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Why always Mouscron ?

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Poil à gratter, vilain petit canard, caillou dans la chaussure, Licence to kill. L’Excel, c’est tout ça à la fois. Encore plus – traditionnellement – en avril / mai / juin. Voici pourquoi.

Mouscron a rendez-vous devant la Cour Belge d’Arbitrage pour le Sport ce vendredi.  » Pour le Sport « , c’est vite dit. Parce qu’on en est loin. L’Excel doit se défendre dans l’action intentée par Malines, qui veut le priver de la licence qui lui a été accordée pour la saison prochaine.

Au Canonnier, on marche sur des oeufs. La direction a décidé de ne pas s’exprimer publiquement. Trop sensible, trop dangereux, trop de risques que la moindre déclaration soit exploitée par les Malinois ou les juges.

On se contente de nous faire comprendre ceci : Mouscron ne veut pas jouer au Calimero mais on en a ras-le-bol que ça tombe toujours sur nous. Version 2018 de Why always me ?

Ça part dans tous les sens. Il y a l’action de Malines devant la CBAS mais aussi l’ouverture d’une instruction par le parquet de Bruxelles, annoncée la semaine passée et qui fait suite à une plainte malinoise au pénal. Le but est de faire la lumière sur les véritables actionnaires de l’Excel. Le club est-il toujours dans les mains d’agents étrangers ?

Accessoirement, Malines a lancé une procédure du côté de l’Union Belge pour être considéré comme le 17e club de D1A. Oui, ça part vraiment dans tous les sens. Toujours en off, un employé du club nous signale que le dossier de la licence est bétonné et qu’on est confiant. Mais il y a de la nervosité, c’est sûr.

2015, 2016, 2017, 2018 : quatre sauvetages sur le terrain pour les Mouscronnois, quatre licences accordées pour la saison suivante, mais quatre fois des recours de clubs adverses, descendus sportivement. Pour essayer de récupérer la place des Hennuyers en D1A. Il y a eu OHL, le Cercle Bruges, le Lierse, Westerlo. Ils ont tous échoué. Aujourd’hui, c’est donc Malines qui s’y colle. Mouscron dérange-t-il ? Enquête dans le Hainaut occidental auprès d’intervenants qui connaissent si bien la réalité de l’Excel.

 » Attaquer la licence de Mouscron, c’est devenu une tradition  »

Patrick Declerck, le président de l’Excel, était furieux quand il a découvert, par le site web de Malines et les médias, que son club était traîné devant la CBAS. Il a alors annoncé sa riposte :  » Nous allons demander des dommages et intérêts, comme l’autorise la FIFA. Attaquer la licence de Mouscron, c’est devenu une tradition. Nous sommes confiants mais cette affaire hypothèque notre préparation de la saison prochaine, elle bloque des transferts et il y a des sponsors qui commencent à douter. Je ne sais pas pourquoi Mouscron est toujours visé.  »

Yuri Selak a été directeur sportif de l’Excel de l’été 2015 à mai 2017. Les contestations de licence, il a donc connu, lui aussi. Il défend le club sur toute la ligne :  » Ça fait quatre saisons d’affilée que Mouscron obtient son maintien sur le terrain, à la régulière, avec un budget plus limité que la plupart des autres clubs. Au niveau de la licence, la réalité est que le club est en ordre chaque année au niveau de ses structures, de son organigramme, de ses finances. Je peux te dire que la commission des licences est très rigoureuse. De plus en plus, même. Le dossier de la licence, c’est un boulot pour une personne à temps plein à partir de fin septembre, début octobre, jusqu’en mars. Ce n’est pas aussi strict dans tous les grands championnats.  »

Ça ne se serait jamais passé comme ça du temps de Detremmerie. Il aurait tapé du poing sur la table.  » Steve Dugardein

Yuri Selak a récemment croisé Patrick Declerck, voici ce qu’il a retenu de leur rencontre :  » J’ai senti qu’il y avait un ras-le-bol dans la direction. Les suspicions et les attaques ont commencé au moment où Lille détenait Mouscron. Entre-temps, ça ne s’est jamais arrêté. Le président se sent sous pression, on leur cherche constamment des poux sur la tête. Il est fatigué.  »

Pourquoi les Flamands ne ratent pas Mouscron ?

Au moment où le club était la propriété du LOSC, Anne-Charlotte Beatse en était la responsable communication. Elle est entre-temps devenue attachée de presse / consultante en communication et réseaux sociaux sous le nom de Charlotte en Ville et elle tient une chronique hebdomadaire sur Vivacité.

Elle se souvient :  » Mouscron – Péruwelz était un peu un poil à gratter du football belge, on nous attendait souvent au tournant. Ça dérangeait pas mal de monde qu’un club français soit propriétaire d’une équipe belge, surtout du côté flamand. On avait une étiquette française qui nous collait à la peau. Puis, il y a eu des attaques sur d’autres thèmes. Globalement, quand ça se passait bien sur le terrain, on nous foutait relativement la paix. Mais dès que c’était moins bon au niveau des résultats, on recommençait à nous taper dessus.  »

Philippe Saint-Jean, qui pourrait reprendre prochainement du service dans le club, croit connaître une des raisons pour lesquelles les Flamands ne ratent pas Mouscron.  » Avant la faillite, il y avait généralement une répartition bien étudiée dans le noyau : des Mouscronnois, quelques Français du Nord, quelques Flandriens. Je parle bien de Flandriens, de gars de la région, pas de Flamands en général. C’était voulu.

Mouscron a connu le succès avec André Van Maldeghem, Georges Leekens, Hugo Broos. Comme joueurs emblématiques, il y a eu Francky Vandendriessche, Geoffrey Claeys, Koen De Vleeschauwer. C’était une tradition depuis la première promotion en D1. Et avec tous ceux-là, tu te rendais automatiquement populaire en Flandre. Donc tu étais moins susceptible d’être attaqué par les Flamands en cas de passage à vide.

Le président se sent sous pression, on leur cherche constamment des poux sur la tête. Il est fatigué.  » Yuri Selak

Jean-Pierre Detremmerie avait bien compris tout ça. Aujourd’hui, tu as combien de néerlandophones dans le noyau ? Lille a francisé le groupe et ça a continué après le changement d’actionnaire. À la décharge de la direction, des clubs de la région ont entre-temps progressé sportivement et ça leur a permis d’attirer plus facilement des bons jeunes joueurs flamands. Courtrai a repris du poil de la bête, Zulte Waregem est devenu une valeur sûre, Gand a explosé.  »

Un actionnariat toujours exotique et surtout invisible

Ce qui fait – surtout – jaser aujourd’hui, c’est la succession de propriétaires depuis le retour en première division. Le LOSC de Michel Seydoux, puis l’agent Pini Zahavi, ensuite son neveu Adar, aujourd’hui l’homme d’affaires thaïlandais Pairoj Piempongsant qui est devenu l’actionnaire majoritaire il y a quelques semaines.

C’est toujours exotique mais c’est surtout invisible. On ne les voit pas au Canonnier, ils ne communiquent pas avec la presse. Le sentiment général est que le duo Patrick Declerck – Paul Allaerts (directeur général) n’est qu’une façade. Ça n’aide pas à façonner une image positive du club.

 » On n’a jamais vu les patrons officiels, c’est ça qui dérange « , lance Mbo Mpenza.  » Où est le Thaïlandais qui vient de racheter la majorité des parts ? À quoi ressemble-t-il ? Ça reste un mystère. Les gens disent : – S’ils ne se présentent pas en public, c’est qu’il y a un problème. Mouscron est quand même géré d’une façon étonnante. C’est une gestion qui suscite beaucoup de questions.

On a l’impression que les patrons mettent simplement quelques pions qui ont une coloration mouscronnoise. Ces pions ne décident rien. La direction ne doit pas se plaindre qu’on lui crée une mauvaise image. Cette image, elle n’est pas façonnée par des gens de l’extérieur, elle est provoquée par les personnes qui sont dans l’organigramme. Depuis quatre ans, on met devant les micros des gens qui ont une coloration locale, éventuellement l’accent mouscronnois, mais on ne connaît toujours pas ceux qui dirigent vraiment l’Excel.  »

 » Il est grand temps que le vrai patron sorte du bois  »

Mbo Mpenza et Steve Dugardein ont connu tout autre chose : la période où Mouscron était entre les mains d’un seul homme, d’un vrai gars du cru. Pour Steve Dugardein, toute la différence de traitement médiatique et populaire est là.  » Ça ne se serait jamais passé comme ça au temps de Jean-Pierre Detremmerie. Parce que tout le monde savait qu’il y avait un poids lourd, un homme avec beaucoup de crédibilité et de potentiel à la tête du club.

À l’époque, on n’osait pas cogner sur Mouscron. Si un adversaire s’y était risqué, Detremmerie serait monté au créneau, il aurait tapé du poing sur la table et il aurait dit : – Maintenant, ça suffit. C’est plus facile de s’en prendre à un club dont on ne connaît pas le patron.

Les gens ne tapent pas sur le Standard parce qu’ils savent que Bruno Venanzi réagirait directement. On ne prend pas Charleroi comme cible parce que Mehdi Bayat ne se laisserait pas faire. On laisse Bruges tranquille parce qu’il y a Bart Verhaeghe. Et puis c’est plus simple d’attaquer un club du bas de classement. Donc, on ne va pas non plus choisir Ostende ou Zulte Waregem pour se défouler.

À Mouscron, il y a le classement qui est parfois délicat, en plus d’une direction invisible, ça fait deux arguments pour ceux qui veulent passer à l’offensive. Il est grand temps que le vrai patron sorte du bois, qu’il vienne faire une conférence de presse, qu’il dise : – Voilà, c’est moi le big boss. Mais le propriétaire, il n’est même pas en Belgique.

Il doit aller à la fédération, il doit avoir un contact avec la commission des licences, il doit se montrer au stade. Dans l’histoire de la licence, des gens croient que Mouscron est encore dirigé par un agent de niveau mondial. Le nouveau propriétaire doit rencontrer les médias et sortir les preuves que tout cela est faux.  »

Yuri Selak ne voit pas les choses comme ça.  » Est-ce que dans les grandes sociétés anonymes, dans les multinationales, on voit le grand patron ? On est en 2018 ! Il faut évoluer avec son temps. Tu peux me dire qui est le patron de Malines ? Est-ce qu’on le voit ? Mouscron a maintenant un nouveau propriétaire, un investisseur comme il y en a beaucoup d’autres dans le foot, un Thaïlandais qui a sa propre boîte.

Sous prétexte qu’il connaît Pini Zahavi, on dit que c’est Zahavi qui détient toujours l’Excel. Mais enfin, ce n’est quand même pas anormal qu’ils se connaissent puisqu’ils font tous les deux du business dans le football. Pini Zahavi s’est retiré du club dès que la FIFA a interdit la tierce propriété, ça c’est clair et net. Il n’a plus rien à voir là-bas. « 

Par Pierre Danvoye

Le président de l'Excel, Patrick Declerck, en compagnie de Yuri Selak.
Le président de l’Excel, Patrick Declerck, en compagnie de Yuri Selak.  » Pourquoi s’en prend-on toujours à Mouscron ? « © BELGAIMAGE

 » La fédération et la Ligue Professionnelle doivent réagir  »

 » Chaque année, c’est le club descendant sur le terrain qui attaque Mouscron sur la question de sa licence, c’est un manque de sportivité flagrant, ce n’est pas correct « , tranche Yuri Selak.  » Si ces clubs ont quelque chose à contester sur le mode de fonctionnement de l’Excel, qu’ils le fassent plus tôt dans la saison, qu’ils n’attendent pas d’être condamnés par leurs mauvais résultats. C’est encore une histoire belge, ce n’est pas bon pour notre football, il est temps que la fédération et la Ligue Professionnelle réagissent.  »

L’ancien directeur sportif du Canonnier avance une solution.  » Des clubs attaquent la licence de Mouscron parce qu’ils voient ça comme une ultime bouée de sauvetage, une tentative in extremis pour sauver quand même leur place en D1A. Évidemment que c’est triste pour un club comme Malines, avec son nouveau stade et ses 13.000 spectateurs, de tomber en D1B. Alors, ils se raccrochent à quelque chose de virtuel.

Pour éviter des actions pareilles, il faudrait qu’on fasse descendre d’office le club qui n’a pas pu se maintenir sur le terrain. Et si un club qui s’est sauvé ne reçoit pas sa licence, qu’on le remplace par un montant supplémentaire. Ce sera moins malsain, il n’y aurait plus de tentatives désespérées de dirigeants dont l’équipe a loupé son championnat. La fédération et la Ligue Professionnelle devraient y réfléchir. « 

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