100 % de bonheur

Alors que les chercheurs de vieilleries estimaient que le football belge se résumait à des galions rouillés, coulés dans des océans d’autrefois, de belles pièces d’or ont été remontées à la surface tout au long de la trentième journée du championnat de D1. Ces sous, qui ne tarderont pas à rapporter gros, ont été frappés principalement par de jeunes joueurs en phase avec leurs ambitions, leur talent et les objectifs de leurs couleurs. A ce jeu des promesses, comment ne pas évoquer le rôle décisif que des gamins ont assumé lors d’un somptueux Anderlecht-Standard ? Cette affiche restera longtemps gravée sur les rétines de tous les amateurs et mérite la comparaison avec les classiques des grands championnats étrangers. Tout était étalé sur la pelouse : engagement, soin tactique, espaces réduits, vitesse d’exécution, buts de toute beauté, rebondissements, dernières minutes à la Hitchcock, etc. Sir Alfred aurait pu s’inspirer de cette émotion finale afin de tourner une suite des Oiseaux, de Psychose ou de Lamort aux trousses.

Le Standard appuya son scénario sur sa défense de fer, certain de trouver tôt ou tard une ouverture dans la garde mauve. La houle précipita les regards d’un camp à l’autre. Il se passait quelque chose de grand au stade Constant Vanden Stock. Les acteurs écrivaient la plus belle page de l’histoire de ce championnat. Petit à petit, Anderlecht s’empara des projecteurs. A ce jeu-là, qui d’autre que Vincent Kompany pouvait être la première star de ce gala ? Son but sera analysé et décortiqué par les clubs étrangers qui s’intéressent à lui. Présence, vista, élégance, feeling, frappe atomique : c’était du grand art. Après une période de flottement, le Roi Vincent a repris les chemins du progrès. Désormais intransigeant en défense, il met efficacement le nez à la fenêtre. Son aisance retrouvée colle avec le réveil tactique des Bruxellois sous la baguette de Franky Vercauteren.

Loin du 4-4-2 poussif d’ Hugo Broos, le nouveau mentor mauve opta pour un 3-4-3 innovant. Anthony Vanden Borre, 17 ans, assuma un grand rôle dans cette conception, obligeant Milan Rapaic à reculer jusque dans les pieds de l’excellent Philippe Léonard. C’était une des clefs de la rencontre. Sans faire de bruit, Mark Deman, un autre jeune, 22 ans, s’installe dans cette équipe. Dans l’autre camp, Karel Geraerts, 23 ans, travailla comme un fou, marqua deux buts et mérite des galons de Diable Rouge. Certains lui reprochèrent d’avoir commis la faute, près du grand rectangle, qui entraîna le but de la victoire par Hannu Tihinen. C’était une erreur de jeunesse bien plus facile à pardonner que la scandaleuse intervention de Sergio Conceiçao sur Olivier Deschacht. Les jeunes lui ont montré l’exemple, il n’a pas inspiré les gamins : dommage. Dominique D’Onofrio était déçu de ne pas avoir gardé un point. Sa peine était compréhensible et Franky Vercauteren eut mille fois raison de souligner la qualité de jeu du Standard. Bruges et Anderlecht sont assurés des deux places donnant accès au bal de la Ligue des Champions.

Pour la Coupe de l’UEFA, le Standard devra en découdre avec Genk, revenu à sa hauteur, et Charleroi, sémillant depuis le début du championnat, auteur d’un 15 sur 15 prometteur pour le sprint final. A la mi-mai, lors de l’avant-dernière journée, les Zèbres se rendront ni plus ni moins qu’à… Genk. Qui aurait pu imaginer que Charleroi s’attablerait avec les ténors en fin de saison ? Il y a un an, le Sporting tremblait comme le font désormais Mons, Ostende et le FC Brussels. Charleroi compte déjà 25 points de plus qu’en fin de saison passée. Les mérites de Jacky Mathijssen sont considérables dans cette transformation. Il a donné une âme, une structure, de l’organisation, de l’audace à un club qui a trop longtemps rasé les murs.

Si quelqu’un mérite le titre d’entraîneur de l’année, c’est bien lui au regard de la progression de son club. Charleroi se place à deux points du Standard et de Genk, sans pression, sans obligation, ce qui est toujours un atout à l’heure des derniers examens. Là aussi, un jeune fait parler de lui après avoir pas mal gambergé : Izzet Akgül. A Anderlecht, au Standard ou à Charleroi, cette jeunesse, ambitieuse et active lors d’une grande journée de championnat, c’était 100 % de bonheur.n

Pierre Bilic

QUI AURAIT PU IMAGINER que Charleroi s’attablerait avec les ténors en fin de saison ?

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