1,8 million pour quoi ?

Avec une équipe new-look, le Sporting est parti dans une course contre-la-montre pour le maintien.

Tambour et trompette, le nouveau Sporting de Charleroi est arrivé. Et on n’était pas les seuls curieux à s’être déplacé au stade du Pays de Charleroi pour voir cette équipe new look. Alors que le stade se vidait ces dernières semaines, ils étaient plus de 7.000 à avoir rallié l’ancien Mambourg par curiosité. Et pour croire à l’opération rachat, un formidable défi qui consiste à ramener des points de chaque match encore à disputer. Autant dire mission délicate, voire impossible.

Mais cela a commencé contre Malines. Un point pris – ce qui a permis tout de même à l’entraîneur hongrois Czaba Laszlo d’améliorer son ratio de 50 % puisqu’il n’avait conquis que deux points sur 39 – et un record négatif évité (celui de la plus longue série de défaites enregistrée par Felix Week en 1978-1979 lorsque Charleroi avait aligné huit défaites de rang). Laszlo en restera à sept défaites. C’est déjà cela de pris : on s’accroche au moindre signe positif.

 » On n’a pas pris de buts et on s’est battu tous ensemble sans rien lâcher « , disait Peter Franquart.  » Le vestiaire a changé. Il est plus soudé, plus serré. C’est complètement différent. La dynamique est lancée « , rajoutait le président Abbas Bayat.  » Même si on est un peu pressé par le temps, on prend un point sur nos concurrents directs que sont le Lierse et Eupen, on stoppe la spirale négative et on a préservé nos cages « , concluait Frank Signorino, le nouveau back gauche.

Et pourtant, le Sporting est toujours à cinq points du Lierse (où il se déplace samedi) et à huit d’Eupen. Vendredi, la veille de la reprise contre Malines, il se chuchotait dans les couloirs du stade que si les Zèbres ne gagnaient pas, cela semblait déjà cuit. On ne peut reprocher au président Bayat de ne pas y croire et de ne pas s’être doté des moyens de ses espérances. Au total, il a sorti 1,8 million d’euros (1 million pour les transferts, 800.000 pour les salaires). Neuf nouveaux joueurs, tous acquis assez tôt afin qu’ils soient prêts pour la reprise. Deux encore en attente de conclusion (un médian défensif et un attaquant).  » L’objectif reste le maintien direct. Est-ce qu’on sera un peu court ? Je n’espère pas mais si on termine à la quinzième ou seizième place, on sera prêt pour les barrages ! « , admet Bayat.

Une nouvelle équipe, un nouveau capitaine

Mais que vaut cette nouvelle équipe ? Difficile à dire. Sur papier, elle semble très prometteuse, avec un mélange de joueurs revanchards, expérimentés et d’éléments susceptibles d’apporter une plus-value à la revente. Sur le terrain, face à un Malines déforcé, elle a manqué de génie pour emballer la partie. Par contre, sur le plan défensif, elle est solide. Seul Samuel Fabris, sans doute parce que l’Espagnol Javier Martos n’était pas encore qualifié, avait survécu dans la ligne arrière. Le gardien Rudy Riou, le Slovène Elvedin Dzinic, l’Israélien Matan Ohayon et le Français Signorino sont des joueurs sûrs et sobres.

Une nouvelle atmosphère, une nouvelle équipe, un nouveau capitaine : on a donc tout changé au Sporting. Ah non, il y a toujours le même entraîneur qui joue sans doute sa place sur les deux prochains matches. Désormais, il dispose d’une équipe compétitive.

Pour faire place à ses nouveaux renforts (et pour essayer d’alléger la masse salariale), le Sporting a placé 12 joueurs dans le noyau B. Et grosse surprise, le capitaine Maxime Brillault faisait partie du lot. Pilier de Charleroi depuis le début de la saison, aligné à dix-huit reprises comme titulaire, rien ne prédisposait le Français à rejoindre le camp des bannis. Les dirigeants se montraient d’ailleurs bien ennuyés par les questions sur ce sujet.

-Pourquoi avoir changé de capitaine ?

-Laszlo : Car j’ai choisi Riou.

-Ce n’est pas une réponse…

-Laszlo : Il fallait établir un objectif. Il nous fallait un leader naturel, quelqu’un pour lequel tout le monde avait du respect, quelqu’un qui avait une carrière et qui pouvait s’ériger en modèle tant dans le vestiaire qu’en dehors.

-Vous ne répondez pas à la question : je ne demande pas pourquoi vous avez opté pour Riou mais pourquoi vous avez changé de capitaine. Est-ce que cela signifie que Brillault ne possédait pas ces qualités ?

-Laszlo : Je ne vous parle pas de Brillault mais bien de Riou. Brillault n’est plus là, il est dans le noyau B. Il nous fallait donc un nouveau capitaine.

-Je vais donc poser ma question autrement : pourquoi avoir mis Brillault dans le noyau B ?

-Laszlo : C’est un choix sportif mais pourquoi poser cette question ?

-Cela nous paraît légitime de se demander pourquoi un capitaine, quelqu’un qui vous servait de relais sur le terrain et qui a un statut particulier, se retrouve du jour au lendemain dans le noyau B.

-Laszlo : C’est notre décision et je ne discute pas le pourquoi.

Pourquoi donc tourner autour du pot ? Si Laszlo a bien choisi le nom des 11 autres bannis  » pour dégraisser le noyau et arriver à donner des entraînements à un groupe de 25 joueurs « , celui de Brillault lui a été imposé par le président himself, ulcéré par certaines revendications du joueur qui s’exprimait toujours au nom du groupe.

Reste qu’il y a donc un nouveau capitaine : Rudy Riou. En à peine une semaine, l’ancien gardien de Montpellier et doublure de Steve Mandanda à Marseille, 31 ans, a déjà fait l’unanimité.  » J’ai toujours eu tendance à gueuler sur mes défenseurs pour les tenir en alerte. Capitaine ou pas « , affirme-t-il. Samedi, Riou n’a pas eu beaucoup d’arrêts à effectuer mais il a montré une sérénité et une sûreté, rarement vue cette saison dans les cages du Sporting.

 » C’est un compétiteur « , explique son agent, Christophe Hutteau qui s’occupe également des intérêts de… Brillault.  » Mais il ne voulait pas aller jouer n’importe où. C’est un grand professionnel qui compte plus de 200 matches en Ligue 1. A Charleroi, il peut apporter son métier et son expérience et on peut dire que le Sporting récupère un joueur qui a les dents qui traînent par terre. D’autant plus qu’il n’a que quatre mois pour montrer ses qualités.  »

Riou, qui arrivait en fin de bail à Marseille, a négocié une rupture de contrat avec son ancien club avant de signer un prêt de six mois avec Charleroi. Cela signifie qu’il est libre de tout engagement (Charleroi n’a rien dû payer pour son prêt) mais qu’il a quand même négocié le versement des six derniers mois de salaire à l’OM. Les Marseillais prennent donc en charge les trois quarts de son salaire.

 » L’OM économise un quart de son salaire et c’est aussi une façon de le remercier pour services rendus « , dit Hutteau. Par contre, pas question pour Riou de prolonger à Charleroi à l’issue de la saison.  » C’est temporaire. C’est un prêt sec sans option d’achat car Charleroi serait incapable d’assumer son salaire complet. « 

Riou a donc accepté un challenge sportif. Sûrement pas financier.  » C’est bien connu : on ne s’enrichit pas à Charleroi « , conclut Hutteau.

La colonie israélienne

Outre Riou et Signorino, l’équipe carolo a également sondé d’autres marchés. Tous étrangers parce qu’il s’agissait de la volonté d’Abbas Bayat de ne pas prendre d’éléments issus du championnat de Belgique. Alors que beaucoup lui conseillaient de s’attacher les services de joueurs écartés dans les différents clubs de D1 afin que le temps d’adaptation au championnat belge soit réduit, Bayat a refusé. Pourquoi ? Selon lui, il fallait apporter de la fraîcheur. A savoir des joueurs qui arrivent à Charleroi sans a priori. Cet argument tient la route. Mais Charleroi séduit-il encore en D1 belge ? Poser la question, c’est en partie y répondre. Abbas Bayat avait-il d’autres choix que de se tourner vers des championnats étrangers ?

C’est donc pour cette raison que le Sporting est allé se fournir dans le championnat israélien. Il a passé par un seul agent, Dudu Dahan, qui avait notamment conduit les Strul, Ziv et Golan à Lokeren, Toama et Gershon au Standard, ainsi qu’ Arbeitman à Gand. Alors qu’Abbas Bayat avait juré ses grands dieux qu’il ne confierait plus les transferts à un seul agent comme à l’époque de Didier Frenay, le voilà qu’il transfère quatre joueurs ( Dudu Biton, Tamir Cahalon, Dzinic et Ohayon) du même agent ! Quand on n’a pas le choix, on assouplit donc ses propres règles…

Samedi, les quatre hommes étaient alignés. L’axe défensif Dzinic-Ohayon a fait belle impression, avec le second dans un rôle proche de celui d’un libero et Dzinic de stopper.

 » Ohayon, ce n’est pas un défenseur dans le style Daniel Van Buyten « , explique Dahan.  » Mais il peut être très précieux malgré son 1m78. Il est très rapide et pourrait faire du 100m. Il ne fait pas souvent d’erreurs et joue sobrement. Il était d’ailleurs considéré comme le meilleur défenseur en Israël « . Issu d’Ashdod, il était également courtisé par Gand mais Charleroi s’est montré plus convaincant. Acheté 400.000 euros, il a signé un contrat de cinq ans.

Son compère défensif faisait, lui, partie du noyau slovène lors de la dernière Coupe du Monde.  » Dzinic a une forte personnalité. Il est très agressif, grand, fort et dispose d’une bonne technique « , explique Dahan. Arrivé gratuitement, il provient de Maribor où il était resté sept ans.

Un cran plus haut dans le jeu, Cahalon, c’est un peu l’artiste maudit. Très fort techniquement, il a parfois tendance à s’emmêler les pinceaux. Gueulard, il n’hésite pas à dire à l’arbitre sa façon de penser. Loué par le Maccabi Tel-Aviv où il ne s’était pas imposé, il a montré de bonnes choses contre Malines.

 » C’est le type de joueur que tout entraîneur voudrait avoir dans son noyau « , explique Dahan,  » Il sait tout faire et peut jouer à plusieurs places. En un contre un, il est très bon et tactiquement, il sait varier son jeu. Je peux le comparer à un Oleksandr Iakovenko.  »

En attaque, Dudu Biton constitue LE renfort du mercato. Meilleur buteur du championnat avec l’Hapoel Petah Tikva, il a été acheté 500.000 euros (soit le deuxième transfert le plus cher de l’ère Bayat après Cyril Théréau).  » Il n’a que 22 ans et il a déjà intégré l’équipe nationale israélienne « , loue Dahan.  » Il est rapide, agressif, bon dans le trafic aérien. Bref, un numéro neuf typique. Beaucoup de clubs israéliens étaient prêts à payer le double mais je lui ai conseillé de choisir un club où il était certain de jouer. Dans les grands clubs, il aurait fait banquette. Or, un attaquant a besoin d’être sur le terrain pour sa confiance. Ici, s’il arrive à sauver Charleroi, il deviendra un héros. Pour moi, il est plus fort qu’ Igor de Camargo pour lequel Mönchengladbach a déboursé 4 millions. Il ressemble aussi à Tom De Sutter mais avec une meilleure technique.  »

PAR STÉPHANE VANDE VELDE

Au total, Abbas Bayat a sorti 1,8 million d’euros (1 million pour les transferts, 800.000 pour les salaires).

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