18 ANS le 19 avril

La WTA pousse avec un rien de lourdeur Maria Sharapova au premier plan. La promotion des Masters de fin de saison, remportés par la Russe, affichait d’ailleurs la photo des jambes de Sharapova et la légende : The closer you sit, the hotter she gets. Des jambes sans fin, un brin de mystère russe, un visage frais et le parfum du succès lui valent un intérêt mondial. Signe d’apocalypse : la presse russe a tenté d’acheter à prix fort une photo d’elle nue !

Mais elle n’est qu’une jeune fille de 17 ans qui aime les feux de la rampe. En 2003, elle a signé un contrat chez IMG Models, parce qu’elle aime la mode et veut assurer sa fin de carrière, affirme-t-elle. Peut-être aussi pour détrôner sa concurrente Anna Kournikova de ce piédestal-là aussi. Sur Google Sharapova a tout de même moitié moins de hits que Kournikova !

Sharapova est le parfait produit de marketing. Elle allie culture russe et spontanéité américaine, le tout dans un bel emballage. Elle plaît à toutes les couches de la population, dans le monde entier. Des contrats à long terme avec des multinationales s’empilent sur son bureau. Nike et Prince l’ont vite repérées, comme le Speedminton, un mélange de tennis et de badminton. Depuis son éclosion à Wimbledon 2004, le visage de Sharapova est partout.

Motorola lui a offert un contrat de trois ans qu’on estime à quelque trois millions d’euros, comme son contrat avec Parlux Fragrances. Après Andre Agassi et Roger Federer, elle est la troisième championne actuelle à porter son parfum sur le marché. Canon et TAG Heuer ont également voulu s’associer l’image de Maria.

Elle vient de Sibérie !

Sa vie ressemble au rêve américain. Elle est née à Nyagan, à 2.500 kilomètres de Moscou, en Sibérie. Son père Youri Sharapov a envoyé sa fille de deux ans sous le climat plus doux de Sotchi, en bord de mer Noire, où à quatre ans, elle a reçu ses premières leçons de tennis de la mère de YevgenyKafelnikov. Deux ans plus tard seulement, lors d’une exhibition de Martina Navratilova à Moscou, la championne la remarquait et la recommandait à Nick Bollettieri.

Le rêve se concrétisa deux ans plus tard, même si le déménagement eut tout du cauchemar. A cause d’un problème de visa, sa mère Yelena ne put la suivre. Elles furent séparées pendant deux ans. En Floride, Maria partageait sa chambre avec des filles de sept ans plus âgées qui ne comprenaient pas un traître mot de russe. Son père Youri était arrivé à l’Académie avec 700 dollars (500 euros) et effectuait des petits boulots pour nouer les deux bouts, même si IMG a rapidement pris Sharapova en charge.

Bollettieri avait compris qu’il tenait là une future championne. Un bel assortiment de coups, une volonté de fer. Contrairement aux plus favorisées, elle n’a guère de mal à s’auto discipliner et à s’entraîner dur. Dès dix ans, elle a été suivie par Robert Lansdorp, l’ancien coach de Lindsay Davenport et Pete Sampras. Sa réputation l’a précédée et à 14 ans, en Juniors, elle a atteint la finale de l’Open d’Australie et de Wimbledon.

Depuis qu’elle a quitté son pays à sept ans, elle n’est pas souvent revenue. On raconte que son russe est teinté d’accent américain. Des joueuses comme Anastasia Myskina y voient la preuve que Sharapova aime davantage le pays qui l’a fait que la nation dont elle est originaire. Leurs contacts sont froids. Il lui a fallu du cran pour quitter la Russie, avant qu’IMG ne lui ouvre des portes. Ses compatriotes, elles, se battent toujours dans des installations vieillottes.

Il est difficile de croire que l’argent ne compte pas pour elle. On estime à six millions d’euros ses rentrées annuelles, rien qu’en publicité. Ajoutez-y le 1,9 million de primes de l’année dernière plus les primes de participation et de fait, la famille Sharapova ne doit plus se serrer la ceinture.

Sharapova joue intelligemment le jeu. Est-ce parce qu’elle continue à étudier, via Internet ? Après sa victoire à Wimbledon, le monde entier attendait une confirmation de sa performance mais au lieu d’écumer les grands tournois, elle a jeté son dévolu sur quelques petits événements en Asie. Elle a gagné les tournois de Tokyo et Séoul tout en recevant une enveloppe de 220.000 euros pour s’y produire en faisant plaisir à Motorola. Sharapova a le sens russe de l’économie et le sens des affaires américain.

Etre vue

Dans un monde où il faut être vu, Sharapova joue les premiers violons. Elle a fait la couverture de Sports Illustrated et du Vogue italien. Elle parvient à se faire remarquer sous les feux de la rampe, comme après sa victoire à Wimbledon : elle a sorti un gsm de sa poche pour tenter de joindre sa mère, qui se trouvait alors dans l’avion la menant de Floride à New York. C’était contraire aux coutumes du si traditionnel tournoi. On peut attribuer ce geste théâtral à son jeune âge mais il a aussi un zeste de calcul américain.

Les gémissements animaux de Sharapova sont aussi une véritable attraction. Elle atteindrait 86,8 décibels. Des collègues se sont plaintes et elle a dû mettre un bémol à ses halètements mais depuis ses premières victoires, elle est pratiquement devenue intouchable.

Malheureusement aussi, son père se distingue par ses déclarations et actions. Aux Masters, l’année dernière, il a provoqué une bagarre pendant le match de Maria contre Myskina. Youri lui hurlait tant de conseils et d’encouragements de la tribune que Sharapova reçut un avertissement et que Myskina contre-attaqua ensuite, affirmant que Sharapova n’était pas la bienvenue dans l’équipe de la Fed Cup si son père l’accompagnait. Cela n’a pas gêné Youri. Après la victoire de sa chère petite fille, il a couru sur le court, bousculant un supporter adverse, le tout en direct à la TV.

Papa Sharapov semble prendre place dans la lignée des pères dingues, style Damir Dokic, Jim Pierce ou Richard Williams. Il s’en moque sans doute. Entre travailler dans une raffinerie sibérienne ou sillonner le monde comme père coach, le choix est vite fait.

Maria Sharapova aura 18 ans en avril et est taillée dans le bon bois. Récemment, elle a déclaré :  » Je dois travailler pour progresser « . Malgré un palmarès déjà impressionnant, son tennis comporte encore des lacunes. En produit typique de Bollettieri, elle sait frapper très fort, sur tout le court. Elle doit peaufiner le reste : tactique, jeu au filet, finesse… Il serait intéressant de la voir jouer contre nos compatriotes, dans un registre qui requiert plus de concentration.

Jusqu’à présent, la vie de Sharapova est une successstory. Quoi qu’il arrive, elle est déjà à l’abri de tout souci financier et au terme de sa carrière, toutes les portes lui resteront ouvertes. Mais comment réagira-t-elle à un contrecoup, comme une blessure ou une simple stagnation ?

Filip Dewulf

SHARAPOVA AIME LES FEUX de la rampe. Et c’est réciproque

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