4 LE COACHING

belgique: Pourquoi nos coaches n’intéressent pas plus l’étranger

Il y a quelques semaines, Ben van Lingen, l’adjoint hollandais de Dick Advocaat, le T1 des Diables, affirmait tranquillement :  » Les Pays-Bas ont souvent eu des générations très douées, plus fortes que ce qu’on voyait à l’£uvre en Belgique. Mais les Diables Rouges nous ont régulièrement surpris par l’une ou l’autre trouvaille tactique gagnante. J’avais beau les espionner, cela ne suffisait pas à prévoir leur coaching : c’était râlant.  »

Là, sans les citer, le fidèle lieutenant d’Advocaat faisait référence à l’art des Raymond Goethals, Guy Thys, Paul Van Himst, Georges Leekens et Robert Waseige.

Frans Masson s’est beaucoup multiplié pour relancer l’école des entraîneurs de l’Union belge, ex-Ecole du Heysel :  » Nos formations valent celles des pays voisins : ceux qui disent le contraire trahissent la vérité.  » Cet optimisme lui appartient car d’aucuns parlent quand même de laxisme, d’amateurisme et de bricolages à la belge. Exemple : n’a-t-on pas affirmé en son temps que Jean-Marie Pfaff avait reçu son diplôme après des pressions exercées par le Bayern Munich via ses relais à l’UEFA ?

Pour suivre les cours de la Pro Licence (diplôme reconnu par l’UEFA, indispensable pour pouvoir coacher un club pro), il faut être en possession du diplôme UEFA-A (100 h de formation : scouting, formation générale, organisation d’une semaine d’entraînement avant un match, préparation physique, lois du jeu, etc.). Le contenu des cours de la Licence pro a pour but de perfectionner l’analyse collective et individuelle des équipes et systèmes de jeu, l’organisation de son staff, la stratégie tactique, etc. Cette formation de 240 h est orchestrée autour de trois grands axes : théorie, pratique en milieu professionnel, trois stages à l’étranger.

Reste que le coach belge a mis du temps avant d’être (un peu) demandé outre-frontières…  » Nous ne sommes pas moins bons que les techniciens des grands pays étrangers « , souligne l’ex-Diable Rouge Alex Czerniatynski devenu coach.  » Mais les Belges n’ont pas de réseaux à travers le monde. En Afrique, entre autres, on retrouve à la tête de clubs et des équipes nationales des coaches parfois inconnus venus de France, des Pays-Bas, d’ex-Yougoslavie, du Brésil, etc. Ils travaillent aussi au Japon et en Chine depuis des années. Nous avons trop longtemps vécu en vase clos.  »

Czernia a raison : Emilio Ferrera s’est refait un moral en Grèce et Hugo Broos, prototype du coach casanier, affirme dé-sormais qu’il aurait dû tenter plus tôt sa chance en Turquie. Car le mouvement a été lancé depuis une vingtaine d’années avec (dans le désordre) Goethals, Eric Gerets, Georges Heylens, Urbain Braems, Walter Meeuws, Stéphane Demol, Henri Depireux, Jean Thissen, René Taelman, René Vandereycken). Pourquoi si peu d’expériences finalement ?

En 1985, pourtant, quatre entraîneurs de D1 ont voulu lancer un syndicat pour la promotion et la défense de leur profession. Mais le projet des Waseige, Leekens, Urbain Haesaert et Taelman ne dépassa pas le stade des bonnes intentions. Chacun retourne vite à ses soucis et ses ambitions : le monde des coaches belges loupa son ouverture internationale…

étranger: Les voyages forment les coaches, remember Goethals

Jeune coach, Goethals voyagea pour se perfectionner et passa un mois et demi à l’école de Joinville, en France, où Pierre Pibarot lui dévoila les principes de la défense en ligne dont on ignorait pratiquement l’existence en Belgique. Cette trouvaille fut la clef de sa réussite à Saint-Trond. Plus tard, à Cologne, il participa aux stages mis sur pied par Hennes Weisweiler, l’entraîneur du Borussia Mönchengladbach. L’£uvre de sa vie fut de remporter la C1 à la tête de l’OM en 1993.

Georges Heylens a suivi des séances de travail dans des conditions différentes en France :  » Quand je suis arrivé à Lille, les entraîneurs de L1 ont contesté l’équivalence des diplômes. Ce problème ne m’a pas empêché de suivre en tant qu’invité, les stages d’une semaine des entraîneurs français où j’étais parrainé par Michel Hidalgo ou Arsène Wenger. J’ai beaucoup progressé en France. En Belgique, j’ai plus ou moins appris mon métier sur le tas mais, là, j’ai étudié mon job, j’ai tout perfectionné : physique, tactique, formation, coaching et lancement des jeunes. Georges Boulogne, le Directeur technique national modernisa la méthodologie de l’enseignement aux entraîneurs et de leur formation dès les années 70, imposa plus tard la mise en place de centres de formation dans tous les clubs de L1, etc. Tout est plus sérieux et surtout bien structuré, mieux suivi et très pointu en France. Là, les coaches s’intéressent à toutes les facettes du métier, sont au courant de ce qui se passe partout, partagent le fruit de leurs expériences. Ils sont plus complets. J’ai discuté dernièrement durant plusieurs heures avec des techniciens français et j’ai été sidéré. Ils s’intéressent déjà à ce que pourrait être le football dans 20 ans. Ici, les coaches n’ont pas le loisir de s’élever au-dessus du débat car ils ont le nez dans le guidon. Un entraîneur sort du lot en Belgique : Laszlo Bölöni. Ce n’est pas un hasard s’il a appris son métier en France en n’évitant aucune étape (diplômes, centres de formation, L2, L1).  »

Si les cours sont désormais comparables en gros à ce qui se passe à l’étranger, les choses sont mieux organisées en Allemagne, aux Pays-Bas ou en France. Gerets et Marc Wilmots ont respectivement décroché leur Pro Licence aux Pays-Bas et en Allemagne. Wilmots a obtenu ses diplômes UEFA B (pour entraîner les jeunes) et UEFA A (coacher des seniors, à l’exception de clubs professionnels) avant de réussir sa Pro Licence en Allemagne.  » Mes deux diplômes belges m’ont offert une bonne base et j’ai appris des choses intéressantes, notamment pour bien travailler avec les jeunes « , souligne Wilmots.  » J’ai opté pour la difficulté en suivant la Pro Licence en Allemagne, à Cologne : cours intensifs durant 16 semaines (du lundi au jeudi, le vendredi et le week-end étant consacré à son club, au championnat, etc.) et un stage de 4 semaines à l’étranger, aux Girondins de Bordeaux dans mon cas. Toutes les facettes de notre métier sont analysées en profondeur. Et c’est nécessaire car un joueur n’imagine pas tout ce qui l’attend en tant que coach. Matthias Sammer gère cette école. J’ai bûché et présenté mes examens en allemand. Il y avait 30 élèves dans mon année. Le niveau de ces passionnés était très élevé. Je suis fier d’avoir décroché ma Pro Licence avec une cote de 2,2 : 1, c’est la classe mondiale et 2, c’est très bien.  »

En France, l’Unecatef (Union nationale des entraîneurs et cadres techniques du football français) propose, pour décrocher un DEPF (diplôme d’entraîneur professionnel de football), un cursus comparable à celui prôné par l’école fédérale des entraîneurs de l’Union belge : 150 heures de cours (préparation athlétique, technique/tactique, commu-nication, psychologie/management,gestion/administration, vidéo), stage d’une semaine complète dans un club étranger, etc. L’Unecatef donne des nouvelles de tous les entraîneurs et les épaule. En Belgique, les coaches sont plus seuls et doivent créer leur propre réseau.

par pierre bilic

C’est en étudiant à l’étranger que Raymond Goethals a jeté les bases de ses glorieux succès.

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