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Les alpinistes reviennent sur le versant chinois de l’Everest

Dissuadés par la piètre régulation, l’encombrement et le changement climatique, de plus en plus d’alpinistes de l’Everest délaissent la traditionnelle voie d’ascension au Népal pour monter au sommet de la Terre par son versant chinois.

Avec 373 permis accordés par Katmandou à des montagnards étrangers au printemps 2017 – un record – les aspirants au sommet de 8.848 mètres, à cheval sur le Népal et la Chine, se bousculent sur les chemins de son flanc sud. À tel point que des opérateurs ont désormais décider de planter leur tente sur le versant nord, au Tibet.

Vétéran de l’Everest, Phil Crampton a annoncé que sa société Altitude Junkies grimperait désormais par la Chine, devenant le troisième organisateur d’expéditions à faire ce choix. « Le côté sud (au Népal, ndlr) est bien trop surpeuplé de gens inexpérimentés », déclare-t-il à l’AFP.

Un nombre croissant d’opérateurs étrangers de l’Everest réclame une surveillance accrue des expéditions bon marché qui ont proliféré ces dernières années, donnant la possibilité d’ascension à moindre coût. Ces nouveaux entrants proposent des formules à environ 30.000 dollars, quand les opérateurs les plus renommés peuvent en facturer au-delà de 65.000. Cette chute des prix a attiré tout un public d’aventuriers en quête d’adrénaline et de haute altitude, au risque d’oublier que la montagne peut aussi être synonyme de blessure et de mort.

Sept des dix alpinistes tués sur l’Everest au Népal ces deux dernières années étaient partis avec des opérateurs low-cost, selon des statistiques de l’Himalayan Database. « Ce qu’il s’est passé ces dernières années sur le versant sud est absolument intolérable », estime Lukas Furtenbach, fondateur de Furtenbach Adventures, opérateur qui s’est relocalisé l’année dernière en Chine par inquiétude des conditions de sécurité au Népal.

Pour ses critiques, le Népal rechigne à réglementer plus strictement l’industrie de l’Everest en raison de l’importante source de devises qu’elle représente pour ce pays pauvre de l’Himalaya. Les seuls permis ont ainsi rapporté quatre millions de dollars à Katmandou en 2017.

– Sauvetages en hélicoptère –

Dans ces circonstances, la Chine est bien décidée à tirer son épingle du jeu. Avec seulement 155 permis émis l’année dernière, elle reste encore à plusieurs longueurs de son voisin. Il y a dix ans, les contingents d’expéditions sur les versants nord et sud étaient à peu près équivalents. Mais la réputation de la Chine a souffert de la fermeture soudaine du versant tibétain en 2008, par crainte de manifestations en amont des jeux Olympiques de Pékin. Beaucoup de sociétés d’alpinisme avaient alors décidé d’abandonner cette voie, estimant la situation politique en Chine trop imprévisible.

Désormais, Pékin entend signaler que le nord de l’Everest est à nouveau ouvert aux affaires en investissant dans des infrastructures vitales pour l’ascension. Une école d’alpinisme a ainsi vu le jour à Lhassa et, selon les médias chinois, le pays compte autoriser les sauvetages en hélicoptère à partir de 2019. Ces derniers ne sont actuellement possibles que du côté népalais.

Des équipes installent également des cordes fixes au début de chaque saison, une habitude sur la plupart des hauts sommets de la planète mais qui n’est pas effectuée sur le pan népalais. « La Chine s’attaque aux problèmes avec lesquels le Népal se débat (…) Il n’y actuellement aucun système pour appliquer les règles », dit Adrian Ballinger, premier opérateur à s’être consacré exclusivement au nord de l’Everest en 2015.

Les compagnies d’alpinisme devraient être de plus en plus nombreuses à déménager leurs opérations en Chine dans les temps à venir, notamment en raison de la dangerosité accrue de la montée côté népalais. En effet, la hausse des températures rend chaque année plus périlleuse l’incontournable escalade de la cascade de glace du Khumbu, une rupture glaciaire instable et mouvante qui se situe peu au-dessus du camp de base népalais. Au cours des cinq dernières années, 23 personnes y ont péri.

À son crédit, le Népal met en avant les récentes lois interdisant l’ascension de l’Everest en solitaire et aux handicapés. Des édits qui, pour les détracteurs, ratent la cible du problème en visant les seuls alpinistes plutôt que les organisateurs d’expéditions.

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