100 ANS D’ÂGE

Ils représentent la sagesse dans le noyau hurlu et n’hésitent pas à s’échanger leurs postes.

A eux trois, ils frôlent le siècle. 99 ans exactement. Ils évoluent au même poste et partagent la même philosophie du métier. Ils approchent de la fin de leur carrière mais observent toujours le même sens aigu du professionnalisme. Toujours prêts à aller au combat et à tracer la voie à suivre. Olivier Besengez (35 ans), Geoffray Toyes (33 ans) et Alex Teklak (31 ans), trois défenseurs centraux de formation même si Teklak (et Toyes parfois) se sont découverts une vocation de médian défensif.

Comment voyez-vous votre statut d’ancien combattant ?

Olivier Besengez : Je pense qu’on a un rôle de conseiller. On est là pour encadrer les jeunes et…

Alex Teklak :… parfois les remettre à leur place.

Besengez : Il faut, c’est vrai, parfois leur dire la vérité aussi.

Dans le monde du football, on entend tout le temps que les jeunes n’ont plus de respect pour les anciens…

Geoffray Toyes : Ce n’est pas que dans le monde du football. Je crois que l’on ressent cela dans toute la société, dans la vie de tous les jours.

Teklak : C’est un peu cela la nouvelle génération

Besengez : Il y a une évolution depuis 15 ans. Les jeunes ne regardent plus les anciens comme avant. Je me souviens qu’on n’osait pas parler aux anciens ou répondre comme eux osent le faire. Et parfois, cela me choque.

Teklak : Il y a aussi un effet de mode. On voit qu’ils font beaucoup plus attention à leur coiffure et leurs vêtements que nous ne le faisions à l’époque.

Toyes : On a parfois l’impression que tout leur est dû. Aujourd’hui, tout est fait pour qu’ils aient tout en main mais ils doivent aussi apprendre à assumer leurs responsabilités et à se faire violence.

Et comment fait-on pour les recadrer ?

Teklak : C’est avant tout une question de comportement sur le terrain.

Besengez : On a un rôle de modèle. On doit montrer l’exemple. Si on ne court pas, comment voulez-vous qu’ils courent ?

Toyes : Quand on voit qu’ils commettent des erreurs, on le dit une fois, deux fois, trois fois. Après, s’ils n’écoutent toujours pas, on en a marre. S’ils ne font pas d’efforts, je ne vois pas pourquoi je ferais un effort pour eux.

Besengez : On s’habitue aussi et on rentre dans le jeu. Parfois, on redevient gamin.

Toyes : Et puis, là où cela devient intéressant, c’est quand on tombe sur un jeune plus intelligent que les autres. On n’a pas besoin de lui dire deux fois la même chose, il retient vite.

Teklak : On voit aussi tout de suite l’éducation qu’il a reçue.

Besengez : J’ose toujours croire que si on leur parle correctement sans les dénigrer, ils vont respecter ce qu’on dit. Maintenant, si à 18 ans, ils ne le font pas et estiment qu’ils ont tout connu…

Teklak : Il y a également plus de mouvements dans les clubs. A l’époque où je débutais à Charleroi, j’arrivais dans un noyau composé d’anciens, présents dans le club depuis des années. Rien qu’à l’évocation de leur nom, tu n’avais pas envie d’ouvrir ta g… D’ailleurs, je me souviens que certains jeunes se sont vraiment fait casser par le noyau parce qu’ils faisaient le malin. Emmanuel Massaux était bourré de qualités mais il s’est engueulé plusieurs fois avec des vieux et c’était terminé.

Un jeune exemplaire qui écoute ?

Besengez : Daan Van Gijseghem

Toyes et Teklak : oui Daan.

Besengez : Cela fait deux ans qu’il a intégré le noyau. On voit que cela commence à payer. Dès le départ, il avait déjà un niveau de maturité supérieur à un autre jeune.

Toyes : Il est vachement à l’écoute.

Pourtant, c’est votre concurrent ?

Toyes : On est là pour apporter nos conseils. On pense prioritairement à l’équipe avant notre personne. C’est aussi ce qui fait la différence entre l’époque où nous avions 20 ans et l’actuelle.

Besengez : Entre nous trois, Kevin Hatchi et Daan, il y a vraiment un climat d’encouragement. Ce n’est pas à plus de 30 ans qu’on va vouloir faire des misères à son concurrent direct. Que du contraire. On voit le match que le gars fait et s’il réalise une bonne prestation, on est le premier à le féliciter.

Teklak : C’est important d’avoir une attitude positive…

Besengez :… et reconnaître que durant un certain laps de temps, le concurrent est meilleur que vous…

Teklak :… et que l’équipe tourne bien sans vous.

Une situation différente

Par rapport à la saison passée, le statut des trois hommes a évolué. Besengez, qui restait sur un très bon deuxième tour et une finale de Coupe de Belgique, est rentré dans le rang. Le club lui a offert une année de contrat supplémentaire mais il n’a pas débuté la saison dans la peau d’un titulaire. Teklak avait réussi à surnager et à réaliser une très bonne saison lors du naufrage louviérois, au point même de se découvrir un avenir au poste de récupérateur. De retour à Mouscron, il n’a été titularisé que lors de la sixième journée à Mons. Quant à Toyes, perturbé par les affaires lors du dernier exercice, il a retrouvé toute sa superbe, signant même des prestations de haut vol.

Besengez : Je ne prends pas entièrement cette dernière saison comme un cadeau du club. Je pense l’avoir méritée quand je regarde dans le rétroviseur. Pendant la préparation, j’ai eu un petit pépin physique et Geo a eu le mérite d’être plus prêt et plus frais que moi et quand je vois son match contre Anderlecht, il n’y a rien à dire. Ceci étant, je sais aussi pourquoi je suis encore là, à 35 ans. Un championnat est long et je peux encore rendre de précieux services. Vous affirmez que mon statut a changé mais l’année passée, j’avais également débuté sur le banc. Puis, j’ai sorti deux, trois bons matches et je suis resté dans l’équipe. Cela fait déjà deux, trois ans que je n’ai plus une étiquette de titulaire comme les six premières années de D1. De toute façon, Daan doit exploser cette saison et c’est maintenant, après deux ans d’apprentissage, qu’il faut qu’il s’impose.

Toyes : Je n’avais pas réussi mon entrée en matière à Mouscron. Nos premières prestations n’étaient pas bonnes. J’ai payé le prix fort car il n’y avait quand même pas qu’un homme sur le terrain ! Mais ce n’est pas grave. J’ai pris mes responsabilités. Et puis, d’autres choses m’ont perturbé. En décembre, physiquement, je n’étais pas au mieux et c’était tout à fait logique de se retrouver sur le banc. A 33 ans, il faut aussi accepter de se reposer quelques matches. On n’est pas une machine et on peut être fatigué sachant que les périodes de décembre, janvier et février sont chargées. J’ai mis cette saison derrière moi. Je veux prouver que j’ai une certaine valeur.

Teklak : Je ne m’attendais pas à être titulaire en début de saison. Mouscron avait terminé sa campagne par une finale de Coupe. Le groupe qui s’était sauvé n’avait pas changé. Seuls Marcin Zewlakow et Patrice Noukeu étaient partis. Certes, une place de médian défensif se libérait mais on a pris l’option d’aligner Daan. L’équipe a très bien débuté par deux victoires. Il faut attendre son tour. Avec l’expérience, tu prends cette situation avec philosophie.

Besengez : Je crois que nous ne devons plus prouver notre sélection quand nous sommes alignés. Evidemment, on doit se défoncer mais je crois que quand l’entraîneur nous fait confiance, il connaît nos qualités.

Teklak : On sait ce que Teklak, Besengez et Toyes savent faire. Cela peut paraître prétentieux mais ce n’est plus à notre âge qu’on va stresser avant une rencontre en pensant que l’on joue notre carrière.

Mais on ne risque pas de se reposer sur ses lauriers en ne se remettant pas en question ?

Teklak : Pas du tout. Aux entraînements, on va toujours au charbon comme il y a dix ans. Je ne supporte toujours pas de perdre.

Et comment vit-on le fait que la fin de carrière se rapproche ?

Toyes : Mentalement, on s’y est préparé.

Besengez : Il y a deux ans, quand j’ai été tracassé par mes ennuis de santé, je ne m’imaginais pas être encore dans le noyau cette année. Tout ce que je prends, c’est du bonus.

Teklak : Quand tu connais la D1 pendant une dizaine d’années, cela veut dire quelque chose.

Besengez : Passé ce cap, on peut affirmer que l’on a été joueur professionnel à part entière. J’ai franchi la barre des 200 rencontres en D1 et j’en suis fier. Et je n’oublie pas que j’ai aussi plus de 150 matches de D2.

Les affaires

Quelles traces les affaires de corruption ont-elles laissées ?

Toyes : J’ai été cité et maintenant on s’aperçoit que certains noms ont été jetés en pâture. Je ne vais pas vous cacher que cette affaire m’a perturbé et il y a des périodes durant lesquelles je n’ai pas trop joué parce que je n’étais pas bien mentalement. Mais cela fait partie des à-côtés qu’il faut savoir gérer. Ce n’est pas toujours facile pendant un mois ou deux car on a envie de réagir à chaud. Pourtant, il faut prendre un peu de recul. Maintenant, c’est oublié mais le chapitre n’est pas totalement clos car il faut que je fasse payer un petit peu tout ce qui a été dit. Je compte, une fois l’affaire bouclée, demander des dommages et intérêts. Mon nom a été cité, ma réputation salie. Il y a eu des répercussions en France et pour ma famille, cela n’a pas été évident à gérer. Je n’ai pas fait 13 ans de football pour voir un con m’accuser dans son journal sans preuves.

Teklak : Moi, j’ai vécu une année noire à La Louvière mais je préfère ne pas en parler…

Besengez : Attends ! Toute la Belgique a vu que tu étais passé à côté du ballon contre Bruges. Tu vas nous faire croire que ce n’était pas fait exprès ( il rit).

Teklak : On a même annoncé que j’étais au Palais de Justice et que j’avais balancé plein de noms alors que ce jour-là, on avait entraînement. Pire que la saison passée, ce n’était pas possible. Il y avait des retards de paiement, les affaires, la succession des entraîneurs. On ne sait pas donner le meilleur de soi-même dans ces conditions. Dans le vestiaire, il y avait une jeune génération avec très peu d’anciens : Nordin Jbari, moi et Olivier Guilmot qui n’avait que deux saisons de D1 derrière lui. C’était impossible de gérer tout à trois. Moi, je n’avais en tous cas pas envie de jouer les assistants sociaux. Pourtant, sans les affaires, on se serait sauvé. On a terminé la saison avec 26 points et Beveren qui s’est sauvé en avait 32.

Toyes : Oui mais cela avait déjà foiré la saison précédente à La Louvière. Cela marchait bien mais six mois après, le président vendait six joueurs. Il nous manquait trois points, en décembre, pour nous sauver. Il savait qu’on les prendrait. Après, la dégringolade a commencé.

Teklak : Finalement, à trois semaines de la fin du championnat, on savait qu’on descendait et cela a constitué une libération pour beaucoup.

Besengez : Moi, je suis tombé du grenier à la cave quand Paul Put a été cité. Je ne pensais pas que cela pourrait arriver jusqu’à l’Excelsior.

Et les problèmes financiers de Mouscron ?

Besengez : On parle beaucoup des élections communales car Jean-Pierre Detremmerie est derrière le club.

Teklak : On lui doit beaucoup. Il a £uvré avec passion pour son club.

Besengez : Pour ne pas le cacher, on est d’ailleurs parti le soutenir et alors qu’on le disait malade, on a retrouvé l’homme avec toute sa vigueur. Cependant, je ne pense pas qu’il y aura un impact immédiat sur le club en cas de changement de majorité.

Teklak : Le Futurosport est un outil unique et ce serait ridicule de tout jeter à la poubelle.

Parlons sportif. Vous pensez quoi du début de championnat de Mouscron ?

Besengez : C’est bien mais la défaite de Beveren reste en travers de la gorge.

Teklak : On sait qu’on va devoir faire le plein à domicile. Pour moi, les deux points perdus contre Roulers sont davantage dommageables.

Besengez : Oui mais en perdant à Beveren et à Mons, on relance ces équipes-là.

Toyes : On n’arrive pas à garder une stabilité, à conserver notre niveau de jeu ou à le hausser. A certains moments, on ne montre pas une attitude professionnelle. On se contente d’un nul et on n’est pas assez compétiteur. Moi, les défaites, elles me font mal.

Teklak : On accepte trop facilement la défaite. D’ailleurs, en semaine, on peut parfois se demander si on a été battu.

Toyes : A Mons, on aurait dû ne pas encaisser. Montrer qu’on est costaud défensivement pour que les adversaires sachent qu’ils ne passeront pas ce mur.

Teklak : C’est ce qui s’est passé à Gand. On sentait que les Gantois ne franchiraient pas notre défense.

Toyes : Il nous manque du mental. On joue bien contre les grandes équipes mais quand il faut aller au feu, on n’est pas nécessairement là.

Teklak : Il suffit de voir Roulers. Il n’a pas de grands joueurs mais 11 guerriers. C’est une équipe d’accrocheurs.

Besengez : Ce qui fait la différence, c’est l’envie.

STÉPHANE VANDE VELDE

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