10 ans à Molenbeek!

L’ex-international du RWDM ne vend plus de foot aujourd’hui mais du tennis et du ski

Quand il parlait de Maurice Martens, 26 fois international de 1971 à 1980 et Soulier d’or 73, Raymond Goethals disait: « Il joue pour deux, aussi bien attaquant que défenseur ». Ailier à Alost, jusqu’à 18 ans, -celui qu’on surnomma Jérôme en référence au costaud de Bob et Bobette– il joua ailier, médian sous Noulle Deraeymaecker, puis arrière latéral gauche à Anderlecht, avant son transfert, en 71 comme défenseur au Racing-White.

Champion en 75 avec le RWDM, il garde une nette préférence pour le club molenbeekois: « Deux saisons au Racing-White et dix au RWDM, c’est plus du double de ma période anderlechtoise, et puis surtout, j’y ai eu beaucoup de plaisir. Au Sporting nous étions trois pour le même rôle, Cornélis, Volders et moi, et la confiance me manquait. Je me suis pourtant senti vexé à mon passage au Racing-White, Desanghere, Teugels et moi étions échangés contre Jean Dockx. Comme jeune joueur ça fait mal. Le plus heureux était l’entraîneur Félix Week. Sûr de lui, il nous a garanti une intéressante carrière, et m’a affirmé que je serais titulaire pendant des années. Il a tenu parole, nous avons été tous les trois internationaux, champions, et moi Soulier d’or. De plus, je suis devenu pro à Molenbeek ».

Maurice se souvient qu’à l’époque il était comparé à Terry Cooper de Leeds United considéré alors comme le plus brillant arrière latéral européen de contre-attaque. « Ce goût de déborder je l’ai toujours eu et ça tournait parce que Wietze Veenstra me couvrait très bien. Plus tard, quelques saisons après le titre, le RWDM était moins fort, et mon goût offensif a parfois été critiqué. Dockx, alors entraîneur, a imposé une défense individuelle, et j’ai eu moins souvent l’occasion de filer vers l’avant ».

Aujourd’hui, RobertoCarlos est, évidemment, l’arrière latéral qui le branche le plus : « A mes yeux, il est proche de la perfection. Physique exceptionnel, technique quasi parfaite, frappe très sèche et fréquentes montées en ligne. Le Real est ce que j’ai vu de mieux. Le Bayern Munich me plaît par sa puissance et ses bonnes qualités techniques, mais Manchester United ne me satisfait qu’à moitié, c’est souvent le même truc, et Beckham me paraît surfait ».

Déguisé en cheik

S’il suit le football à la télé, Maurice ne se déplace, par contre, plus que très rarement au terrain. Trop de hooligans. Le drame du Heysel en 85 l’a écoeuré. « Et puis, toutes ces forces de police qu’il a fallu déployer à l’EURO 2000, et ce noyau dur brugeois qui a cassé la baraque après un récent match amical d’Anderlecht, à Knokke, c’est trop ».

Il n’exclut pourtant pas de revenir de temps en temps au stade Edmond Machtens. Notre rendez-vous avait été fixé au Madison, un café à côté du stade. Il nous y a demandé des nouvelles de l’ancien secrétaire général Henri Mabille et de quelques autres anciens dirigeants.

Si le fils de l’ancien international Honoré Martens ne porte plus vraiment le mauve dans le coeur, il ne peut toutefois oublier qu’avec le Sporting il débuta en Coupe des Champions 68-69 et disputa le retour de la finale de la Coupe des Villes de Foires, à Arsenal, en 71. En 70, Goethals l’emmena à la Coupe du Monde 70, au Mexique. « Je n’y ai pas joué, Thissen était titulaire ».

La Roumanie fut son dernier match de Diable, juste avant l’EURO 80, en Italie. Repris dans le noyau, mais barré cette fois par Michel Renquin, il vécut sur le banc le bonheur de la conquête de la deuxième place derrière l’Allemagne de Rummenigge et Cie. Mais, même assis, il ne perdit jamais sa bonne humeur, et après la finale romaine, il se fit passer, avec la complicité de Swat Vander Elst, pour un cheik arabe auprès des dirigeants belges : « Quand on est natif d’Alost, on sait ce que carnaval veult dire ». Ce même gag, il l’avait déjà joué au secrétariat du RWDM, en face de Michel Verschueren, alors cheville ouvrière du club. A cette époque, pour se monnayer, le club cherchait des matches amicaux à l’étranger, souvent en Arabie Saoudite ou en Extrême-Orient. Avec pas mal de complications et de risques d’ailleurs. Impeccablement drapé de blanc, le faux cheik présenta une liste de rencontres valant leur pesant d’or. Notamment, un déplacement au Koweit…

Une cinquième opération

Sans doute eut-il été plus souvent international s’il n’avait souvent marché sur des béquilles : « J’ai été opéré trois fois aux ménisques et à une hanche, puis à nouveau au tendon d’Achille alors que je jouais en salle, et dans peu de temps je vais devoir passer une cinquième fois sur le billard pour une blessure à la hanche au cours d’un match de tennis. Actuellement, j’essaye de rester en bonne condition physique, en roulant beaucoup à vélo ».

Son match international le plus spectaculaire et le plus efficace il le disputa, en avril 73, au Beerschot contre l’Allemagne de l’Est, 3-0. Contre-attaquant sans arrêt, Maurice fut à la base des trois buts. « Ce soir-là, la pluie n’a pas cessé de tomber, mais malgré le terrain très lourd, je me sentais des ailes. Je me souviens surtout d’une montée en ligne, d’un centre et de la reprise directe de Raoul Lambert. Vraiment un très beau but ».

Cette prestation de l’Alostois fut, sans aucun doute, à la base de son Soulier d’or, qui confirma la haute estime que lui portait le jury de journalistes, dirigeants et arbitres. « Je me souviens qu’un an avant déjà j’avais déjà été distingué comme n°2 derrière Christian Piot« .

Ce Soulier d’or, Maurice le concrétisa par l’ouverture d’un magasin d’articles de sport, Koolstraat, à Alost. Il y posa le soulier bien en évidence, de même que le maillot rose du Tour d’Italie qu’ Eddy Merckx venait de lui offrir. Passionné aussi de foot, Eddy, ancien affilié du White-Star, était dans les années 70, administrateur du club molenbeekois. « Nous sommes restés liés, même si les contacts se relâchent avec le temps ».

Bonnes bouffes

En janvier 74, à l’instigation de Jean Gooris, ancien coprésident du RWDM, et du délégué Guy Sancke, Maurice et Eddy décidèrent de fêter le Soulier d’Or au Pré Salé, un restaurant bruxellois de la rue des Flandres, à Bruxelles, où le club s’amusait volontiers. Bonne bouffe, et ambiance garantie avec Fons, le patron, et des garçons qui, en travestis, poussaient la chansonnette en play-back. Ce soir-là, le RWDM alluma le feu, quelques voisins se plaignirent, et deux agents frappèrent à la porte. « Excusez-nous, on fête l’anniversaire d’Eddy Merckx et le Soulier d’or de Martens », lança le restaurateur. L’un des policiers répondit: « Merckx? Et pourquoi pas le pape? » C’est alors qu’Eddy Merckx, aux toilettes, revint dans la salle, et les deux policiers, épatés, rengainèrent le stylo à bille de la contredanse, et burent un petit coup. « Je me souviens que ça se passait surtout entre anciens du Racing-White. Car sortir ensemble les deux clans du RWDM, ce n’était pas évident: les dirigeants du Racing-White et ceux du Daring ne s’entendaient pas trop bien ».

Parmi ses heureux souvenirs, Martens évoque, bien sûr, le titre du RWDM en 75, avec le solide talent des Boskamp, De Bree, Bjerre, Polleunis, Koens, Nielsen, Desanghere, Teugels… Superbe conclusion d’une brillante saison dont la fin fut pourtant un calvaire pour le Soulier d’or. Blessé à Diest, et hors course pour plusieurs semaines, il assista de la tribune molenbeekoise au but de Teugels et au triomphe du RWDM sur Anderlecht, qui lança le club vers le titre. Le moment le plus ingrat, tragique même, de sa carrière, c’est ce dégagement trop mou de la 90e minute, dont profita Vicente de Vitoria Setubal pour éjecter le RWDM de la coupe UEFA 72-73. Désespéré, l’Alostois, rentra au vestiaire dans un silence glacial.

Et maintenant?

« Ça peut paraître bizarre, mais, depuis quelques années, j’ai abandonné l’article foot dans mon magasin. Dans la région, je trouve que ce marché n’est plus du tout intéressant pour moi. Aujourd’hui, je vends essentiellement du tennis et du ski; j’ai beaucoup pratiqué le tennis, et la glisse est ma seconde passion après le foot ».

Henry Guldemont

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