1. Olympique Lyonnais

Pierre Bilic

Dans quel état le champion bleu-blanc-rouge en titre aborde-t-il la nouvelle saison sans Sonny Anderson ?

Le grand patron des Gones, c’est JMA, Jean-Michel Aulas, 54 ans, président de l’OL depuis juin 1987. En 16 ans, le fondateur de la CEGID, une société informatique comptant 1.300 salariés, a donné une autre dimension à Lyon qui a aussi planté ses griffes dans la meute des clubs les plus riches d’Europe. Dans la région lyonnaise, il est désormais le numéro 1 en sport et dans les affaires.

Aulas a fait entrer des industriels lyonnais dans le capital de la holding (SCPS) qui possède les Gones. Même si tout ce qui est  » actions  » n’a pas la cote pour le moment, Aulas évoque souvent l’entrée en Bourse de son club afin d’augmenter le capital de 40 millions d’euros. Il s’entend à merveille avec la mairie et entretient avec elle des projets immobiliers autour du stade. L’Olympique Lyonnais, c’est lui et personne ne s’en plaint. Au début de son règne, il était un peu gêné aux entournures par une image de marque d’homme d’affaires relativement froid.

Lors de la fête du titre de Jacques Santini, l’an dernier, on l’avait vu danser la samba avec les joueurs brésiliens de Lyon. Cette année, il s’est mis au rock afin de célébrer un deuxième écusson national.

Jean-Marie Aulas pèse désormais dans le monde du football français. Il n’entend pas en rester là et a l’ambition d’installer son club en haut de l’affiche européenne. Aulas a des idées, transforme tout ce qu’il touche en or. Ainsi, JMA a été un des premiers, en France, à deviner que le football professionnel ne pouvait pas se contenter de vivre en encaissant les droits de télévision. Le président lyonnais a dynamisé, entre autres, toute la politique commerciale. Sur le plan sportif, il a flairé les bonnes affaires aussi. Quand le coach Jacques Santini a pris le chemin de l’équipe de France, le patron a confié son noyau à Paul Le Guen qui n’entraînait plus d’équipe depuis un an. Même si ce ne fut pas toujours rose, Lyon a finalement imposé sa pointe de vitesse à la fin du championnat.

Le principal souci de Lyon sera de trouver de nouveaux mécanismes tactiques afin de remplacer Sonny Anderson parti à Villarreal en Espagne. Le grand Brésilien était à Lyon depuis 1999. Il vient récemment de préciser qu’un changement d’air s’imposait car il avait tout vu chez les Gones qui l’avaient acheté pour 18 millions d’euros au Barça. En fait, Lyon a libéré son plus grand joueur de tous les temps. Les Gones ne voulaient pas prolonger son contrat qui était valable jusqu’en 2004. Signe de méfiance quant à ses blessures ou changement de cap ? Lyon s’identifiait peut-être trop à lui, au point que cette évidence était devenue un petit handicap. Les Gones étaient plus prévisibles avec lui que sans lui. Lors de la défunte campagne, l’artiste fut blessé et Lyon trouva son souffle sans lui.

Paul Le Guen l’utilisa à nouveau en fin de championnat et ce fut payant mais un joueur de ce calibre ne pouvait pas risquer la saison en trop qui aurait abîmé son chef-d’£uvre.

La star de la saison passée, ce fut surtout son compatriote Juninho. Son bilan de médian fut magnifique avec 12 buts à la clef. Spécialiste des assists, Juninho était arrivé sur les rives du Rhône en juin 2001. Il avait déjà été sacré deux fois champion du Brésil avec Vasco de Gama en 1997 et en 2000. Son tableau de chasse s’est complété avec deux titres français. A 28 ans, il n’en restera pas là. Bien que droitier, il s’est imposé à gauche et a permis à Vikash Dhorasoo, à Philippe Violeau, à Eric Carrière, pour ne citer qu’eux, de faire leur trou dans la ligne médiane. Ce sont des valeurs sûres de l’équipe. A l’attaque, Sidney Govou, produit du club, continuera à progresser. L’intérêt des grands clubs européens pour lui prouve l’étendue de son talent. Mais si quelqu’un doit désormais être surveillé du coin de l’£il, c’est Peguy Luyindula. La saison passée, ce joueur d’origine congolaise, venu de Strasbourg, a fait oublier Sonny Anderson quand ce dernier était blessé. Lyon a suivi du beau monde sur le marché des transferts ( Eto’o, Morientes, Carew, Nonda, etc.) mais n’a heureusement pas oublié tous les mérites de Peguy (24 ans) et Sidney. Ils ont le même âge et forment un fameux duo à la pointe de l’attaque des Gones. Qui leur arrachera une seule étoile de leurs épaulettes de jeunes stars la saison prochaine ?

L’homme est de nature très calme. Paul Le Guen en a vu d’autres au cours de sa carrière. Alors quand on lui parle de la succession de l’incomparable Sonny Anderson, il prône d’abord le calme, certain que son club trouvera la solution. Cette sérénité fut déjà un de ses atouts la saison passée quand Lyon se devait de gagner un deuxième titre de rang afin de prendre une fois pour toutes sa place dans l’histoire du football français.

Ce club a très longtemps nourri un véritable complexe à l’égard de son proche voisin, St-Etienne. La fièvre verte, ce n’était pas rien en France. Le temps a passé et plus aucun club n’avait signé de doublé depuis Marseille en 1992. C’est dire si l’Olympique Lyonnais, fondé en 1950, a augmenté le rythme et est bel et bien devenu le club français le plus important depuis l’arrêt Bosman. Pourtant, Paul Le Guen en a vu des vertes et des pas mûres en un an. Lyon ne s’est pas qualifié pour les quarts de finale de la Ligue des Champions et a perdu beaucoup d’énergie sur la scène européenne.

Cela s’est ressenti en championnat. Paul Le Guen n’avait cependant qu’un souci : être le plus offensif possible. En défense, il remania souvent sa copie et ne trouva la bonne formule qu’en décembre en faisant enfin confiance à Eric Deflandre sur le flanc droit. Le Diable Rouge y fit merveille et fut un des principaux artisans du renouveau lyonnais.

Le Guen, 39 ans, a entraîné le Stade de Rennes de 1998 à 2001 avant de s’offrir un an de repos. En tant que joueur, il évolua à Brest, à Nantes et au PSG où il collectionna les honneurs : Coupe des Coupes (1996), champion de France (1994), Coupe de France (1993, 1995, 1998), Coupe de la Ligue (1995, 1998). A Lyon, il a un contrat de deux ans : son palmarès et sa tranquillité en ont fait le successeur idéal de Jacques Santini. Il a fini par y imposer ses idées.

Lyon est un club exigeant. A ce niveau, il faut des stars afin de créer l’événement qui attirera le public, le fidélisera en l’identifiant à des stars. Sonny Anderson est l’exemple parfait à ce propos : sa popularité ne sera probablement jamais égalée. Mais Lyon a également son centre de formation. La saison passée, huit des 25 joueurs du noyau A étaient des produits du club : le gardien Nicolas Puydebois ; les arrières JérémieBréchet, Yohann Gomez, Florent Laville, Laurent Montoya ; le médian FlorentBalmont : les attaquants Sidney Govou et Alexandre Hauw. Un tiers de l’effectif, c’est énorme.

Le plus connu n’est autre que Sidney Govou. Ce garçon sérieux et intelligent est né le 24 juillet 1979 à Puy-en-Velay. Il usa ses premières godasses de foot au CO Le Puy avant de débarquer à Lyon en 1997. Fils d’un infirmier d’origine béninoise qui en son temps avait passé un test négatif à Lyon avant de jouer dans de petits clubs, Sidney envisageait de faire des études de biologiste ou de kiné. Alain Thiry, un recruteur de Lyon, insista afin qu’il passe des tests à l’Olympique en 1997.

Depuis, Govou n’a cessé de pousser sur l’accélérateur et ce demi droit se transforma en attaquant de pointe. Une perle était née avec sa technique, son accélération, son sens du but, son intérêt pour tout ce qui touche aux vertus du collectif, etc. Et Govou est désormais un des membres de la bande des Bleus.

Jérémie Bréchet, né le 14 août 1979, à Lyon, est moins connu mais quand Bixente Lizarazu se retirera de l’équipe nationale, probablement après l’EURO 2004, Jacques Santini confiera le poste d’arrière gauche à ce Lyonnais de 1,86 m pour 77 kg. Il avait obtenu sa première sélection A le 1er juin 2001 face à l’Australie. Toujours sévère avec lui-même, il lit bien le jeu et est excellent à l’anticipation. Si Lyon n’oublie pas ses jeunes, ce club repère aussi le blé qui lève ailleurs. Les Gones viennent d’acquérir Anthony Reveillère, un excellent latéral droit (né le 10 novembre 1979) à Rennes. Il connaît la musique. Sa mère voulait qu’il apprenne à jouer d’un instrument. Il a trouvé un orchestre à mille cordes à Lyon.

Situé avenue Jean Jaurès, le stade de Gerland peut contenir 41.000 spectateurs. C’est un public chaud, celui de la troisième ville de France. Il a désormais pris conscience de son importance. Les supporters apprécient la stabilité de leurs couleurs. Lyon avait déjà eu de nombreuses stars dans le passé : Di Nallo, Aubour, Combin, Lacombe, Jacquet, Tigana, Olmeta, Abedi Pelé, etc. Les anciens avaient fêté des succès en Coupe de France en 1964, 1967 et 1973 mais l’OL n’était pas à la hauteur de l’importance économique de sa région. Même si Lyon fut la première ville de France à être reliée à Paris par une ligne TGV, cette cité située au confluent du Rhône et de la Saône, tarda à prendre l’express du football, cédant sa place à St-Etienne, Paris, Marseille, Bordeaux, etc. C’est l’heure de la revanche, de l’affirmation lyonnaise. Eric Deflandre nous a souvent parlé de la chaleur des supporters de ce club.

 » Quand cela ne tournait pas rond pour moi, je n’ai jamais été largué par le public « , dit-il.  » Il m’a exprimé son soutien quand j’étais sur le banc. Les Lyonnais ne comprenaient pas alors que j’avais participé avec bonheur à la conquête du premier titre national. Ce soutien m’a fait un plaisir fou et si je ne suis pas découragé, avant de signer une belle fin de saison, je le dois en grande partie au public de Lyon « .

Délicieux,… mais la région de Lyon n’est-elle pas la capitale de la gastronomie française ?

Gerland avait évidemment été rafraîchi pour les besoins de la Coupe du Monde 1998. Mais qui n’avance pas recule et le stade est bien entendu un des principaux leviers des idées du président, Jean-Michel Aulas. Gérard Colomb, maire socialiste de Lyon, est un supporter acharné des Gones. Il mesure mieux que personne tout ce qu’un club performant peut apporter au city marketing pour reprendre une expression anglaise. Quand une cité a la chance de compter sur une telle vitrine, cela vaut lourd. A condition aussi que le stade soit situé dans un bel écrin. C’est le cas à Lyon mais cela peut être amélioré.

Le maire et le président ont décidé de dynamiser tout le quartier. Pour ce faire, le club investira dans les environs du stade (OL Store) alors que la Ville avancera 5,7 millions d’euros pour la rénovation des tribunes et des loges de ce stade municipal.

Les subventions seront réduites de 1,3 millions à 826.000 euros. Le club était hébergé gratuitement dans le stade jusqu’à présent. Ce ne sera plus le cas et les Gones devront avancer une somme de 600.000 euros par an afin d’utiliser leur antre de Gerland. Mais, heureusement, l’OL ne devra plus payer de taxes sur les spectacles à partir de 2004, soit une économie de 1,2 millions d’euros par exercice. Jean-Michel Aulas aurait préféré que le club soit propriétaire du stade mais sait qu’on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre avec le sourire de la crémière en prime. Le club et la ville ont signé une convention très précise le 27 mai. Lyon et son club ont mis les petits plats dans les grands afin de bien préparer l’avenir. Rien n’est laissé au hasard : c’est une condition essentielle. Le stade est le costume de l’équipe, de ses supporters, de toute la région : Lyon n’est pas guindé dans son smoking. Il ne lui manque plus qu’un n£ud papillon européen. Jean-Marie Aulas l’aurait déjà commandé que cela n’étonnerait aucun spectateur du chaudron de Gerland.

Budget de l’exercice écoulé : 101 millions d’euros. Impressionnant mais ce n’est qu’un début. Lyon veut faire mieux en France et à l’étranger. Deux exemples de ce qui peut se faire extra muros afin que le club, sans se comparer à Manchester United ou au Real Madrid, grandisse. Lyon participe de plus en plus à de grands tournois à l’étranger (comme la Coupe de la Paix en Corée du Sud, cachet : 4 millions d’euros) et ces exhibitions positionnent le club sur de nouveaux marchés. Renault Trucks, présent sur les maillots (10 millions d’euros pour trois ans) a présenté un nouveau camion dans le monde entier en tournant un spot publicitaire avec la participation des joueurs de l’Olympique Lyonnais. Le club compte 110 employés, dont les joueurs, et engrange des bénéfices chaque année. La saison passée, la poire pour la soif s’est élevée à 840.000 euros et il y a 40 millions d’euros dans un bas de laine. Cela permet au club d’être généreux : un quart du noyau gagne deux millions d’euros par an.

Les droits de télévision n’étant pas sans limites, Lyon a régénéré son merchandising, a une agence de voyages, une télé (OL Télé), une chaîne de restos, etc. Les droits de TV représentent encore 46 % des recettes pour 12 % au sponsoring et à la publicité, 12 % à la billetterie, 16 % aux indemnités de transferts et 13 % au merchandising et autres produits. Ce dernier poste est en plein développement avec des tas de nouvelles enseignes : OL Music, OL Café, OL Taxi, OL Coiffure, OL Esthétique, etc. Chaque licencié profite de l’aura du club et doit, en contrepartie, verser des royalties au club : entre 2 et 7 % de son chiffre d’affaires. OL Boissons devrait vendre 100.000 bouteilles de vins, pas mises en bouteilles au Château Gerland, mais portant les armoiries d’un club à qui toute une région s’identifie totalement. L’agglomération de Lyon compte 1.262.000 habitants : un zeste de plus que Bruxelles seulement, cela peut faire réfléchir.

E-mail : OL@olympiquelyonnais.com

Site officiel : http://www.olympiquelyonnais.com

Champion de France : 2002 2003

Coupe de France : 1964 1967 1973

Coupe de la Ligue : 2001

Pierre Bilic

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