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Les frères Musonda : le futur des Mauves

Anderlecht ne peut que se féliciter de compter dans ses rangs les trois fils de Charly Musonda : les talentueux Lamisha, Tika et Junior. Rencontre avec Champagne Charly, ex-gloire du Sporting.

Beaucoup s’accordent à dire que Charly Musonda est le meilleur demi défensif que le RSCA ait connu durant ce dernier quart de siècle. Surnommé Champagne Charlie, l’élégant Zambien n’avait pas son pareil pour arracher les ballons dans les pieds d’un adversaire avant d’en faire invariablement un judicieux usage. Il aurait sans doute eu rang de meilleur footballeur de tous les temps dans son pays si sa carrière n’avait pas été entravée par une blessure chronique au genou, qui l’obligea à quitter pour de bon les terrains la trentaine en vue.
Treize ans après sa retraite, son nom refait à nouveau surface au Parc Astrid, mais par ses trois fils interposés. Le plus âgé, Lamisha (19 ans) vient effectivement d’être incorporé dans le noyau A. Le deuxième, Tika (17) a souscrit, à l’instar de l’aîné, un contrat de deux ans. Quant au petit dernier, Junior (14), il s’est engagé par la voix de son père à jurer fidélité au Sporting jusqu’en 2018. Une affaire en or pour le club bruxellois, quand on sait que le gamin était courtisé par tous les grands d’Europe, sans la moindre exception.

Quelle est ta part de mérite dans la percée de tes fils ?

Charly Musonda : Chez nous, le ballon et le vélo ont toujours fait partie de la famille. A la différence près qu’aucun de mes fils ne sait rouler alors qu’ils se débrouillent tous plutôt bien comme joueurs. Aussi loin que je me souvienne, nous avons toujours joué des petits matches, en famille, sur l’aire de jeu située derrière l’immeuble où nous résidions, boulevard Sylvain Dupuis, non loin du Parc Astrid. Mon épouse, au but, faisait équipe avec Junior et moi, tandis que sa s£ur, qui était au-pair à la maison, prenait place dans le goal adverse avec Lamisha et Tika comme partenaires. Au départ, ces confrontations tournaient toujours à l’avantage des deux grands, ce qui entraînait une crise de pleurs chez le plus jeune, qui devait avoir quatre ou cinq ans à l’époque. Pour le consoler, je n’ai jamais cessé de lui rappeler que la victoire finirait bien un jour par changer de camp. Et dès qu’il a fait partie des U11 à Anderlecht, ce fut le cas. Les Musonda père et fils cadet étaient imbattables. Du coup, c’étaient les deux autres qu’il fallait consoler à la maison (il rit). Finalement, c’est à cause de moi qu’on a stoppé ces bonnes habitudes il y a quelques mois à peine. Pour la bonne et simple raison que je ne parvenais plus à suivre le rythme. Les trois prenaient également un malin plaisir à s’acharner sur moi. Ils me tournaient en bourrique lors des toros. A la longue, j’en ai eu plus qu’assez ( il rit). A Neerpede, on a fait pas mal d’heures sup aussi. Je plaçais l’armature d’un petit but dans un grand et l’objectif pour eux était de tirer entre les deux barres transversales et les quatre piquets. Une méthode qui a porté ses fruits car lors du match des réserves entre Genk et Anderlecht, il y a quelques mois, Lamisha a effacé deux hommes avant de faire mouche d’une frappe croisée en plein dans la lucarne.

Ce contrat pro pour tes deux grands, n’était-ce pas une manière de te sensibiliser pour garder au club le frangin, considéré comme le plus doué ?

Toute reconnaissance a ses limites. Ce n’est pas parce que tu as logé, nourri et blanchi tes enfants durant des années qu’ils doivent à tout jamais te jurer fidélité. A un moment donné, une autre orientation s’impose s’ils veulent voler de leurs propres ailes. Il en va en football comme dans la vie : tant que tu te sens bien quelque part, il n’y a aucune raison d’aller voir ailleurs. Mais si ton horizon est bouché, un changement d’environnement s’impose. Si le Standard était disposé à accueillir Lamisha, pourquoi refuser cette opportunité s’il n’y avait pas d’avenir pour lui au Sporting ? L’Académie Robert Louis-Dreyfus a sorti de bons éléments aussi ces dernières années. Dès lors, pourquoi décliner l’offre ? Idem avec Lille dont la qualité du centre de formation a fait ses preuves aussi. C’est pourquoi il faut pouvoir faire de son c£ur une pierre. Même si j’avoue avoir été heureux, en définitive, que ces passages ne se sont pas produits. C’est vrai que je serai toujours éternellement reconnaissant envers tout ce que le club a fait pour moi. Je n’oublie pas que c’est à lui, et Michel Verschueren en particulier, que je dois d’être toujours en vie aujourd’hui. C’est lui qui s’était opposé au printemps 93 à mon rappel en sélection. Je souffrais du genou et il ne voulait pas prendre le moindre risque avec moi. A sa demande, j’avais dû refuser une convocation pour un match de qualification en vue de la Coupe du Monde 1994 au Sénégal. Après un ravitaillement à Libreville, un des moteurs de l’avion avait subitement pris feu. Si j’avais été du voyage, j’aurais péri au même titre que les 23 autres joueurs. Il n’aurait jamais été question dans ce cas de Tika et de Junior. Par la suite, Mister Michel a encore été formidable en procurant du travail à mon épouse Angela. Il aurait d’ailleurs aimé qu’en signe de reconnaissance, nous appelions notre troisième enfant Michel. Mais notre décision était déjà prise à ce moment : en cas de venue au monde d’une fille, elle allait porter le prénom de sa maman. Et, pour un garçon, c’était Musonda Musonda ou Musonda Junior.

Abondamment courtisé, ce dernier est lié au RSCA non pas jusqu’en 2013, comme ses frères, mais jusqu’en 2018. Pourquoi cette année-là précisément ?

Contrairement à Lamisha et Tyka qui ont signé un contrat en bonne et due forme, c’est un accord verbal qui lie le plus jeune au RSCA. Normal, puisqu’il n’a pas 16 ans. A cet âge-là, Romelu Lukaku avait paraphé un premier contrat de longue durée. Si Junior continue à progresser, il n’en ira sans doute pas autrement pour lui. En disant que son avenir se situe à Anderlecht jusqu’en 2018, j’ai surtout voulu envoyer un message bien clair aux candidats-acquéreurs en signalant qu’ils ne devaient pas insister pour l’engager. Au cours des derniers mois, j’ai été assailli de coups de fil. A la longue, j’ai même changé de numéro pour qu’on me fiche la paix. Tous les grands d’Europe voulaient Junior mais je n’ai répondu favorablement qu’à une seule invitation : celle du FC Barcelone. Mes trois gamins sont supporters du Barça et quand Junior a appris que le club nous proposait une petite visite de courtoisie, il a insisté pour que j’accepte. Nous nous sommes rendus à La Masia le lundi 23 mai. Au programme de la journée : un tour des installations, l’assistance à des séances de préparation et une explication de la philosophie du club. Si l’avion du retour n’avait pas été programmé en début de soirée, nous aurions pu assister aussi à une dernière mise en jambes des Blaugranas avant leur départ pour Londres le lendemain, en vue de la finale de la Ligue des Champions contre Manchester United le samedi suivant. Junior et moi ne sommes pas près d’oublier ces quelques heures là-bas. C’était très impressionnant. Personnellement, j’ai été sidéré par la qualité des jeunes. Xavi, Iniesta et consorts, c’est déjà fabuleux. Mais la relève semble tout aussi prometteuse. Pour moi, qui dispense journellement des entraînements individuels aux Purple Talents, entre 11 h 30 et 12 h 30 au Sint-Niklaas Instituut d’Anderlecht, j’ai sans doute appris quelque chose d’essentiel là-bas : l’important, ce n’est pas le joueur qui est en possession du ballon mais le mouvement qui est sans cesse créé autour de lui. Même en catégories d’âge au Sporting, les joueurs ont trop tendance à progresser balle au pied, faute de possibilités pour écouler le cuir. Au Barça, ce problème n’existe pas : il y a toujours deux solutions, au moins, pour le porteur du ballon.

On a parlé en long et en large de Lamisha et de Junior. Quid de Tika ?

Il aura été le premier international belge de la famille ( il rit). Le choix de la patrie ne s’est pas posé car la Zambie ne reconnaît pas le principe de la double nationalité. Comme mes fils sont tous les trois nés en Belgique, ils ne peuvent défendre que les intérêts des Diablotins et des Diables Rouges. Je suis fier que Tika ait obtenu un contrat dès l’âge de 16 ans. Certains doivent parfois patienter deux ou trois ans de plus avant de bénéficier de cette faveur. C’est la preuve qu’il est sur le bon chemin lui aussi. Le v£u le plus cher du trio est de jouer un jour ensemble en Première. Mais ce sera difficile. De la génération des U12 avec lesquels Lamisha a débuté, il ne reste plus personne aujourd’hui : Arnaud De Greef vient de se lier à Westerlo et Jordan Garcia Calvete a été prêté à Saint-Trond. Deux Lukaku en équipe-fanion, ce ne sera déjà pas évident en compétition officielle. Trois Musonda, cela relèverait du miracle. Il est toujours permis de rêver.

BRUNO GOVERS

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