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Ye Zheyun: Motus et bouche couse

Il a fallu un an à l’URBSFA pour prendre au sérieux les premiers signes de scandale de corruption, avec un Chinois dans le rôle principal. L’enquête a démarré mais les gros bras refusent de collaborer et on ne les embête pas. Pourquoi ?

Le 18 mars 2006, Herman Wijnants déclare, dans l’édition du week-end du quotidien De Standaard : « Je peux vous dire que Leo Theyskens et Roland Duchâtelet n’ont pas tiré la sonnette d’alarme. D’autres personnes de la fédé se sont tournées bien plus tôt vers le tribunal. Je ne peux pas en dire davantage. »
Duchâtelet est alors le président de Saint-Trond et il est le premier dirigeant à briser l’omerta couvrant les infiltrations de Ye Zheyun. Il agit après le fameux match Saint-Trond-La Louvière du 29 octobre 2005. La Louvière, qu’entraîne depuis peu Gilbert Bodart, s’impose 1-3. Le gardien local, Dusan Belic, est dans un jour sans. Ye, en compagnie d’une belle jeune fille et de sa mère, est content. À l’issue du match, la joyeuse bande retourne à Bruxelles et poursuit la fête à La Rosa, un club fréquenté par maints footballeurs – ce soir-là, les Anderlechtois sont nombreux – puis l’achève au Hilton. Il est tard quand Ye sent sa chance. Il tente de s’attaquer à la jeune fille, mineure, mais la mère intervient. Le lendemain, elle dépose plainte à la police.

A la grande surprise des agents, la femme parle aussi de matches de football truqués, de grosses sommes d’argent et de paris. Craignant des représailles, elle demande à ce qu’on préserve son anonymat. Les policiers, perplexes, décident de transférer le dossier à la police fédérale judiciaire. Celle-ci se rend immédiatement à l’hôtel de Ye, confisque son ordinateur et une énorme somme d’argent liquide. Pietro Allatta et Olivier Suray sont présents.

Deux jours plus tard, Sport / Foot Magazine écrit que Saint-Trond-La Louvière a peut-être été falsifié. On a misé plus de 600.000 euros sur cette partie chez Betfair, soit 60 fois plus que la moyenne pour un match en Belgique. Saint-Trond est le grandissime favori : celui qui parie sur les Loups est donc assuré d’un gros bénéfice. La méfiance d’une série de bookmakers est telle qu’ils suspendent les paris pendant le match. Duchâtelet sent l’oignon. Son club risque d’être pris dans le scandale dénoncé par notre magazine en juillet 2005. Il opte pour la fuite en avant. Peu après, le président du Lierse, Theyskens, se tourne également vers le tribunal.

Les silences du manager Wijnants

Ils ne sont pas les seuls. Avant Saint-Trond – La Louvière, on a averti la justice belge de fraudes possibles en Jupiler Pro League. En septembre 2005, Karl Dhont s’adresse à la justice avec une liste de matches qui ont fait l’objet de mises considérables en Asie. L’expert des paris est sûr à 100 % qu’il s’est passé quelque chose pendant ces matches. Désormais, Dhont est inspecteur à l’UEFA mais son expertise date de 1997 : il était un des fondateurs de Mr Bookmaker, une société en ligne pour paris sportifs, reprise ensuite par Unibet. C’est là qu’il a fait la connaissance de Duchâtelet, qui a intégré le conseil d’administration de Mr Bookmaker peu après sa fondation. C’est aussi sur base d’informations de Dhont que le président trudonnaire décide de tirer la sonnette d’alarme.

Mais d’après Herman Wijnants, il n’est donc pas le premier. Au moment où il fait cette déclaration au Standaard, le manager de Westerlo, qui siège au Comité Exécutif de la Fédération, est encore un homme influent. Il donne l’impression d’en savoir plus mais il ne cite pas de nom. Une chose est sûre : il ne parle pas de Dhont. Mais de qui, alors ?

Le 10 juin 2006, la commission de contrôle de l’UBRSFA enquête sur les matches truqués. Elle se cantonne à l’implication du Lierse, quatre mois après que l’entraîneur-adjoint Patrick Deman a parlé. En échange de l’immunité, il est disposé à passer aux aveux. Ce fameux jeudi, la commission demande des explications complémentaires à Herman Wijnants, suite aux propos tenus dans le Standaard. Il n’a pas répondu à la première convocation mais cette fois, il se présente. Cela ne change pas grand-chose. Wijnants refuse de dire quoi que ce soit. « Demandez à Colin », conseille-t-il aux braves membres de la commission, faisant référence au journaliste qui l’a interviewé.

Les avocats des joueurs soupçonnés sont déconcertés. Nul ne rappelle Wijnants à l’ordre et le procureur fédéral, René Verstringhe, ne bronche pas, ce même Verstringhe qui n’a jusqu’alors raté aucune occasion de fustiger les joueurs qui refusaient de répondre aux questions de ses hommes. Wijnants, lui, s’en tire comme ça. Les avocats commencent à se poser de sérieuses questions sur l’indépendance de la commission de contrôle. Ils ont l’impression qu’elle tente de protéger Jan Peeters.

[…]

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Par Jan Hauspie

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