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Les trois raisons du succès portugais

Le Portugal a réussi cette année à placer trois clubs en demi-finales de l’Europa League. Une performance qui paraît incroyable pour un pays qui compte à peine plus d’habitants que la Belgique. Mais cela ne constitue pas une surprise pour la plupart des observateurs. Robert Waseige a entraîné pendant plusieurs mois au Portugal. « J’avais surtout du mal à comprendre que ça ne soit pas arrivé plus tôt! », s’exclame-t-il. Quels sont donc les éléments qui ont permis au football portugais de s’imposer sur la scène européenne ?

1° La gestion financière : fini de jeter l’argent par les fenêtres

En football, l’argent conditionne les résultats des clubs ainsi que la hiérarchie européenne. C’est pourquoi l’argent, ou plutôt le manque d’argent, est devenu l’argument principal des clubs belges pour justifier de piètres résultats. Mais le Portugal déjoue quelque peu le mythe de l’argent-roi. Ce petit pays n’est pas vraiment riche, ses clubs non plus. Les deux plus grands clubs lusitaniens, Porto et Benfica, ont un budget qui tourne autour des 50 ou 60 millions d’euro par ans. Une équipe comme Braga a un budget inférieur à celui des cinq premiers clubs belges (environ 12 millions). On est donc bien loin des sommes dont disposent les clubs comme Barcelone, le Real ou Manchester United. Par contre, il est très rare qu’un joueur qui passe par le championnat portugais perde de la valeur, bien au contraire.

« La plupart des clubs portugais réalisent de très bons transferts et en tirent de gros bénéfices. Des joueurs comme Hulk ou Falcao, pour ne citer qu’eux, ont été achetés pour quelques millions d’euros et sont voués à partir vers des clubs du top européen pour plusieurs dizaines de millions! », confirme Nelson Marquez du journal A Bola. Cet argent, qui s’ajoute aux budgets initiaux, permet aux équipes portugaises de recruter des joueurs impayables pour les clubs belges. Et le cycle continue avec la revente du prochain prodige. La force du football portugais est d’être actuellement un des meilleurs tremplins vers les grands clubs européens.

« A qualité égale, un joueur qui évolue dans le championnat portugais vaut toujours plus qu’un joueur qui vient du championnat belge », estime Rodrigo Beenkens. « A l’heure actuelle, les clubs belges ne savent plus investir que dans des joueurs de troisième niveau (ex: Kanu du Standard) tandis que les Portugais tablent sur des joueurs du deuxième niveau (ex: Luisao de Benfica), le premier niveau étant réservé aux clubs du top européen. »

Grâce à l’argent dégagé par de juteux transferts, les clubs lusitaniens disposent des liquidités nécessaires pour acheter ces joueurs du deuxième niveau, en tous cas en partie. Il faut savoir que beaucoup de joueurs sud-américains appartiennent en partie à des fonds d’investissement et en partie à des clubs. Par exemple, quand un joueur appartenant à un fonds d’investissement signe avec Porto, il n’appartient contractuellement qu’à 50% au club, les autres 50% restant la propriété du fonds d’investissements. A la revente, les deux propriétaires font moitié-moitié. Et si le joueur prolonge son contrat avec le club, le fonds d’investissement lui revend le plus souvent une partie supplémentaire du joueur afin de limiter les risques financiers. Un tel système est très peu utilisé en Belgique pour deux raisons essentiellement: soit les joueurs sont quand même trop chers, soit le fonds d’investissement préfère placer son joueur dans un championnat plus huppé.

Et puis, il ne faut pas oublier que le foot portugais a eu le courage de balayer devant sa porte, voilà plusieurs années. Les grands clubs sont désormais cotés en bourse, ce qui implique qu’ils doivent rendre des comptes à leurs actionnaires. Ils ont donc dû opérer un redressement drastique de leurs finances. Finies les dettes et les dépenses inutiles, place à l’efficacité. Ils ont décidé d’acheter moins de joueurs, mais plus de valeurs sûres et d’investir dans la formation. Pourquoi aller chercher à l’étranger ce dont on dispose chez soi?

2° La formation : un club, une académie La qualité de la détection et de la formation des jeunes au Portugal est incomparable avec ce qui se fait en Belgique. Chez nous, quels sont les bons centres de formation? Le Standard, Genk, Anderlecht, mais c’est à peu près tout. Au Portugal, tous les clubs de D1 possèdent des centres de très bonne qualité, qui pratiquent une formation assez homogène. L’avantage est énorme: quand un joueur formé dans un club comme Braga ou Guimaraes est vendu et arrive à Porto, il est susceptible de s’adapter très vite. En Belgique, les différences dans la formation des jeunes font que, bien souvent, un jeune ayant débuté dans un petit club a toujours du mal à faire son trou dans un grand. De plus, la formation portugaise se base principalement sur la rigueur et l’organisation. Si ces deux points sont bien maîtrisés, un joueur peut s’intégrer dans n’importe quel style de jeu. C’est pourquoi Nelson Marquez trouve que: « Le championnat portugais est très compétitif. Il n’y a pas beaucoup de stars mais beaucoup de bons joueurs. De plus, la qualité tactique de toutes les équipes est assez élevée. »

Le catalyseur de cette formation homogène, ce sont les entraîneurs. « La plupart des équipes portugaises sont coachées par des entraîneurs portugais », constate Beenkens. « Prenez l’exemple d’un garçon comme André Vilas Boas : il a à peine 34 ans et pourtant il est à la tête du FC Porto. Non seulement il y a de bons entraîneurs au Portugal, mais en plus les clubs leur accordent rapidement une chance. Impensable en Belgique! »

Enfin, même si l’on se balade dans des régions reculées du Portugal, la probabilité est grande de tomber sur une école Dragon Force. Ouvertes depuis 2008 par le FC Porto, ces petits centres de formations sont chargés de repérer et de former les jeunes Portugais, âgés de 4 à 14 ans, un peu partout dans le pays.

3° La politique sportive: la bonne personne à la bonne place

Au Portugal, comme dans beaucoup d’autres pays, les grands clubs se tirent dans les pattes mais par contre, ils laissent vivre les petits. Pourquoi ? Parce qu’ils savent que ceux-ci constituent autant de viviers dans lesquels se développent leurs futurs joueurs. Tout le contraire de ce qui se passe en Belgique, en somme. Chez nous, les grands clubs se sont alliés entre eux et ils utilisent leur force pour faire plier les petits. Du coup, ces derniers en ont marre et ne collaborent qu’à contrecoeur. On se retrouve alors avec des cas comme Saint-Trond qui se montre actuellement intraitable avec Anderlecht dans le cas du transfert de Denis Odoi. Pourtant, tout le monde gagnerait à collaborer.

Pour Beenkens, ce qui distingue les gestions sportives belge et portugaise, c’est le choix des hommes. « Là-bas, les directions de clubs ont compris que ce n’était pas à elles de s’y connaître en foot mais bien de s’assurer que dans toute la structure du club, il y ait des gars qui s’y connaissent vraiment. A Braga, le directeur sportif est Fernando Couto. A Benfica, c’est Rui Costa. Chez nous, heureusement qu’il y a la presse pour profiter de l’expérience des anciens joueurs ! »

Anthony Planus (Stg)

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