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MPH a été aux manettes du Standard entre décembre 2000 et mai 2008. Avec plein de temps forts. Retour sur 7 moments clés. Il n’y a pas eu que l’inoubliable titre de champion.

Son bonheur est simple comme un coup de fil. Un coup de téléphone que son interlocuteur, EtienneDelangre, nous raconte aujourd’hui.  » Michel Preud’homme m’a appelé, il venait d’atterrir du Portugal. Il avait loué une voiture à Zaventem et il devait la remettre dans un dépôt du loueur à Liège. Il avait besoin de quelqu’un pour le véhiculer jusqu’à son hôtel, puis au stade du Standard où il avait un rendez-vous. Il m’a téléphoné pour me demander si je pouvais le conduire. À l’époque, on était assez régulièrement en contact. Il m’avait proposé de faire du scouting en Belgique pour Benfica. Vu son retour précipité en Belgique, ça ne s’est finalement pas fait.  » C’est donc le jour 1 du premier retour de MPH dans son club formateur. Évocation de ses 7 années, 5 mois et 7 jours dans ses fonctions d’entraîneur et directeur technique.

Dites-moi, quel joueur du Standard pourrait avoir peur en pénétrant dans un stade de Sclessin plein à craquer ?  » – Michel Preud’homme

Moment 1 20 décembre 2000

Coup de tonnerre. On savait que le Standard cherchait un successeur à Tomislav Ivic, le T1 touché par des soucis cardiaques. Mais de là à rapatrier Michel Preud’homme ? Plusieurs éléments favorisent son retour. Il y a eu du changement dans la direction de Benfica et il se sent subitement moins bien dans son job de directeur des relations internationales. Son épouse a envie de rentrer en Belgique. Il est toujours resté en contact avec Luciano D’Onofrio. Et surtout, il souhaite retrouver l’action. Lors de sa présentation, il explique :  » Le terrain me manquait trop. Depuis un an et demi, j’ai surtout passé mon temps dans mon bureau et dans des avions. J’ai presque oublié la couleur du gazon.  »

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Peu de temps avant son retour, Ranko Stojic a évoqué dans la presse néerlandaise la possibilité d’intégrer Preud’homme dans son équipe de management de joueurs. Mais non, l’homme a envie d’autre chose. Il signe pour trois ans et demi. Et il va entraîner pendant une saison et demie, avant de se faire remplacer par Robert Waseige et de passer directeur technique.

Certaines méthodes de MPH étonnent. Par exemple, il autorise ses joueurs à boire un verre de vin lors des mises au vert. Il nous explique, un peu plus tard :  » J’avais quelques fameux cocos dans mon groupe : LaurentWuillot, IvicaMornar, Robert Prosinecki, Michaël Goossens. Je préférais qu’ils boivent un verre avec le staff plutôt qu’en cachette dans leur chambre. J’agissais contre nature mais c’était une bonne chose car tout ça m’a permis de recréer une ambiance dans le groupe.  » Il est resté aussi superstitieux qu’à son époque de joueur.  » Hors de question que je marche sur les lignes du terrain. Quand les journalistes installent le panneau d’interview de telle façon que je suis obligé de me poster sur une ligne, ils peuvent danser sur leur tête : je ne m’installerai pas aussi longtemps qu’ils n’auront pas déplacé le panneau.  » Lors de ses débuts d’entraîneur, il lui arrive encore de prendre place dans le but. Pas pour longtemps parce qu’il perd progressivement du muscle et devient forcément moins bon.  » Je veux laisser l’image que je donnais pendant ma carrière : ce ballon, je le prends ! C’est un peu comme les proches d’un mort qui ne veulent pas voir le cadavre, parce qu’ils veulent rester avec le seul souvenir de la personne qui était encore en pleine vie.  »

Des années plus tard, Ivica Dragutinovic nous lance :  » Je n’ai jamais compris pourquoi Preud’homme avait arrêté d’entraîner après un an et demi pour devenir directeur technique. Il avait vraiment réussi ses débuts, donc je n’ai pas capté.  » On posera la question à MPH, qui nous répondra :  » Je ne supportais plus de travailler avec des joueurs qui avaient une mauvaise mentalité. En devenant entraîneur, je n’ai pas retrouvé l’état d’esprit que j’avais connu comme joueur, avec des gars qui s’identifiaient à leur club. Il aurait fallu que je me fasse trop violence pour continuer à bien fonctionner comme entraîneur, donc j’ai décidé d’abandonner. En devenant directeur technique, j’ai pris du recul et le temps qu’il fallait pour commencer à accepter l’état d’esprit d’aujourd’hui.  »

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Moment 2 16 septembre 2002

Pour sa première saison (incomplète) comme entraîneur, Preud’homme a mené le Standard à la troisième place. Un an plus tard, le club finit cinquième. MPH choisit de se reconvertir en directeur technique. Robert Waseige fait son grand retour sur le banc de Sclessin. L’espace de cinq matches seulement. Il ne résiste pas à un départ calamiteux, le plus mauvais depuis près de 50 ans : un point sur quinze.

Le plus étonnant dans ce C4 est que Waseige a toujours le soutien des hommes qui gèrent le club au quotidien : le directeur Alphonse Costantin, Luciano D’Onofrio et Michel Preud’homme. Mais ils doivent s’incliner face à la décision du conseil d’administration.  » Un conseil d’administration virtuel, un module abstrait « , lance Robert Waseige dans la presse du lendemain. Il avoue qu’il ne connaît même pas ceux qui ont fait rouler sa tête : Robert Louis-Dreyfus et Reto Stiffler ( » Le président des montagnes suisses « , comme RW l’appelle). Ceux-là ne se présentent pas à la conférence de presse annonçant le limogeage du coach. Ils en laissent le soin à Costantin et Preud’homme, qui dit :  » Dominique D’Onofrio va assurer l’intérim. Ça peut être pour six jours, six semaines ou six mois. Je l’ai eu dans mon staff pendant un an et demi et ça s’est très bien passé. S’il n’est pas devenu entraîneur principal plus tôt, c’est uniquement parce qu’il porte ce nom de famille. Oui, je sais que c’est un raisonnement qui peut surprendre mais c’est comme ça.  » DD restera près de quatre ans à la tête de l’équipe.

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Moment 3 30 août 2006

Une dépêche de l’agence Belga :  » URGENT – Michel Preud’homme nouvel entraîneur du Standard.  » Trois jours après avoir annoncé que Johan Boskamp n’était  » pas menacé « , il reprend lui-même le poste. Et il dit :  » Je suis beaucoup plus fort que quand j’ai commencé ce métier en 2001. À l’époque, je venais d’arrêter ma carrière de joueur. Entre-temps, j’ai appris beaucoup de choses dans mon métier de directeur technique, j’ai passé mes diplômes et je me suis adapté à la nouvelle mentalité des footballeurs. Quand j’ai arrêté en 2002, j’étais soulagé, je ne voulais plus aller sur le terrain. Mais au fil des années, l’envie est revenue progressivement. Mon club avait besoin de moi et je ne pouvais pas refuser.  »

Il change complètement de vie. Il quitte son bureau dans le stade et il abandonne aussi ses casquettes à la fédération – vice-président, membre du comité exécutif et représentant du Standard à la Ligue Pro. Boskamp n’a pas résisté au départ raté en championnat et à l’élimination en préliminaires de la Ligue des Champions, contre le Steaua Bucarest. Il ne reste déjà plus rien de la deuxième place finale dans le championnat précédent avec Dominique D’Onofrio. Pour son deuxième mandat d’entraîneur, Michel Preud’homme va conduire le Standard d’abord à la troisième place, puis au titre de champion.

Moment 4 26 mai 2007

Michel Preud’homme peut gagner son premier trophée comme entraîneur. Le Standard affronte Bruges en finale de la Coupe. En championnat, les Rouches ont fait mieux que les Brugeois, ils sont aussi invaincus dans leurs confrontations directes. Les feux sont au vert. MPH fait des choix, il décide par exemple de ne pas inclure Milan Rapaic dans le groupe.  » Ce n’est pas agréable de devoir dire à un joueur pareil qu’il n’est pas dans la sélection pour une finale. Heureusement, en plus d’être un grand footballeur, Rapaic est un grand monsieur. Il a compris mes arguments et accepté ma décision. Comme directeur technique et comme entraîneur, je ne garde que des bons souvenirs de lui.  » Ricardo Sa Pinto n’est pas dans l’effectif non plus.

Il aurait fallu que je me fasse trop violence pour continuer à bien fonctionner comme entraîneur, donc j’ai décidé d’abandonner.  » – Michel Preud’homme à propos de la fin de sa première pige de coach

Au final, c’est une soirée noire pour le coach. Parce que Bruges marque le seul but du match, par Manasseh Ishiaku. Et parce que MPH passe presque toute la deuxième mi-temps en tribune. Joos Valgaeren intervient dans le rectangle sur Milan Jovanovic, l’arbitre ne siffle pas et ça rend Preud’homme furieux. Il a un clash avec le quatrième arbitre, qui explique tout au referee principal. Ce quatrième, Peter Jordens, en est au tout dernier match de sa carrière. Il dira, en fin de soirée :  » Je trouve que cette exclusion est dommage pour Michel, surtout qu’on a toujours eu une bonne relation. Mais je ne pouvais pas faire autrement, je devais signaler l’incident.  »

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Moment 4© BELGAIMAGE

En conférence de presse puis au retour à Liège, devant des supporters, Michel Preud’homme dit ce qu’il pense. D’abord  » Les circonstances du match étaient contre nous  » puis  » On voulait vous offrir cette Coupe mais certains ne l’ont pas voulu.  »

Moment 5 21 octobre 2007

Michel Preud’homme va retravailler avec Olivier Renard. Et ça nous rappelle une scène à laquelle on avait assisté un soir de Mons – Standard, dans le couloir des vestiaires, après le match. Renard ne s’excitait pas. Le ton restait posé. Mais le contenu, c’était de la dynamite.  » Je ne suis pas déçu, je suis dégoûté.  »

Le contexte. Le Standard est un TGV en début de saison. Olivier Renard a joué les sept premiers matches. Six victoires et un nul. Aucune boulette. Et il est dans le noyau des Diables. Il a sauté à cause d’une petite blessure, mais au moment de ce match à Mons, il est rétabli. Pourtant, il reste sur le banc. Et Aragon Espinoza reste dans la cage. Renard le vit très mal.  » Ça va être difficile de dire encore bonjour à certaines personnes.  » On sait de qui il parle.  » L’entraîneur m’a donné une explication mais je ne l’ai même pas écouté.  » Et il pique encore plus haut dans le club.  » Est-ce que la direction a fait pression pour qu’on laisse Espinoza dans le goal ? J’espère que non.  » Michel Preud’homme ne laisse pas passer le dérapage. Il suspend Olivier Renard pour un match et dit :  » C’est la punition du coach. Il n’a pas respecté les accords du groupe. J’ai déterminé des règles que tout le monde doit respecter.  » Mais la carrière liégeoise de Renard est terminée. En décembre, il file à Malines. Pas un prêt. Un transfert définitif. Le Standard sera champion sans lui.

Moment 6 20 avril 2008

Il y a eu quelques étapes et discours clés sur le chemin du premier titre du Standard depuis un quart de siècle. Pour Michel Preud’homme, tout commence dès les premiers entraînements de l’été. Il dit à ses joueurs qu’ils doivent croire au titre. Incrédulité dans le groupe et à l’extérieur. Quelques semaines avant le fameux match décisif à Sclessin contre Anderlecht, on commence à reprocher au Standard de ne plus développer son jeu habituel.  » Certaines personnes ont tout essayé pour nous déstabiliser. On a même consulté un astrologue qui a dit que le Standard ne serait finalement pas champion.  » La veille du match, MPH lâche :  » J’entends que le Standard est un peu dans le trou et que mes joueurs ont peur. Non, on n’a pas peur ! Dites-moi, quel joueur du Standard pourrait avoir peur en pénétrant dans un stade de Sclessin plein à craquer ?  »

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Le jour du match, il se réveille très tôt. Et il fait une prière.  » Dieu, s’il te plaît, offre-nous le titre. Parce que mes joueurs le méritent vraiment.  » La suite, c’est le 2-0 avec les deux buts de DieumerciMbokani, et les lauriers.  » Ce titre est plus beau que tout ce que j’ai gagné dans ma longue carrière de joueur « , avoue Michel Preud’homme.  » La route a été longue, avec beaucoup d’obstacles. Et ce qu’on a réussi, c’est un petit miracle.  » Un seul point noir pour cette saison-là, il nous l’avouera un peu plus tard :  » Mon plus grand regret est de ne pas avoir pu aller au bout en Coupe de Belgique. Le Standard avait une occasion unique de réussir le premier doublé de son histoire.  » C’est au match retour de demi-finale, contre Gand, que ça a foiré.  » Milan Jovanovic était incapable de jouer trois matches par semaine, Dieumerci Mbokani était suspendu. Il me restait un attaquant, Igor de Camargo, mais il est tombé malade la veille du match. Je n’avais plus personne devant. Si on s’était qualifiés, on était champions trois jours plus tard puis j’avais trois semaines pour retaper l’équipe en vue de la finale. Et là, dans notre état de grâce, tout était possible.  »

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Moment 7 27 mai 2008

Clap de fin. Prématuré mais on le sentait venir. Quelques heures après le titre, Michel Preud’homme, en fin de contrat, a reconnu que son avenir au Standard était flou.  » La direction veut attendre le mois de mai pour négocier, je respecte.  » Fin mai, il annonce son départ :  » J’ai l’impression qu’il n’y a plus de projet pour moi au Standard. Le club voulait que je reste pour qu’on se qualifie pour la Ligue des Champions et qu’on vise un nouveau titre, mais après ça, il n’y avait plus rien.  » Il y a aussi – et peut-être surtout – le fait que le Standard lui proposait seulement un an de contrat. À Gand, c’est un bail de trois ans qui l’attend.

En juin 2009, à l’occasion de son cinquantième anniversaire, on le rencontre pour lui poser des questions imaginées par cinquante personnes qui le connaissent très bien. Dominique D’Onofrio pose la question suivante :  » Tu ne regrettes pas de ne pas avoir signé le nouveau contrat que le Standard te proposait ?  » Réponse de MPH :  » Non. Quand je prends une décision, elle est toujours mûrement réfléchie et je l’assume. Au Standard, j’ai fait ce que j’avais promis à mon arrivée : ramener le club au top. En fin de saison passée, j’ai estimé mon travail terminé, j’estimais que d’autres pouvaient reprendre le témoin. J’ai donné à ce club tout ce que je pouvais : comme entraîneur, comme directeur technique, comme délégué du Standard à la fédération. En juin, il n’y avait plus de projet pour moi, donc je suis parti l’esprit tranquille.  »

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