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Un nouveau triumvirat à Sclessin

Stephane Vande Velde

Pourquoi le Standard a-t-il pris des risques en se séparant d’un entraîneur qui prenait des points?

« J’étais conscient du contexte et savais que l’échec était interdit ». Tels furent les premiers propos de José Riga au micro de Voo Foot après la victoire du Standard face à Mouscron (3-0). Même le principal bénéficiaire des bouleversements qui ont émaillé la vie du club liégeois la semaine dernière s’était rendu compte que son arrivée ne faisait pas l’unanimité. Une partie du public n’avait pas spécialement été marquée par son passage à Sclessin en 2011-2012 alors que d’autres estimaient que le renvoi d’un Ivan Vukomanovic, fort d’un bilan de 28 points sur 39 avec notamment deux victoires face à Anderlecht, manquait de respect, de classe et de justesse.

Voilà pour les émotions. Une analyse plus froide doit bien reconnaître que derrière le bilan comptable, le style de jeu de Vukomanovic manquait cruellement de relief. L’ancien T2 de Guy Luzon avait clairement réussi sa première mission (remettre cette équipe sur les rails et la replacer dans le top-6) mais manquait de vision pour donner au Standard une ambition de jeu digne de son statut de grand de Belgique. Sous Vukomanovic, le Standard n’a jamais réellement dominé son adversaire, ce qui a suffi à persuader le duo Axel Lawarée-Bruno Venanzi de chercher un nouvel entraîneur.

La direction avait bien lancé une mise en garde à Vukomanovic, fin décembre, avant le départ en stage, en lui demandant de resserrer les vis, de quitter son costume de T2 et d’instaurer une plus grande discipline, mais cela n’avait pas eu d’effets escomptés. Après deux jours (et des entraînements un peu plus poussés), l’ancien joueur de Lokeren était revenu à une approche plus relax.

Dans le viseur de la direction : le comportement peu professionnel de joueurs comme Ronnie Stam, Astrit Ajdarevic ou Geoffrey Mujangi Bia, tous des éléments que le duo Lawarée-Venanzi aurait bien voulu lâcher pour une somme dérisoire mais qu’ils n’ont pas pu, soit à cause du veto présidentiel, Roland Duchâtelet refusant de brader certains éléments (Stam et Ajdarevic) et voulant encore les placer en vitrine, soit à cause du joueur.

Le Standard aurait ainsi voulu envoyer Mujangi Bia en Turquie, à Rizespor, 16e du championnat mais le joueur a refusé ce deal (1,5 million de somme de transfert assorti d’un salaire net d’1 million d’euros), préférant rester en Belgique auprès de sa femme enceinte. Or, vu son comportement, la direction avait demandé à Vukomanovic de le sanctionner, ce que ce dernier a refusé, le maintenant dans son onze de base.

Riga en contact depuis un mois, convaincu depuis une semaine

Le départ de Vukomanovic ne s’est donc pas fait sur un coup de tête mais avait été envisagé dès la fin du mois de décembre. La direction avait alors parlé avec quelques entraîneurs, dont José Riga. A l’époque, Riga était sur le point de rejoindre OHL, il n’avait plus qu’à apposer sa signature au bout du contrat. Finalement, il a fait marche arrière en dernière minute « pour une autre proposition qu’il ne pouvait pas refuser ».

Cette proposition n’émanait pas alors du Standard mais d’un club de Championship qui venait de se séparer de son manager. Finalement, les discussions n’ont pas abouti et Riga, qui avait également refusé Waasland Beveren et avait des contacts informels avec d’autres clubs anglais de D2, a finalement opté pour le Standard.

Outre le respect (certes ambivalent) que nourrit Duchâtelet vis-à-vis de son ancien entraîneur, c’est surtout le discours de Bruno Venanzi, en ligne directe avec Riga, qui a fini par le convaincre de replonger dans l’enfer de Sclessin. Si le deal n’a été conclu que dimanche 1er février, les contact étaient bien réels entre les deux parties depuis plus d’un mois donc.

Son arrivée est peut-être surprenante mais elle se comprend facilement. Duchâtelet a toujours eu confiance en Riga (et on sait que quand le président du Standard aime un coach, il est assez fidèle) et le duo Lawarée-Venanzi n’a pas oublié que le meilleur jeu produit sous l’ère Duchâtelet l’a été avec José Riga entre fin octobre et fin décembre 2011. Aucun coach n’est, par la suite, parvenu à produire un jeu aussi abouti.

Même Guy Luzon qui avait été en tête la majeure partie de la saison dernière, avait un jeu collectif moins séduisant, misant davantage sur les qualités individuelles et la vitesse de ses deux avants, Michy Batshuayi et Imoh Ezekiel, que sur un jeu offensif étudié.

Si on se rappelle surtout les play-offs ratés de Riga en 2011-2012, on oublie les circonstances atténuantes qui avaient conduit à ce naufrage : blessures de Mémé Tchité et Gohi Bi Cyriac, mercato de janvier frustrant puisque n’amenant aucun attaquant, mort de Guy Namurois, ce qui avait marqué émotionnellement le noyau et bouleversé l’organisation de l’équipe, et fatigue extrême due non seulement à la composition d’un noyau trop peu étoffé qui avait été largement renouvelé, mais surtout à l’accumulation des matches, le Standard ayant échoué en 1/8e de finale d’Europa League, cette saison-là.

Curieusement, la direction du Standard, au lieu de mettre l’accent sur les forces de Riga, a choisi un autre argument (l’expérience). Bizarre quand on sait que Riga n’est pas le coach le plus expérimenté en D1 (malgré son âge, il n’a vécu que trois saisons pleines en D1 belge) !

L’ancrage liégeois plus présent que jamais

Néanmoins, Riga a prouvé, tant à Mons qu’au Standard, qu’il sait mettre en place une équipe en lui donnant une identité de jeu (ce qui manquait au Standard de Vukomanovic) et en développant un jeu offensif, plaisant pour les yeux. Son arrivée confirme également le tournant local pris par Roland Duchâtelet qui a décidé de miser davantage sur des Liégeois. Après Lawarée et Venanzi, Riga est donc le troisième Liégeois à intégrer le club cette saison.

Enfin, cette arrivée renforce la légitimité du duo Lawarée-Venanzi, de plus en plus au centre des décisions. Le mercato en est une preuve plus que tangible : les agents Dudu Dahan (qui avait régné depuis l’arrivée de Luzon en juin 2013) et Dylan Salomon qui avait réglé pas mal de deals cet été, ne sont présents dans aucune des arrivées hivernales.

Lawarée, qui a ses entrées à Hoffenheim a réglé, seul, le transfert de Jiloan Hamad ; Venanzi a su convaincre le président de ne pas envoyer Jonathan Legear à Ujpest et a mené les négociations avec Alexander Scholz avant que Duchâtelet ne finalise avec Roger Lambrechts. Et dans le dossier Imoh Ezekiel, ils ont laissé faire le team-manager, Pierre Locht, juriste de formation et très proche du Nigérian.

En vendant ou en tentant de vendre des garçons comme Tony Watt ou Stam dont Dahan est l’agent, et en se séparant de Vukomanovic, conseillé également par Dahan, la direction atténue de facto le pouvoir de celui qui faisait encore la pluie et le beau temps il y a un an.

Reste désormais à mieux communiquer sur cette politique. Car, même si Lawarée et Venanzi ont été fort présents dans les médias, ils sont conscients si pas de l’impopularité au moins de l’incompréhension que suscite leur décision de se séparer de Vukomanovic. « On est sorti d’une zone de confort mais on se disait qu’on n’allait pas toujours gagner avec de la chance », a affirmé Venanzi.

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