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Un système ou une animation collective à revoir: Roberto Martinez doit-il revoir sa copie en vue de la Coupe du monde ?

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Analyse des quatre matches en deux semaines de Ligue des Nations disputés par les Diables rouges.

Les temps sont à la recherche de coupables. Quatre buts concédés à domicile, dans un derby aussi déséquilibré que lors des grandes années oranje, ne peuvent que s’accompagner d’une chasse aux sorcières. Sur le banc des accusés, un Dedryck Boyata approximatif rejoint Jan Vertonghen et Toby Alderweireld, soupçonnés de retarder démesurément le temps de la relève d’une défense qui serait plus vieille qu’expérimentée. Appelé à la barre en guise de témoin oculaire, Louis van Gaal joue les voisins voyeurs et envoie une tête supplémentaire au bord de l’échafaud : « La Belgique est une équipe facile à bousculer, parce qu’elle ne met pas de pression », diagnostique le champion d’Europe 1995. Les regards accusateurs se tournent donc vers Roberto Martinez, dont le sacro-saint 3-4-2-1 avait bien trop pris la texture d’un fromage d’Outre-Moerdijk pour accueillir les voisins néerlandais.

Tout cela ne serait-il qu’une histoire de pions mal disposés sur l’échiquier touffu du stade Roi Baudouin ? Nouveau disciple de ce système de jeu, qui lui a permis d’ajouter la Ligue des Nations à un palmarès pléthorique, Didier Deschamps a fait marche arrière au bout de cet interminable rassemblement de juin. Le sélectionneur français est revenu à une défense à quatre après sa défaite inaugurale face au Danemark. Le voilà, lui aussi, convoqué face aux micros : « On a fait de bonnes choses avec la défense à trois, mais un tel système demande d’être au top physiquement parce qu’il y a beaucoup de compensations à faire. Sur ce rassemblement, je me suis vite rendu compte qu’athlétiquement, ce serait très compliqué. » Un constat partagé par une bonne partie des spectateurs attentifs du quadriptyque belge de fin de saison, mais un raisonnement différent chez Roberto Martinez, resté collé à son plan initial. Une certaine forme d’obstination ? Chez Deschamps, le changement n’a valu que deux partages et une défaite, assortis de questions encombrantes sur l’absence de profil valable pour jouer sur la droite de la défense à quatre. En Belgique, c’est plutôt à gauche que se poseraient les doutes en cas de virage similaire.

Contre les Pays-Bas, la défense belge (et surtout Derdryck Boyata) avait beaucoup souffert.
Contre les Pays-Bas, la défense belge (et surtout Derdryck Boyata) avait beaucoup souffert.© iStock

La Belgique, elle, n’a donc pas changé. Ou subtilement. Alignée avec cinq défenseurs contre les Pays-Bas – Thomas Meunier à droite et Timothy Castagne à gauche – elle s’est retournée vers des plans plus asymétriques, confiant l’un de ses couloirs à Yannick Carrasco puis à Thorgan Hazard. Derrière, Leander Dendoncker s’est joint aux deux pré-retraités présumés pour apporter à la défense une pointe de vitesse que sa technique de course robotique ne laisse pas soupçonner. Parce qu’il reste un milieu de terrain, Robocop manque de prise d’informations défensives et de certains réflexes de replacement, mais son physique en compense une bonne partie. En l’absence de Jason Denayer, pas toujours épanoui dans ce rôle, il a joué une partition de bonne facture dans le rôle du correcteur, celui qui doit faire parler les poumons quand les méninges de ses deux compères ne suffisent plus.

Plus qu’une question d’hommes ou de système, la porosité de la ligne arrière est une histoire d’animation collective. « On avait bien analysé la Belgique, il y avait moyen de jouer entre leurs lignes », diagnostiquait ainsi Virgil van Dijk après le triomphe de Bruxelles. Ce jour-là, vêtu de son costume brésilien (avec Romelu Lukaku à droite de l’attaque), le Diable défend en 7-0-3. Un pressing minimaliste de ses trois fantastiques, largement insuffisant pour contrarier les pieds de van Dijk ou Nathan Aké, et un ballon qui arrive bien trop facilement dans les pieds d’un Frenkie de Jong jamais forcé par Eden Hazard ou Kevin De Bruyne à jeter des regards inquiets dans ses rétroviseurs. Spécialiste mondial du bris de lignes, le milieu du Barça s’en donne alors à coeur joie. « Contre les Pays-Bas, c’est toute l’équipe qui n’a pas bien défendu », confirme au moment de l’analyse un Roberto Martinez qui ajoutera, sans pointer nommément qui que ce soit, que « le manque d’activité de certains joueurs n’a pas aidé. »

Les pendules remises à l’heure, la Pologne a servi de victime – parfois aux airs consentants – à la revanche des cadres belges. Le pressing national était meilleur, peut-être en partie parce qu’une pression approximative fait plus déjouer Kamil Glik que Virgil van Dijk, et Grzegorz Krychowiak que Frenkie de Jong. Dans un stade de Varsovie comble et bruyant, les coéquipiers de Robert Lewandowski ont une nouvelle fois joué le rôle d’une pommade apaisante sur une brûlure encore vive, oubliant d’égaliser dans une fin de match tendue quelques jours après le scénario presque similaire de Cardiff. Les poteaux changent parfois le cours de l’histoire, souvent la teneur des conclusions.

Le pressing de Kevin De Bruyne, l'un des trois fantastiques belges est-il trop minimaliste ?
Le pressing de Kevin De Bruyne, l’un des trois fantastiques belges est-il trop minimaliste ?© iStock

La réalité est sans doute proche de ceci : époumonée par une saison à rallonge et la perspective de vacances trop minuscules, la Belgique n’avait plus les jambes pour que son plan de jeu soit viable face à un adversaire capable de lui contester le ballon avec une feuille de route pour guider sa possession. Plus la tête, non plus, dans une Ligue des Nations à nouveau rendue amicale par le calendrier. Avec sept points sur douze possibles, les Diables font d’ailleurs mieux que la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Angleterre, et aussi bien que le Portugal. Tout semble devenir une question de perspective, et flouter les enseignements. À en croire Didier Deschamps, le 3-4-2-1 n’était sans doute pas le plan idéal pour affronter ce sprint final aux portes de l’été. Par contre, l’homme fort des Bleus a rappelé que la défense à trois restait son plan A pour le Mondial qatari. Tout juste s’est-il momentanément tourné vers l’efficacité. Roberto Martinez, lui, a préféré opter pour trois entraînements supplémentaires, ouverts à un public parfois hostile. Tout est vraiment devenu une question de perspective.

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