4 ans à Lyon, ça USE

L’arrière droit des Diables Rouges explique pourquoi il délaisse Lyon au profit du Standard.

Il n’y a plus de mystère, puisque le principal intéressé l’a lui-même révélé : Eric Deflandre, en fin de contrat à Lyon, défendra les couleurs du Standard au cours des trois prochaines années.

Un beau chapitre de votre carrière est en train de s’achever : encore un mois et demi, et vous quitterez Lyon ?

Eric Deflandre : Effectivement. Revenir en Belgique, et plus précisément au Standard, c’était un choix personnel. Beaucoup de gens en ont été étonnés. Lyon aurait voulu me faire resigner, mais il était trop tard. Le président Jean-Michel Aulas m’a avoué qu’il était très déçu de ma décision de quitter le club. Il ne s’y attendait pas, car j’étais bien intégré. C’est vrai que je me suis très bien adapté et que j’ai vécu quatre belles saisons à Lyon, mais depuis l’arrivée de Paul Le Guen comme entraîneur, j’éprouve des difficultés à accepter certains choix. En ce qui me concerne, j’ai envie de jouer tout le temps. Je sais que ce n’est pas envisageable dans une équipe comme Lyon et que, de surcroît, je suis encore logé à bonne enseigne par rapport à d’autres dans le domaine du temps de jeu. Cette saison, j’ai disputé 22 matches de championnat sur 34 et j’ai participé à sept matches de Ligue des Champions sur dix comme titulaire. C’est un succès : j’ai été titulaire lors de deux matches sur trois. Ce n’est pas le principe de la tournante qui me pose un problème. Des joueurs comme Vikash Dhorasoo, qui vient de signer à l’AC Milan, et même Giovane Elber, Peguy Luyindula, Eric Carrière ou Juninho, ont tous fait, à leur tour, la connaissance du petit banc. Ce n’est donc pas une honte d’être remplaçant de temps en temps. Les places sont très chères à Lyon. On a un noyau très étoffé et l’entraîneur doit faire une sélection parmi 25 joueurs qui sont tous des titulaires potentiels. C’est logique. Mais je suis envahi par un mauvais pressentiment. J’ai comme l’impression que je serai le second choix au poste d’arrière droit la saison prochaine. Cela aurait déjà pu être le cas cette saison-ci, avec l’arrivée d’Anthony Réveillère, mais on m’avait assuré qu’il évoluerait au poste d’arrière gauche et on a tenu parole… en début de saison. Pendant les 12 ou 13 premiers matches de championnat, j’ai effectivement évolué à droite et lui à gauche. Cela s’était très bien passé. Puis, le jeune Jérémie Berthod a explosé à l’arrière gauche. Le dilemme s’est posé à Paul Le Guen, qui a fait glisser Anthony Réveillère à droite. Je me suis retrouvé sur la touche pendant cinq ou six matches, puis une blessure m’a empêché de défendre mes chances. Lorsque je suis revenu, j’ai éprouvé énormément de difficultés à récupérer ma place, alors que j’avais donné ample satisfaction jusque-là. Anthony Réveillère s’est affirmé à droite et j’ai bien senti que cela lui plaisait mieux. Il l’a, d’ailleurs, déclaré dans les journaux. Anthony Réveillère est un transfert voulu par l’entraîneur, qui le tient en très haute estime, et je crains qu’il cède à ses desiderata la saison prochaine. D’autant qu’il est international français et qu’on ne laisse pas facilement un joueur de son statut sur la touche. Je n’ai pas envie de faire la saison de trop à Lyon.

Le choix du c£ur

Pourquoi le Standard ?

D’abord, c’est le choix du c£ur. J’avais envie de retourner dans la région liégeoise pour jouer au football. C’est un club qui m’attire énormément pour tout ce qu’il représente et pour la ferveur de ses supporters. J’ai aussi envie de relever le défi de ce club, qui court derrière son passé. Les dirigeants liégeois m’ont clairement affirmé leurs ambitions pour les saisons à venir. Pouvoir aider le club à retrouver son lustre d’antan constitue pour moi une belle motivation. Financièrement, j’ai consenti des sacrifices en décidant de revenir en Belgique, mais peu importe. Ce n’est pas l’essentiel à mes yeux. J’ai eu la chance d’évoluer pendant quatre ans dans le club qui possède le plus gros budget de France. J’ai très bien gagné ma vie durant cette période. Aujourd’hui, je privilégie d’autres valeurs.

Les premiers contacts avec le Standard datent du mois de décembre.

Bien avant cela. J’étais en contacts avec le Standard depuis un an et demi. A ce moment-là, déjà, les dirigeants liégeois auraient voulu m’attirer chez eux, mais j’étais toujours sous contrat à Lyon. Ils ont patiemment attendu que mon contrat arrive à échéance, et voilà. J’ai signé en mars, pour trois ans.

En principe, la transaction devait rester secrète quelques semaines encore. Pourquoi avez-vous vendu la mèche ?

J’aurais bien aimé garder le secret, comme on me l’avait demandé, pour ne pas perturber les joueurs en place au Standard et même pour moi, à Lyon, car lorsqu’on sait qu’un joueur va partir, on le considère généralement d’une autre manière. Mais, à force de chercher une maison dans la région de Tongres, certains ont fini par avoir la puce à l’oreille. Dans un premier temps, j’avais pensé qu’une personne du Standard avait parlé, mais apparemment, la fuite se serait produite au niveau d’une agence immobilière. Alors, lorsqu’un journaliste du Soir m’a téléphoné, je n’ai plus voulu nier l’évidence. A quoi bon ?

Premier plan à Sclessin

Le Standard est loin d’être assuré d’une participation à la Ligue des Champions, et n’est même pas certain de jouer la Coupe de l’UEFA. Cela ne vous ennuie pas ?

Non. J’espère évidemment que le Standard participera au moins à la Coupe de l’UEFA, mais si ce n’est pas le cas, ce sera pour une prochaine fois. Je ne suis pas venu pour jouer directement en Coupe d’Europe. Mais, endéans mes trois années de contrat, j’espère que j’aurai le plaisir d’y goûter. Le Standard est en train de revenir au premier plan. Cette saison, il a déjà montré beaucoup de bonnes choses. Il n’est plus très loin d’Anderlecht et de Bruges, et avec un peu plus de régularité, il devrait pouvoir rejoindre ces deux ténors. J’ai remporté un trophée avec tous les clubs pour lesquels j’ai joué, à l’exception du FC Liégeois où j’avais fait mon apparition en équipe Première un an après la victoire en Coupe de Belgique 1990. Ce serait malheureux si je terminais mon contrat au Standard les mains vides.

Voici deux mois, vous déclariez que vous aviez de meilleures propositions que celle de Sclessin…

C’était la vérité. J’avais des propositions de grands clubs étrangers, comme Fulham, Dortmund ou l’Espanyol Barcelone, mais je n’avais plus trop envie de vivre une nouvelle expérience loin de chez moi. Je suis un garçon très stable, qui a l’esprit de famille très développé, et une nouvelle aventure ne me tentait pas. Je veux être bien dans ma tête et jouer les premières places avec mon club. Depuis huit ans, j’ai toujours terminé premier ou deuxième. Je préfère jouer la tête en Belgique qu’être calfeutré en milieu de tableau en Angleterre ou en Espagne, même avec un gros contrat. Et puis, il y a la famille. Ma petite fille Whitney aura quatre ans en mai, et mon épouse et moi avons très envie d’avoir un deuxième enfant. J’aimerais aussi commencer à suivre des cours d’entraîneurs. Mon épouse aimerait trouver un emploi. Nous désirons construire notre maison. Tout cela m’a influencé. Et puis, je tiens beaucoup à rester titulaire, ne serait-ce que pour défendre mes chances en équipe nationale, qui me tient très à c£ur. Si je me retrouve sur le banc dans un club, fut-il prestigieux, je risquerais de ne plus être repris chez les Diables Rouges et cela me ferait mal au c£ur.

Votre carrière avait toujours suivi une courbe ascendante jusqu’ici : de Liège à Ekeren, d’Ekeren à Bruges, de Bruges à Lyon. A 30 ans, le moment est-il venu de redescendre ?

Je ne vois pas les choses de cette manière. En théorie, c’est vrai que passer de Lyon au Standard peut s’assimiler à un pas en arrière, mais en ce qui me concerne, c’est peut-être reculer sportivement pour mieux rebondir mentalement. C’est comme cela que, dans ma tête, j’envisage l’avenir. Quatre années à Lyon, cela use. C’est le professionnalisme poussé à l’extrême. On est en mise au vert quatre jours par semaine. Ces jours de séparation avec mon épouse et ma petite fille furent parfois difficiles à vivre. Par rapport à cela, je ne regrette pas du tout mon choix. Et je suis toujours ambitieux. Mes ambitions se situent simplement à un autre niveau. Aider le Standard à renouer avec le titre, après 20 années de disette, c’est aussi un beau défi. Au niveau de mes performances individuelles, je me sens toujours en pleine possession de mes moyens. Je me suis amélioré d’année en année et j’estime que je peux encore progresser.

Deux titres français

Que retiendrez-vous de vos quatre saisons à Lyon ?

Dans l’ensemble, ce furent quatre saisons formidables. J’ai découvert un très grand club, qui continue de s’affirmer, et je me suis très bien intégré. En quatre ans, j’ai disputé 91 matches de championnat et la saison actuelle n’est pas finie. J’ai aussi, disputé 25 ou 26 matches de Ligue des Champions. J’ai remporté deux titres de champion, peut-être un troisième bientôt, et une Coupe de la Ligue. J’ai participé pendant quatre années d’affilée à la Ligue des Champions. Je peux être fier de mon parcours. Lyon fut un super club pour moi et je me suis réellement épanoui. J’ai beaucoup progressé. Pendant deux saisons, j’ai travaillé sous la direction de Jacques Santini, qui est aujourd’hui le sélectionneur de l’équipe de France. Puis, pendant les deux saisons suivantes, ce fut Paul Le Guen. Des entraîneurs réputés, donc. Je n’aurais pas pu rêver mieux en partant à l’étranger. Tout au long de ma carrière, je pense avoir effectué les bons choix et ce fut encore le cas avec Lyon. Ce club n’avait jamais été champion avant que je débarque à Gerland et attendait un trophée depuis 28 ans. Aujourd’hui, il est devenu une valeur sûre au niveau européen. C’est une grosse équipe, avec de nombreux internationaux de plusieurs nationalités. Avoir fait mon trou parmi ce gratin me comble d’aise, moi le petit Belge. Je ne peux qu’être satisfait, car je n’en espérais pas autant.

Quelles sont vos chances de remporter un troisième titre d’affilée ?

La lutte sera serrée jusqu’au bout avec Monaco et le PSG. Depuis le mois de février, on a repris dix points aux Monégasques. Ces derniers avaient réalisé un superbe premier tour, alors que de notre côté, nous avons accueilli beaucoup de nouveaux joueurs : Anthony Réveillère, Mickaël Essien, Giovane Elber… Il a fallu un peu de temps pour que tout s’enclenche. Nous sommes montés en puissance, tout comme le PSG, alors que Monaco a concédé de nombreux partages durant la deuxième tour. La saison dernière, nous avions aussi été contraints à une course poursuite, de laquelle nous avons finalement émergé. Alors, pourquoi l’histoire ne pourrait-elle pas se répéter ? En outre, je constate qu’à ce jour, nous comptons neuf points de plus que l’an passé à la même époque. Même si cela ne se vérifie pas nécessairement au niveau des positions au classement, nous réalisons un meilleur championnat que l’an passé.

L’élimination de la Ligue des Champions, face à une équipe de Porto que l’on disait à votre portée, vous laisse-t-elle des regrets ?

Un peu. Nous avons très mal négocié le match aller au Portugal. Au retour, il fallait remonter deux buts, et pour ce faire, nous avons changé de tactique : nous n’avons joué qu’avec trois défenseurs. Nous avons été pris en contre. Mais il fallait prendre des risques. Porto est une équipe difficile à man£uvrer. Sur papier, on pouvait estimer que nous avions eu de la chance d’éviter le Real Madrid ou l’AC Milan lors du tirage au sort, mais lorsqu’on voit les résultats, on se dit qu’il aurait peut-être été préférable de défier l’une de ces équipes-là.

Si vous deviez retenir un seul match de votre période lyonnaise, lequel serait-ce ?

Sans doute celui contre le Bayern Munich, en Ligue des Champions, il y a trois ans. Nous avions gagné 3-0 et j’avais livré ce qui fut probablement le meilleur match de ma carrière. Je m’étais d’emblée senti très à l’aise. J’ai amené un but tout en effectuant mon boulot en défense. Mais l’intégralité de ma période lyonnaise demeurera un bon souvenir.

Daniel Devos

 » J’avais des propositions de Fulham, Dortmund ou l’Espanyol Barcelone  »

 » Relever le défi d’un Standard qui COURT DERRIÈRE SON PASSé « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire