38 de FIÈVRE

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Speedy a les nerfs : le banc, c’est tout nouveau pour lui.

La remarque vient d’un journaliste qui assiste chaque jour aux entraînements des Rouches, et tout le monde au club partage son avis :  » Le Standard ne regrette pas d’avoir transféré Danny Boffin en décembre parce que, même s’il ne joue presque pas, il a une mentalité exceptionnelle « .

Ça lui fait une belle jambe !

Danny Boffin : Oui, c’est sympa d’entendre que je suis un gars bien qui sait mettre de l’ambiance dans le vestiaire, fait le clown à l’occasion et ne se plaint jamais. Mais je veux être apprécié pour autre chose : pour ce que j’apporterais sur le terrain. Et à ce niveau-là, je ne peux évidemment pas être satisfait.

Non.

Si vous étiez resté là-bas, vous seriez sans doute titulaire chaque semaine ?

J’en suis sûr et certain.

Donc, vous avez commis une erreur !

Mais non. Il fallait absolument que je change d’air et j’ai trouvé ici une atmosphère très pure, dans un club hyper pro. Pour moi, c’était devenu irrespirable à St-Trond parce que tout tournait autour de moi. J’étais constamment le principal sujet de conversation dans le club et dans toute la ville. Toute ma vie privée était sans arrêt étalée sur la place publique et il y avait plein de mensonges : je jouais au casino, je buvais, j’allais divorcer, etc. Ce n’était plus tenable.

Est-ce l’explication de votre baisse de niveau spectaculaire à partir du mois de janvier 2003 ?

Des explications, il y en a beaucoup. Certaines purement sportives, d’autres extra-sportives. J’ai évidemment eu le plus grand mal à gérer le résultat du Soulier d’Or. Normal : tout le monde à St-Trond me disait qu’il était pour moi, et je n’ai quand même pas été le premier favori à connaître un creux après n’avoir pas reçu le trophée. Ensuite, il y a eu la finale de Coupe de Belgique perdue contre La Louvière : nous ne méritions pas de gagner le match du Heysel, mais sur l’ensemble de la campagne, c’est St-Trond qui aurait dû remporter le trophée. Après cela, nous avons connu une campagne de préparation chahutée, avec les blessures de plusieurs joueurs clés de l’équipe : Wouter Vrancken, Claude Kalisa, etc. Nous avons aussi été éliminés de la Coupe 2003-2004 dès le premier tour, par Bocholt. Tout cela, en plus des rumeurs qu’on racontait à mon sujet, des soucis de santé de mes enfants et de mes problèmes financiers, avec cet escroc qui m’a volé plus de 500.000 euros, c’en était trop et je ne pouvais plus être bon sur le terrain. Il fallait que ça explose dans ma tête et ça a explosé. Qui aurait résisté à autant de grosses claques en aussi peu de temps ? On peut réagir sereinement à un choc, éventuellement à un deuxième, mais quand ça s’enchaîne comme ça, il faut que ça craque.

Où en êtes-vous dans ce dossier d’escroquerie immobilière en France ?

Tout devrait s’arranger. Le type a reconnu ses fautes et j’ai bon espoir de récupérer mon argent.

 » J’ai reçu ma chance trop tôt  »

Ne regrettez-vous pas de ne pas avoir connu un club comme le Standard deux ans plus tôt ?

Peut-être. Après mon retour de Metz, j’ai connu à St-Trond les deux plus belles années de ma carrière. Je suis curieux de savoir ce que cela aurait pu donner dans une équipe comme le Standard. Mais je ne peux rien regretter car ce que j’ai vécu au Staaienveld était magnifique.

Aujourd’hui, vous êtes peut-être tout simplement trop âgé pour encore avoir votre place au Standard ?

Je conteste. Je vais avoir 39 ans en juillet mais je me sens toujours en pleine forme. Ce que j’ai fait pendant deux ans à St-Trond, je peux le refaire maintenant avec le Standard. Tout va mieux dans ma tête ; or, c’était à ce niveau-là que ça clochait depuis un an. Physiquement, je me sens toujours à 100 %. Et, mon football, je ne l’ai pas perdu du jour au lendemain. J’attends une vraie chance et je prouverai alors que je suis revenu à mon meilleur niveau. Aujourd’hui, il est beaucoup trop tôt pour faire le bilan de ma venue dans ce club.

On ne semble malheureusement pas persuadé de tout cela au Standard ?

Sans doute, puisque je joue très peu. J’ai été titularisé en championnat dès mon arrivée : contre Mouscron. La semaine suivante, j’ai de nouveau entamé le match à Lokeren. Après cela, j’ai dû me contenter d’un rôle de réserviste. A ma décharge, je n’étais pas prêt en janvier. Ce n’est jamais facile de débarquer dans une nouvelle équipe en cours de saison, je n’avais plus joué depuis deux mois, je ne connaissais pas le système et je ne jouais pas à ma place : c’est à gauche que je peux être le plus performant ici, mais le coach m’a aligné dans l’axe. Il me demandait de remplacer Almani Moreira : très difficile car nous n’avons pas les mêmes qualités, et en plus, Moreira est le phare de cette équipe. Dès qu’il n’est pas sur le terrain, ses coéquipiers se sentent un peu perdus. Il a, au Standard, la présence que j’avais à St-Trond. J’ai forcé et joué contre-nature pour essayer d’apporter ce qu’il avait l’habitude de donner à l’équipe. J’ai sans doute reçu trop vite ma chance. La tête était prête, mais pas le corps. Ce ne fut pas concluant, je l’admets.

Pourquoi étiez-vous resté sur la touche pendant vos deux derniers mois à St-Trond ?

Cela s’était fait de commun accord entre la direction, le staff technique et moi-même. Tout le monde voyait que j’étais perturbé et ils avaient proposé de me laisser souffler jusqu’en janvier. De mon côté, j’étais conscient que je n’apportais plus grand-chose à l’équipe et que je prenais, de façon illogique, la place d’un joueur à 100 %. Certains de mes coéquipiers estimaient que je devais rester sur la pelouse car ma seule présence les rassurait, même quand j’étais mauvais balle au pied. Mais, pour le bien de l’équipe, je pense qu’il valait effectivement mieux que je reste dans l’ombre, le temps de me refaire une santé mentale.

N’étiez-vous pas persuadé que vous auriez pu aider l’équipe du Standard quand elle enchaînait les matches nuls décevants ?

Quelque part, oui. Je me disais qu’il était peut-être temps d’essayer autre chose, d’injecter du sang frais dans cette équipe qui se cherchait. Mais bon, c’est toujours plus facile de juger depuis le banc que depuis la pelouse. Je ne veux pas tomber dans le piège de celui qui se croit indispensable.

 » J’ai envie de resigner : j’attends  »

Accepte-t-on plus facilement d’être réserviste à 39 ans qu’en début de carrière ?

Pas moi. On me dit qu’à mon âge et avec mon expérience, je devrais vivre les événements de façon plus détachée. Mais ça ne passe pas. Le banc, c’est tout nouveau pour moi et je ne parviens pas à m’y faire.

Aurez-vous toujours votre place en D1 la saison prochaine ?

Certain.

Vous avez une option pour 2004-2005, mais le Standard ne l’a pas encore levée !

J’attends. J’ai envie de rester.

On ne parle plus de Boffin mais on évoque Christophe Grégoire et Koen Daerden depuis plusieurs semaines !

Si j’ai peur de Grégoire ou de Daerden, je dois arrêter le foot. Or, je ne les crains pas du tout. Le Standard doit avoir un noyau large pour la Coupe d’Europe, et en plus, il risque d’y avoir pas mal de départs. Ivica Dragutinovic sera-t-il toujours ici dans six mois ? Et Roberto Bisconti ? Et Emile Mpenza ? Il est normal que la direction se concentre déjà sur des transferts entrants. Et qui peut dire avec certitude que les nouveaux joueurs seront capables de se faire une place dans l’équipe ? Quand ils débarqueront ici, ils auront encore tout à prouver.

Vous parlez de la Coupe d’Europe comme si c’était déjà dans la poche pour le Standard…

Pour moi, cela ne fait pratiquement aucun doute. Si ce n’est pas la Ligue des Champions, ce sera l’UEFA.

Que ferez-vous si le Standard ne veut plus de vous ?

Ma priorité, ce serait alors St-Trond. A choisir, autant retrouver ma région. Mais je n’ai aucune exclusive.

Seriez-vous prêt à replonger dans cette pression trudonnaire qui a eu raison de votre résistance nerveuse ?

Oui. Tout s’est bien calmé entre-temps. On y parle beaucoup moins de moi aujourd’hui.

Finalement, vous étiez bien tranquille à Metz…

C’est vrai que tout était très calme là-bas, mais je voulais partir, revivre autre chose. Je n’ai aucun regret. La pression, c’est bien aussi, à partir du moment où ça reste dans les normes. C’était chaud à Anderlecht également et cela me convenait très bien.

Quand vous étiez revenu de Metz, St-Trond vous avait promis une reconversion dans le club : cela tient-il toujours ?

Je pars du principe que ces gens n’ont qu’une parole. Ils n’ont sûrement pas oublié que, dès mon premier entraînement avec leur noyau, à mon retour de Metz, Marseille m’a fait une proposition incroyable. Les dirigeants de l’OM étaient prêts à venir me chercher dare-dare en avion privé, car le mercato allait se fermer. Je pouvais y aller puisque mon contrat à St-Trond n’était pas encore signé. Mais je n’ai pas voulu manger ma parole. Au Staaienveld, ils avaient beaucoup apprécié ma correction.

Pierre Danvoye

 » SI J’AI PEUR DE Grégoire ou de Daerden, je dois arrêter le foot « 

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