1. Les cas douloureux

Derrière les larges baies vitrées de la Maison de Verre se nouent parfois de vrais problèmes dont le public n’a jamais connaissance.

Les exemples de l’indécision et du manque d’action de l’UB sont légion, affirment les initiés.

« Il y a un énorme décalage entre les joueurs, le staff médical et logistique, qui sont extrêmement professionnels, et les dirigeants de l’Union Belge, qui ne sont qu’une bande d’amateurs. Même le mot scandaleux n’est pas assez fort pour traduire la situation ». Ce sont les propos d’un professeur d’université belge au Japon qui, à la demande de l’entourage de l’équipe nationale, a aidé les joueurs et le staff à quelques reprises durant le dernier Mondial. Il l’avait déjà fait lors de la Kirin Cup en 1999, quand il était apparu que les bagages de l’équipe nationale étaient restés en rade quelque part et que les problèmes s’accumulaient.

« Là, on pouvait penser que c’était la première fois qu’ils venaient en Asie. éa peut arriver à tout le monde. Trois ans plus tard, j’ai compris que ce n’était pas une exception mais la règle », dit le même professeur.

Mais comment vit finalement la fédération belge de football ses propres problèmes? Commençons par trois situations que les victimes ne veulent pas commenter par crainte de représailles. D’entrée, on perçoit que l’ambiance de travail est particulièrement détestable à l’UB.

Le coup de sang du Dr Garitte

En décembre 2000, après avoir passé un an et demi à faire le tour du troisième étage de la Maison de Verre (l’étage de la direction), le médecin de l’UB Damien Garitte a adressé une lettre à Jan Peeters, alors secrétaire général, lui annonçant ne plus vouloir faire partie du staff de l’équipe nationale A aussi longtemps que Robert Waseige en serait le sélectionneur…

Vexations? Mauvaises longueurs d’ondes? Allez savoir.

Alain Courtois, le successeur de Peeters, en est arrivé à la conclusion que le management du personnel à l’Union Belge laissait à désirer. Dans sa lettre d’adieu au personnel, il a évoqué « un manque de respect » dans la culture de l’entreprise.

Pas de promesse pour le scout Piet Huys

Piet Huys gérait l’administration du scouting. Il était secrétaire de la commission technique et secrétaire privé du sélectionneur, pour lequel il réglait la paperasserie professionnelle et privée. Etait, car, à son retour de vacances, après le Mondial, il a appris qu’il était démis de ses fonctions. Nul ne lui en avait touché un mot et ses questions n’ont reçu aucune réponse. Maintenant, Huys s’occupe des équipes de jeunes et du football féminin.

Dégâts matériels pour Luc Deville

Après Belgique-Bulgarie, le premier match de qualification pour l’EURO 2004, sous la direction d’ Aimé Anthuenis, le nouveau sélectionneur, Luc Deville a démissionné de son poste de responsable du matériel. Il avait découvert qu’il n’y avait plus de place sur le banc pour lui, dorénavant. Anthuenis préfère avoir à ses côtés Jacky Munaron, l’entraîneur des gardiens. Il s’agit d’une question de priorités mais il y a matière à discussion. On estime la réaction de Deville « disproportionnée ». Les motifs de sa décision sont plus profonds. « On lui a rit au nez », raconte-on. « C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ».

Le seau de Luc Deville, adjoint à l’équipe A par Georges Leekens, était rempli depuis belle lurette. Il y a un antécédent: le Mondial 1998. Quand l’UB avait oublié d’organiser le transport du matériel à l’hôtel des joueurs en France. La veille de l’arrivée des Diables Rouges dans leur retraite hexagonale, Deville avait donc dû, en toute hâte, rejoindre le sud, avec un véhicule de location bien trop petit. Un léger accident de circulation a même failli priver les internationaux belges de ballons, de chaussures et de maillots.

L’insupportable légèreté de Karel Vertongen

Le jour où Robert Waseige a annoncé son départ au Standard, Karel Vertongen, le président de la commission technique, a affirmé aux journaux que seules manquaient encore les signatures à la prolongation du contrat du sélectionneur…

Alors qu’Anderlecht et la direction de l’UB avaient trouvé un accord au Japon, concernant Aimé Anthuenis , il a eu des entretiens avec René Vandereycken et Eric Gerets

Durant la semaine où Anthuenis a proposé Eddy Snelders comme nouvel adjoint, Vertongen a suggéré que le sélectionneur choisirait un bras droit francophone…

Le président de la CT a affirmé avoir trouvé un accord sur les primes de qualification pour l’EURO, alors que deux jours plus tard, Bart Goor, le capitaine, a déclaré qu’il n’était pas au courant…

Et puis, que dire de la campagne actuelle de l’EURO 2004 avec quatre matches à l’extérieurde suite!

400.000 dollars pour le Costa Rica

Avant le Mondial asiatique, Robert Waseige n’a jamais obtenu d’adversaire sud-américain comme il l’aurait souhaité. Il y a eu des contacts avec l’Uruguay et le Mexique, qui étaient même disposés à disputer la rencontre aux Etats-Unis, pour le confort de la délégation belge. Pour son dernier match amical en terre japonaise, la Belgique aurait même pu croiser le fer avec le Brésil ou l’Argentine, mais ça devait être décidé des mois à l’avance alors que l’UB a préféré attendre, dans l’espoir de devoir débourser moins que les 200.000 dollars prévus.

En mars 2002, lors du workshop qui a réuni les 32 nations participantes à Tokyo, Jan Peeters, le président de l’UB, et Karel Vertongen, celui de la commission technique, n’ont pas fait l’effort de déterminer un adversaire. Finalement, il a fallu cracher 400.000 dollars pour que le Costa Rica accepte de servir de sparring-partner aux Diables Rouges!

Ce match amical a d’ailleurs provoqué une belle bagarre entre les dirigeants, pendant le Mondial. Germain Landsheere, le trésorier, qui ne devait rejoindre la délégation que plus tard, avait bien expliqué qu’il était exclu d’effecetuer la moindre transaction financière en son absence. Peeters a quand même pris cette initiative et Jean-Paul Houben a conclu le deal de 400.000 dollars avec le Costa Rica. N’étant pas habitué à de telles négociations, il s’est encore fait rouler dans la farine par la partie adverse, qui a compris que le secrétaire général avait le couteau sur la gorge, si peu de temps avant le début du tournoi. Bilan, l’UB a en plus payé les frais d’hôtel des Sud-Américains ainsi que leur vol aller-retour entre la Corée du Sud et Kumamoto…

Autant la tempête a été violente, autant elle s’est rapidement calmée. « C’est typique », affirme un employé de l’UB. « Quand il le faut, Peeters, Houben, Landsheere et Vertongen serrent les rangs et sont incroyablement solidaires dans leur esprit d’étouffer les choses. Pour une grande partie du personnel, c’est très frustrant ».

Robert Maes: homme de confiance désavoué

Jamais la Belgique n’aurait dû se mettre à plat ventre devant le Costa Rica, dit-on, si Robert Maes avait bien fait son boulot. Maes, un consultant en marketing sportif qui a surtout travaillé en athlétisme, en Belgique, a rejoint le Japon en 1995 pour y lancer sa propre affaire. Il a conclu un accord avec l’UB en 1999, pour la représenter en Asie, en prévision du Mondial qui allait y avoir lieu. D’autres firmes, dotées de dossiers attractifs, se sont présentées à Bruxelles sans jamais être reçues par la direction ni même voir leurs propositions étudiées. Maes a tenu une colonne très couleur locale sur le Japon dans nos colonnes dans les semaines précédant la Coupe du Monde, rappelons-le aussi.

L’impression de prévoyance que donnait l’UB s’est muée en méfiance quand elle a reçu des informations sur Maes, en provenance du monde de l’athlétisme. « Pas de ma part », rigole Paul Eerdekens, manager de l’AV Toekomst durant les années de gloire de ce club. C’est là qu’il a fait la connaissance de Maes, qui voulait y affilier son épouse polonaise, une athlète. « Pour Bob, c’est aujourd’hui qui compte. Demain ne l’intéresse pas », explique Eerdekens. « Il se lasse vite, il cherche l’aventure mais ne finit pas toujours ce qu’il a entrepris. Il promet beaucoup et se met sous pression pour atteindre son objectif. éa lui procure son kick. En général, toutefois, il ne parvient pas à concrétiser totalement ses promesses. Le connaissant, c’est ce qui a dû se passer avec l’UB. Mais il a des qualités. Je suis certain qu’il a beaucoup apporté à la fédération. Seulement, il faut le contrôler. Dans notre collaboration, grâce à son flair, il se chargeait des contacts et je concluais les deals. C’est là que l’UB a failli, à mon sens ».

La direction de l’UB s’était penchée avec angoisse sur le dossier du Mondial, sans trop savoir ce qu’il lui appartenait de préparer. Au point que les personnes concernées ont longtemps ignoré le nombre exact de chambres mises à la disposition de la délégation à Kumamoto.

Puis, on apprit qu’il n’y avait même pas de contrat avec l’hôtel. En fait, le contrat était au nom de l’entreprise de Maes et pour le mettre sous celui de l’UB, il a fallu entamer de nouvelles négociations. Mais on avait déjà mis fin à la collaboration de Maes et, sur place, plus rien n’allait. Maes aurait aussi vendu des billets d’entrée qui n’existaient pas! La rupture a eu lieu en décembre 2001, dit-on, sous la pression de Germain Landsheere et parce que Robert Waseige, qui n’avait toujours pas de matches en terre japonaise, commençait à se poser des questions.

C’était Jan Peeters, alors secrétaire général, qui avait signé le contrat de Maes en juin 1999, prévoyant une commission de 20% sur les bénéfices éventuels que l’UB réaliserait grâce à lui en épargnant les sommes dévolues par la FIFA pour les frais de séjour et autres pendant la Coupe du Monde et les rentrées en sponsoring et autres qu’il fournirait en Corée ou au Japon, dans le cadre de la Coupe du Monde 2002.

Mais les deux parties mirent fin à la collaboration en décembre 2001. Maes: « On m’a accusé de vouloir gagner de l’argent sur la vente des billets. J’ai immédiatement répondu, par écrit, que je ne voulais plus rien avoir à faire avec l’UB. Peu m’importait de perdre quelques milliers de dollars, car j’en avais déjà investi sept ou huit fois plus et je négocie des contrats de 100, 150 millions de dollars. Au Japon, je me suis toujours efforcé d’optimaliser les gains de l’UB, par tous les moyens. Pour la billetterie, j’avais imaginé un système qui impliquait la population locale, comme les Allemands et les Français l’ont fait. Les gens de Kumamoto avaient la possibilité de devenir membres d’un club de supporters des Diables Rouges. Pour 15.000 yens, ils devaient recevoir une écharpe, une casquette,un t-shirt et un billet de loterie qui pouvait leur permettre de gagner un ticket pour un match. J’aurais fait venir Paul Eerdekens pour préparer les deux matches amicaux et je suis certain que nous aurions joué les deux fois dans un stade comble. Nous allions ouvrir des fanshops locaux, faire de la promotion dans les écoles. Asai Newspapers était prêt à payer pour quatre panneaux et de la publicité sur les survêtements lors des deux matches amicaux mais avec l’UB, tout allait beaucoup trop lentement. Ils n’ont pas le moindre sens commercial. Ils ne comprennent donc pas ce qu’ils perdent.

En fait, ma collaboration avec l’UB a été parfaite jusqu’au tirage, face au pays organisateur. Les ennuis ont commencé quand il a été possible de gagner beaucoup d’argent. On a mis en place une véritable machination pour jeter le discrédit sur mon entreprise – Desert Fish – au profit de BMC, une société de Schelle qui possède les droits de marketing et de licences de l’UB. La Fédération a manifestement oublié que grâce à moi, elle n’a pas dû payer un franc pour l’hôtel ni le terrain d’entraînement ».

Jan Hauspie, Peter ‘t Kint, Christian Vandenabeele

« Les techniciens sont très pros mais les dirigeants amateurs. La situation est scandaleuse »

« Peeters, Houben, Landsheere et Vertongen serrent parfaitement les rangs pour étouffer les choses »

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