Pierre Bilic

L’équipe nationale belge a disputé son premier match il y a un siècle, le jour du muguet.

Cette année-là, comme d’habitude, la Belgique et le monde marchent sur la tête. Cela tonne violemment sur les mers entre le Japon et la Russie qui veulent conquérir la Mandchourie et la Corée.

Un dramaturge écossais, Sir James Matthew Barrie, écrit son £uvre la plus connue : Peter Pan, le petit garçon qui ne voulait pas grandir. C’est le début d’un mythe. Saint-Louis accueille les Jeux Olympiques et l’Exposition Universelle mais ce n’est pas un succès. Sur les 680 athlètes présents, 500 sont Américains et Canadiens. Les champions européens ont été effrayés par le prix du voyage vers les Etats-Unis. Anton Tchekov, l’écrivain russe qui décrit tellement bien l’âme slave dans ses romans ( Oncle Vania, Les Trois S£urs, La Cerisaie… ) s’éteint des suites de la tuberculose tandis qu’un grossiste anglais, Thomas Sullivan, propose à ses clients d’utiliser de petits sacs de soie afin de préparer le thé du five o’clock. Au Vivier d’Oie, à Uccle, l’équipe nationale belge monte sur le terrain à l’occasion de son premier match officiel.

C’est un 1er mai. Le jour de la fête du Travail. Tout un symbole. La légende a cependant retenu qu’une équipe belge avait gagné la médaille de bronze lors des Jeux Olympiques de Paris en 1900. Ce tournoi est plus folklorique qu’autre chose. Le club champion en titre, le Racing de Bruxelles, est choisi afin de défendre le prestige belge mais se désiste car les organisateurs entendent opposer une équipe française de club différente à chaque formation étrangère inscrite.

La Belgique délègue finalement une équipe mixte composée de volontaires. Avant de mesurer à la France, le 23 septembre 1900, à Vincennes, le capitaine belge, Georges Pelgrims, se rend compte que son équipe ne compte que dix joueurs. C’est un spectateur, un certain Neefs, qui permettra aux Belges d’entamer le match à armes égales avec l’équipe de France. Spannhoghe et Van Heuckelum permettront de mener 0-2 avant d’être vaincus 6-2. Comme il n’y a que trois inscrits (Upton Park représente l’Angleterre), la Belgique décroche finalement une médaille de bronze, reprise dans la galerie des exploits du COIB alors que l’équipe nationale de football n’existe pas encore.

Le 28 avril 1901, le président du Beerschot, Fritz Van den Abeele organise une rencontre entre la Belgique et la Hollande mais sa sélection est composée d’éléments de son club et de joueurs étrangers, principalement des aristocrates anglais, militant dans des clubs de chez nous. Trois ans plus tard, les choses ont changé : les fédérations nationales sont désormais structurées. Un jeune homme d’affaires belge, Evence Coppée, adore le football et noue des contacts à Paris afin d’organiser un match entre la Belgique et la France. Il est immédiatement soutenu par un journaliste français, Robert Guérin, qui veut regrouper tous les pays pratiquant ce sport au sein d’un mouvement international, la Fédération internationale de football association.

Georges Quéritet, premier buteur belge

Evence Coppée promet de remettre une coupe au vainqueur de la joute du 1er mai entre les Français et les Belges qui ne deviennent Diables Rouges que cinq matches plus tard, le 29 avril 1906, à Anvers face à la Hollande vaincue 5-0. Ce succès fera à écrire à Pierre Walckiers de la Vie Sportive que les Belges s’étaient battus comme de petits diables rouges. Un surnom est né. Au Vivier-d’Oie, l’arbitre, M. Keane, siffle le coup d’envoi de Belgique-France à 16 h 45 devant 1.500 spectateurs dont le Prince Albert, qui deviendra le Roi Albert Ier cinq ans plus tard. Au repos, Robert Guérin n’a pas le temps de se désaltérer car il s’entretient avec le président de la fédération allemande. La FIFA est conçue le 1er mai 1904, le jour de Belgique-France, et verra le jour le 21 mai à Paris.

Sur le terrain de ce premier match officiel des deux équipes nationales, il se passe aussi des choses importantes. Tout de blanc vêtus, les internationaux français encaissent un but à la 7e minute de jeu. Georges Quéritet du Racing de Bruxelles fête sa seule cap mais entre dans l’histoire en étant le premier buteur de l’histoire de l’équipe nationale belge. Il remet le couvert à la 50e minute et Pierre Joseph Destrebecq, de l’Union Saint-Gilloise, 7 caps de 1904 à 1906, s’offre le troisième et dernier but belge. Le match nul ( 3-3) enchante les amateurs de football des deux pays qui fêtent ensuite dignement l’événement dans le centre-ville. Là, lors de la troisième mi-temps, ils refont la rencontre. La Belgique a aligné AlfredVerdyck (Antwerp), Albert Friling (Beeschot), Edgard Poelmans (Union Saint-Gilloise), Guillaume Van den Eynde (capitaine, Union Saint-Gilloise), Charles Cambier (FC Brugeois), Camille Van Hoorden (Racing de Bruxelles), Maurice Tobias (Union Saint-Gilloise), AlexandreWigand (Union Saint-Gilloise), Georges Quéritet (Racing Club de Bruxelles), Pierre Joseph Destrebecq (Union Saint-Gilloise), Charles Vanderstappen (Union Saint-Gilloise). Au Vivier d’Oie, le football a depuis lors laissé sa place au hockey mais la tribune de 1904 est toujours intacte, éternel souvenir d’une époque qui s’efface lentement dans les souvenirs.

Un des héros de ce premier France-Belgique, Alfred Verdyck, devient plus tard secrétaire général de l’Union Belge. Le mot cap (synonyme de participation à un match de l’équipe nationale) est né le 30 avril 1905. Face à la Hollande, les Belges inagurent un nouvel équipement avec une belle casquette ( cap en anglais) sur laquelle sera brodée une étoile par match. Le football est pour de bon sur les rails de la popularité et les clubs se professionnalisent sur le continent où la Juventus Turin est la première à franchir le pas. Le monde de l’industrie a compris l’importance de ce sport qui permet notamment aux ouvriers de s’identifier à leurs couleurs, à leur région.

Le chemin parcouru entre le 1er mai 1904 et le 28 avril 2004, date de Belgique-Turquie, est long, parsemé d’exploits et de moments difficiles. Pendant et après la Grande Guerre, une équipe de gars du front, les Front Wanderers, prend part à une tournée en Angleterre. Elle se mesure à Chelsea, Celtic, Everton, Manchester United et Aston Villa.

L’Anversois Désiré Dis Bastin s’est installé avec les siens à Londres durant le conflit mondial et joue alors en Réserve à Chelsea : un exploit à l’époque. Ces matches permettent aux Diables Rouges de forger une solide équipe nationale, la base de leur succès en finale des Jeux Olympiques d’Anvers en 1920 : 2-0 face à la Tchécoslovaquie qui quitte le terrain avant la fin du match suite à l’exclusion d’un de ses joueurs.

En 1930, l’Uruguay organise la première phase finale de la Coupe du Monde après avoir conquis la médaille d’or aux Jeux Olympiques de 1924 et 1928. Montevideo se voit doté d’un immense stade de 100.000 places. Aucun pays européen n’est intéressé par cette expédition lointaine. La FIFA pousse pratiquement les Diables Rouges dans le train pour Barcelone et le bateau qui, en quinze jours les emmène vers l’Amérique latine. Raymond Braine n’est pas de l’aventure suite à une suspension par l’Union Belge qui lui reproche d’avoir ouvert un débit de boissons, ce qui est jugé incompatible avec son statut de Diable Rouge. A l’autre bout du monde, la Belgique est battue par les Etats-Unis (3-0) et le Paraguay (1-0) avant qu’une défaite en match amical contre Penarol (3-0) ne précède le retour au pays.

Il faut attendre 1954 et la cinquième phase finale de Coupe du Monde avant que seize Diables Rouges ne sortent de leur torpeur. Ils sont versés dans un groupe difficile avec la Suisse, l’Italie et l’Angleterre. On retient surtout un fabuleux match nul contre les Anglais (4-4) même si la Belgique ne survit pas au premier tour. Quelques semaines plus tard, le 26 septembre 1954, à Bruxelles, la Belgique prend la mesure (2-0) des nouveaux champions allemands. Les buts sont inscrits par Rik Coppens et Pol Anoul. D’autres légendes du football belge s’illustrent ce soir-là : Louis Carré, Vic Mees, Denis Houf, JefMermans, etc. L’heure du professionnalisme approche à grands pas.

De Raymond Goethals à Aimé Anthuenis

Avant cela, succédant au sélectionneur national ConstantVanden Stock à la tête de l’équipe nationale, Raymond Goethals impose un football réaliste avec l’apport de joueurs principlement issus des rangs d’Anderlecht, du Standard et du FC Brugeois dont Christian Piot, Nicolas Dewalque, Wilfried Van Moer, Paul Van Himst, RaoulLambert. Le Magicien propulse son équipe au Mexique où de déroule la Coupe du Monde 1970. La Belgique n’est plus la championne du monde des matches amicaux, une image renforcée par un succès retentissant face au Brésil (5-1) à Bruxelles le 24 avril 1963 à Bruxelles. Les Diables débarquent chez les Aztèques des semaines à l’avance afin de s’adapter aux effets de l’altitude. Ils s’ennuient et le ton monte entre les joueurs.

Au retour, Van Himst claque la porte de l’équipe nationale. Goethals le récupère avant les matches qualificatifs de l’EURO 72. Après un parcours de toute beauté, les Belges se qualifient pour la phase finale organisée chez eux. Ils mérirent amplement leur troisième place avant de mener la vie dure à la grande équipe de Hollande sur le chemin de la Coupe du Monde 74.

Deux ans plus tard, en 1976, Goethals cède le témoin à Guy Thys. C’est le début d’un nouvel âge d’or avec la finale de l’Europeo 80 (perdue 2-1 contre l’Allemagne) et trois présences en phase finale de la Coupe du Monde : 1982, 1986, 1990. En 1994, c’est au tour de Van Himst d’imiter le gentleman anversois. Puis, Georges Leekens en 1998 et Robert Waseige en 2002 permettent à la Belgique de réaliser l’exploit de se qualifier six fois d’affilée pour la plus grande fête mondiale du football. Aux Etats-Unis, la Belgique mène la vie dure à l’Allemagne et en fera autant avec le Brésil au Japon en 2002.

Cette manne contraste avec la pauvreté du palmarès dans le cadre européen. L’affaire Standard-Waterschei prive Thys de ses internationaux liégeois avant l’EURO 84. L’homme au cigare en profite afin de lancer des jeunes dans la bagarre face à la Yougoslavie à Lens : Georges Grün et Enzo Scifo. Après ce succès (2-0), la Belgique est balayée par la France (5-0) et vaincue par le Danemark (3-2).

En 2000, la Belgique et la Hollande organisent de concert la phase finale de l’EURO. Les Diables Rouges ne franchissent pas le cap du premier tour : la déception est grande. Quatre ans plus tard, Aimé Anthuenis ne parvient pas à pousser les Diables Rouges vers l’EURO portugais tout en entamant une grande opération de rajeunissement des cadres. Son prochain défi est simple : il doit impérativement qualifier la Belgique pour la phase finale de la Coupe du Monde en 2006.

En 100 ans d’existence, les Diables Rouges ont été emmenés par une belle collection de vedettes et de personnalités. Il est difficile de comparer les époques et de composer une équipe du siècle. Chaque génération compte ses hommes forts : Jan De Bie, gardien de l’équipe olympique de 1920 et du Mondial 1924 ; Raymond Braine, premier pro belge au Sparta Prague ; Bernard Voorhoof ; Jef Mermans ; Rik Coppens ; Paul Van Himst ; Jan Ceulemans ; Marc Degryse ; Franky Vander Elst ; Enzo Scifo ; Marc Wilmots, etc.

Si on se basait sur le nombre de caps afin de dégager une équipe-type d’un siècle d’existence, on alignerait : Jean-Marie Pfaff (64 caps) ; Eric Gerets (86), Georges Grün (77), Lorenzo Staelens (65), Michel Renquin (55) ; Vic Mees (69), Jef Jurion (64), Franky Van der Elst (86), Enzo Scifo (84). Paul Van Himst (69), Jan Ceulemans (96).

Pierre Bilic

LA FIFA a été conçue le 1er mai 1904, le jour de BELGIQUE-FRANCE

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