancé dans la ligne médiane ? Verra-t-on un couple Vincent Kompany- Daniel Van Buyten ?

Qui dirigera la man£uvre avec Bart Goor ? Quid de Walter Baseggio ? Pourquoi Stéphane Tanghe, qui brille à Utrecht, ne jouit-il que de peu de crédit en équipe nationale ? Mbo Mpenza doit-il être aligné sur le flanc droit ? Faut-il prévoir un deuxième pare-chocs style Roberto Bisconti ? Et il y a autant de problèmes à l’attaque où la complémentarité entre Wesley Sonck et Thomas Buffel n’est même pas visible au microscope alors qu’il aurait pu en être autrement avec Emile, Cédric Roussel ou une autre tour comme Luigi Pieroni même si ce dernier ne joue pas beaucoup à Auxerre. Ce n’est pas clair. Les chantiers de l’équipe nationale ne cessent de se multiplier comme sur nos autoroutes au lieu de se terminer.

4 Le discours du coach fédéral met en exergue des problèmes du football belge. Mais ce n’est pas son job.

Après avoir raté la qualification pour le Portugal, Aimé Anthuenis s’est transformé en comptable. Il a soigneusement noté le nombre élevé de joueurs étrangers présents dans les clubs belges. Même si le problème est évident, cela ressemblait à une excuse pour ses échecs. Ses confrères lui ont reproché de tenir un double langage. Que ce soit à Genk ou à Anderlecht, Aimé Anthuenis avait abondamment fait appel à des joueurs étrangers. Tous n’étaient pas des Bosko Balaban en débarquant chez nous. Les colloques et autres débats (comme la charte de bonnes relations entre coaches et arbitres) que le coach fédéral aime organiser ne sont pas de son ressort. Ce n’est pas son job mais bien celui du directeur technique de l’Union Belge : Michel Sablon.

En soulevant beaucoup de doutes, Anthuenis écorne inutilement la valeur des joueurs de son noyau. Or, c’est à lui, en priorité, de travailler, de tirer le maximum de troupes qui ne manquent pas de talent, de gagner, de se qualifier pour des phases finales. Quand Robert Waseige prit la succession de Georges Leekens, il positiva à fond, souligna les qualités du groupe et ne douta jamais des ressources du football belge. Beaucoup ont dès lors acquis une dimension plus évidente sur le plan international. Quel recul depuis lors ! Même si cela se termina par un clash avec la presse, la méthode de travail du technicien liégeois était plus tonique, volontariste, efficace, sans complexes. Il avait fait avancer le schmilblick.

A la longue, les réflexions globalement fatalistes d’Aimé Anthuenis se sont retrouvées dans une partie des médias, peu critiques à l’égard d’un homme par ailleurs sympathique, créant un climat général inutilement négatif. Son équipe ne pète pas le feu, ne surmonte pas ses problèmes par de la joie, de la foi, de l’enthousiasme, de la vie. On imagine le sort qui aurait été réservé à Robert Waseige dans de telles circonstances. Les joueurs et les coaches étrangers sont souvent étonnés par les éternels doutes des Belges à l’égard de leur propre football. Ce n’est pas le discours d’Aimé Anthuenis qui inversera la tendance…

5 Sous la direction d’Aimé Anthuenis, l’équipe nationale est souvent passée à côté de son sujet lors des matches décisifs.

Avant de se rendre en Espagne, l’équipe nationale a disputé 18 matches sous la direction d’Aimé Anthuenis. Lors de la campagne de qualification pour l’EURO 2004, les Diables Rouges ont décroché cinq victoires et un nul pour deux défaites. Dans l’ensemble, ce n’est pas mal, mais le poids des déconvenues fut important. Sur les quatre matches les plus importants (la double confrontation avec la Bulgarie et celles face à la Croatie), la Belgique ne nota qu’un succès et un nul : quatre points sur douze. Incapable de bien entamer les débats face à la Bulgarie (0-2), notre équipe fut étrillée sans pardon en Croatie (4-0) et ce voyage tourna au désastre. Francky Vandendriessche fut catastrophique dans la cage mais un sentiment s’était fait jour : les Diables Rouges avaient-ils totalement cerné le potentiel croate ? Pas sûr. En Bulgarie, par contre, la chance ne leur a pas souri avec un penalty évident commis sur Mbo Mpenza et que Pierluigi Colina fut le seul à ne pas voir (1-1).

En septembre 2003, la Belgique enleva son seul match décisif : 2-1 face à la Croatie. Trop tard. En matches amicaux, elle plia, entre autres, douloureusement face à la France (0-2), en Allemagne (3-0), contre la Turquie (2-3), et elle eut un sursaut d’orgueil aux Pays-Bas (0-1) et en Norvège (2-2). Le nul enregistré à Charleroi devant la Lituanie (1-1) est inquiétant. De grands pays ont certes entamé difficilement leur campagne de qualification pour l’Allemagne mais il ne sert à rien de regarder dans l’assiette du voisin pour s’excuser d’avoir raté un festin. Aimé Anthuenis n’a plus d’alternative : il doit réussir un match au sommet, en Espagne, et revenir avec au moins un point dans sa besace. Dans le cas contraire, les chances de qualification seraient fortement compromises. Il aurait le même problème que José AntonioCamacho au Real Madrid et Rudi Völler à l’AS Rome.

Pierre Bilic

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