Jacques Sys

« Un boycott est toujours signe faiblesse »

Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Le football est émotion. En Belgique, aucun club ne le personnifie mieux que le Standard.

Sclessin respire la passion pure, c’est un club qui vit sur un volcan susceptible d’exploser à tout moment.

Ce qui est plus inquiétant, c’est quand cette émotion s’empare aussi de la direction et fait obstacle au rationalisme. Notre magazine en a fait maintes fois l’expérience ces derniers mois : les reportages critiques sont systématiquement sanctionnés par un boycott et les journalistes sont punis comme des écoliers.

Sport/Foot Magazine n’obtient plus d’interviews des joueurs du Standard depuis le mois de mars. Cela ne nous a pas empêchés de consacrer des articles aux Rouches via d’autres canaux. Reste que nous n’avons jamais obtenu de clarté quant au motif de ce boycott. Le club ne nous sait pas gré, semble-t-il, des reportages publiés sur les problèmes de fonctionnement d’ Olivier Renard et Emilio Ferrera, bien qu’ils aient été limogés plus tard.

Bruno Venanzi
Bruno Venanzi© belgaimage

Un article sur Mogi Bayat, qui a repris les rênes en mains dès sa libération, n’a pas plu davantage. Le Standard n’est évidemment pas le seul club à retravailler avec le manager contesté, bien que l’influence de Bayat y semble plus importante qu’ailleurs. Signaler ce genre de choses fait partie de notre tâche journalistique, même si ça ne plaît pas.

Le club qui use de l’arme du boycott fait montre de faiblesse. Heureusement, d’autres clubs de D1A gèrent les articles critiques avec plus de maturité. Dans le pire des cas, ils cherchent le dialogue.

Un club a naturellement le droit, en tant qu’employeur, d’interdire à ses joueurs de parler mais le Standard va encore plus loin : il a également sommé les membres de l’entourage des joueurs de ne plus parler à notre magazine. C’est une démarche rarissime et une forme inacceptable de censure.

L’incapacité à gérer la critique semble ancrée dans l’âme du club. Elle était déjà perceptible du temps de Luciano D’Onofrio, a refait surface durant l’ère Roland Duchâtelet, et le même constat se vérifie aujourd’hui.

Certains clubs donnent l’impression de vouloir contrôler la presse. Le Standard en fait partie. Dans un passé récent, quand Bruno Venanzi a accordé une interview à plusieurs journaux, il en a déterminé les thèmes à l’avance. Bientôt, on en arrivera à donner aux journalistes une liste de questions avant une interview.

Sport/Foot Magazine commente chaque semaine les événements du football et du sport avec beaucoup d’amour. Dans un paysage médiatique souvent anarchique, nous essayons constamment de relativiser et de nuancer ce qui se passe. La qualité est la norme, à tous points de vue. Mais ça ne signifie pas que nous fermons les yeux sur les excès. Ce ne serait pas correct à l’égard de nos lecteurs. Nous continuons donc à observer ce qui se trame derrière la façade.

On met toujours en évidence les grandes performances. Y compris celles du Standard. Il y a un an, à l’occasion des 120 ans du club principautaire, nous avons publié un numéro spécial sur le club. Le titre en était  » Rouche passion « . C’était un ouvrage de référence sur la vie en rouge et blanc, avec ici et là un ton triomphaliste. Le club en était très satisfait.

À l’approche de la fin d’année vient le temps de la réflexion. Et peut-être aussi de la réconciliation. Car ce qui est bizarre et presque contradictoire, c’est qu’on découvre une ambiance chaleureuse au coeur du Standard. On y est toujours accueilli de bon coeur. Cette attitude est en contradiction avec son extrême susceptibilité. Mais celle-ci n’empêchera pas Sport/Foot Magazine de continuer à faire son travail. Dans les bons jours comme dans les mauvais mais surtout en toute objectivité.

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