100.000 euros pour l’avion des Diables, est-ce indécent ?

Chaque semaine, Sport/Foot Magazine pose à différents interlocuteurs la question qui fait débat.

A la demande de Marc Wilmots, l’Union Belge de football a dégagé un budget supplémentaire de 100.000 euros afin que les Diables Rouges puissent se rendre en classe business en Israël. Le sélectionneur souhaite qu’après la rencontre de samedi face à Chypre, les joueurs soient placés dans des conditions idéales en vue du match à Jérusalem, très important dans le cadre de la qualification pour l’Euro 2016.

Le retour ayant lieu pendant la nuit, Wilmots veut aussi que ses joueurs puissent dormir afin d’être en forme lorsqu’ils rentreront dans leur club. Steven Martens, qui a démissionné de ses fonctions le mois dernier après les révélations sur sa gestion dépensière, avait appuyé la demande de Wilmots. Au sein du Comité Exécutif, six membres ont voté pour et deux contre.

Johan Timmermans

 » J’ai voté contre « , dit Johan Timmermans, président du FC Malines, qui siège au Comité Exécutif.  » Si nous n’étions pas dans un contexte de contrôle budgétaire strict, j’aurais peut-être accepté mais actuellement, l’Union Belge fait face à une perte annuelle de plus de 200.000 euros et ce serait plus grave encore sans les subsides. On ne peut pas vivre au-dessus de ses moyens. De plus, il ne s’agit pas d’un vol intercontinental. Si cela avait été le cas, j’aurais peut-être adopté une attitude différente. Ici, il n’y a que cinq heures de vol. J’ai déjà voyagé avec les Diables Rouges et je sais qu’ils ont toujours beaucoup d’espace car ils ne doivent pas se contenter d’un seul siège. Cette fois-ci, l’alternative la plus économique consistait à réserver trois places par joueur en classe économique. Cela me semblait suffisant en termes de confort, y compris pour les joueurs de Manchester City et de Chelsea. En vouloir plus, c’est exagéré.  »

Stijn Vandenbroucke

 » D’un point de vue purement physiologique, l’idéal serait de pouvoir voler couché « , dit Stijn Vandenbroucke, le Belge à la tête du département Medical & Sport Science de West Ham et qui a travaillé comme kiné à Anzhi, au Dinamo Moscou ainsi qu’à la fédération camerounaise.  » On sous-estime l’impact des voyages. La fatigue et l’entraînement constituent les plus gros facteurs de risques de blessures. Pour les sportifs de haut niveau, qui vont toujours à la limite, la position assise prolongée n’est pas idéale. Ça surcharge le dos, les ischio-jambiers et les mollets. Quand c’est possible, mieux vaut rester couché. Et puis, c’est tout de même l’équipe nationale. Si on est ambitieux, il faut prendre la meilleure option. Nous avons tout de même plusieurs joueurs habitués à un certain niveau de professionnalisme. Il faut donc tendre à cela dans la mesure des possibilités et de l’acceptable. Le match en Israël est important, il faut gagner et Israël n’a pas une mauvaise équipe. Mieux vaut donc ne rien laisser au hasard. En donnant aux joueurs et à l’entraîneur ce qu’ils demandent, on ne leur laisse pas d’excuse non plus mais il faut aussi être réaliste. Des erreurs ont sans doute été commises et les gens ont l’impression qu’on a déjà trop dépensé. Il faut donc voir s’ils peuvent comprendre cela, si ça ne fera pas trop de remous. D’un autre côté, je pense qu’il ne faut pas non plus se servir de ceci pour démolir encore un peu plus l’Union Belge.

D’ailleurs, ce n’est pas toujours une question d’argent mais aussi d’organisation. Les joueurs auraient pu rester ensemble samedi soir après le match contre Chypre et partir pour Israël dimanche après-midi. Dans ces conditions, ils n’auraient pas eu besoin de voyager en classe business. De plus, ils auraient passé une meilleure nuit et leur biorythme n’aurait pas été bouleversé. Pareil pour le retour, immédiatement après le match : les joueurs dormiront-ils vraiment au cours d’un vol de quatre heures trente à peine ? Je ne pense pas car leur taux d’adrénaline sera encore trop élevé. Après un match, 80 % des joueurs ne s’endorment pas avant quatre ou cinq heures du matin. Est-il dès lors encore nécessaire de voyager en classe business ? Pourquoi ne pas loger sur place et revenir le lendemain par un vol normal, comme beaucoup de pays le font ? Les joueurs pourraient aussi rentrer directement dans leur club au lieu de repasser par Bruxelles. Si on veut vraiment veiller à ce qu’ils récupèrent bien, c’est même une option indiscutable : ils pourraient dormir plus longtemps et s’économiser. La FIFA oblige les joueurs à rentrer dans les 48 heures, ce n’est donc pas un problème. Le plus important, c’est que les clubs récupèrent les joueurs en bonne forme. Au lendemain d’un match, ils récupèrent, ne font pas grand-chose. Dans la plupart des clubs anglais, ils ont d’ailleurs congé le mercredi. Je pense donc qu’il y avait moyen de faire mieux. Mais le plus important, c’est la victoire.  »

Nicolas Lombaerts

 » Tout le bruit qu’on fait autour de cette affaire ne m’empêche pas de dormir « , dit Nicolas Lombaerts qui, avec le Zenit Saint-Pétersbourg, est habitué aux longs déplacements à travers l’Europe et la Russie.  » Je sais qu’on en parle beaucoup en Belgique mais, selon moi, il y a autre chose que ces 100.000 euros là-dessous. En ce qui me concerne, si le vol dure moins de deux heures, je voyage en classe économique mais après, j’ai mal un peu partout. A presque trente ans, on le sent. Je serais donc bien embêté si je devais voler près de cinq heures sans pouvoir m’allonger. Alors, si la fédération a les moyens de nous offrir la classe business, tant mieux. Personne ne pourra dire après coup que nous n’avons pas été placés dans les meilleures conditions.

Avec le Zenit, nous voyageons toujours dans un avion affrété rien que pour nous. Là, nous avons toute la place que nous voulons, même quatre rangées par joueur s’il le faut. J’ai ma rangée, je peux me coucher et dormir. C’est la classe économique mais c’est la meilleure option possible offerte par la compagnie qui sponsorise le Zenit car dans sa classe business, on ne peut pas se coucher entièrement comme c’est le cas dans les avions de Brussels Airlines. Sur ce plan, Brussels Airlines, c’est le top.

C’est le genre de choses qui font aujourd’hui partie du football. Tout est plus professionnel. Avant, il y avait un soigneur par équipe et personne ne se plaignait de devoir faire la file pour être massé. Aujourd’hui, il y en a plusieurs. Le football est un business et plus rien ne peut être laissé au hasard.  »

PAR KRISTOF DE RYCK ET CHRISTIAN VANDENABEELE

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