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Toni Brogno: « Certains parlaient de chance, je préférais croire que c’était de l’instinct »

Terreur des rectangles de l’entre-deux siècles, Toni Brogno partageait il y a 20 ans tout rond son titre de meilleur buteur du championnat de Belgique avec Ole Martin Aarst. Voyage dans le temps avec l’homme aux 30 buts, mais aux innombrables souvenirs.

Toni Brogno, c’est un nom qui fleure bon le dimanche matin devant Match 1, le samedi soir au Kuipje de Westerlo et les barbecues en famille. Parce qu’avant d’être le buteur d’une génération, Toni Brogno était un petit frère docile, un Carolo modeste et un footeux lambda. Pas forcément programmé pour squatter le haut de la pyramide, Toni Brogno aura pourtant goûté aux Diables rouges de Waseige, à la Ligue 1 de Ronaldinho et aux Sangliers des Ardennes de Sedan.

Toni, est-ce qu’on est dans le bon si on dit que pour toi, devenir footballeur pro n’était pas forcément une évidence?

Toni Brogno:On va dire que ça n’a pas toujours coulé de source. Jusqu’à 24 ans, j’ai travaillé dans une usine qui fabriquait des portes métalliques, des portes coupe-feu et des portes blindées. Je suis aussi passé par la Sonaca. Mais ça m’a permis de connaître le vrai football. Celui qui se joue sur un tapis de 20 centimètres de boue. Honnêtement, ce sont de beaux souvenirs. À 18 ans, je finissais champion avec Marchienne en P1 avec mon frère David. C’est génial d’avoir pu vivre des moments comme ça avant de passer pro.

« Charleroi me voulait, mais ça a coincé financièrement. J’étais en train de faire construire, je ne pouvais pas me permettre de perdre mon travail et le club ne me proposait pas assez pour arrêter de bosser. »

Clairement, c’était une autre époque. Celle où Jean-Pol Spaute et Gaston Colson écumaient les séries amateurs de Lambusart à Marchienne pour trouver des talents. À la fin, Spaute, qui est quand même président de Charleroi à l’époque, venait me voir tous les week-ends. Jusqu’à me proposer, en fin de saison, de rejoindre le noyau espoirs du Sporting. J’y ai joué un an, fais quelques timides apparitions en A avec Leekens, mais au moment de passer pro, ça a coincé financièrement. Moi, j’étais en train de faire construire, je ne pouvais pas me permettre de perdre mon travail et le club ne me proposait pas assez pour que je puisse arrêter de bosser. Du coup, je me suis retrouvé à empiler les buts l’Olympic en D3 puis en D2 avant de signer à Westerlo.

Tu l’a mal vécu de ne pas être considéré à ta juste valeur à Charleroi?

Brogno: J’étais déçu que Charleroi ne croie pas plus en moi, mais je voulais surtout prouver qu’ils s’étaient trompés. J’ai une anecdote assez révélatrice à ce sujet. Peu de temps après mon arrivée à l’Olympic, on joue un amical contre Charleroi avec Robert Waseige entraîneur. Lui avait fait tourner son effectif et Dante était sur le banc à côté de lui. Finalement, on gagne 4-2, je plante deux fois, mais à la fin du match, Dante vient me trouver. Il me dit que Waseige m’a trouvé bon, mais qu’il lui a aussi confié que selon lui, il me manquerait toujours un petit truc pour m’imposer en D1. Bon, ben trois ans plus tard, j’étais meilleur buteur du championnat belge et il me sélectionnait avec les Diables (rires)

« Je suis devenu un joueur de D1 sur la route des vacances. »

Ta vraie chance, c’est Jos Heyligen qui va te l’offrir à Westerlo…

Brogno: Mon recrutement, c’est une drôle d’histoire. Je m’étais retrouvé dans la même série que Westerlo avec l’Olympic. Je leur avais donné mon accord verbal pour signer, sans savoir si le club allait monter ou non. On avait négocié un contrat pour la D2, un autre pour la D1. Mais clairement, l’ambition du club était de monter la saison suivante. Du coup, j’ai suivi le tour final d’un oeil via la gazette et le télétexte. Premier match: défaite. Deuxième match: un nul à domicile. Bon ça paraissait plié. Du coup, le jour du dernier match, un Waregem-Westerlo où Waregem n’avait besoin que d’un nul pour monter, j’ai pris la route pour descendre en Italie. Je ne me faisais pas d’illusion. Mais bon, si Westerlo gagnait, on montait. Arrivé en Italie, je fais en sorte de me procurer toutes les gazettes possibles et là, je vois que Westerlo a été gagner 2-3 à Waregem!! Incroyable, ils venaient de gagner les 4 derniers matchs… Et moi, j’étais devenu un joueur de D1 sur la route des vacances.

Un duel acharné entre Toni Brogno et Alexandre Teklak.
Un duel acharné entre Toni Brogno et Alexandre Teklak.© belga

Restait encore à relever le plus gros défi de ta carrière: réussir à t’imposer à 25 ans à la pointe d’une équipe d’un club flamand de D1 alors que tu n’avais, à l’époque, aucune expérience du haut niveau…

Brogno: J’ai toujours été un compétiteur. Aux tests physiques, j’étais systématiquement le premier. À Westerlo, en tant que petit francophone qui ne parlait pas la langue, ça a clairement été une manière de me faire remarquer. Pour le reste, je ne faisais pas de bruit. Surtout au début. J’ai acheté des bouquins pour me faire comprendre. Le soir, je bossais ma grammaire et mon vocabulaire en flamand. Ça n’a jamais été terrible, mais j’ai été beaucoup aidé par Valère Vanolst, un kiné qui est toujours au club aujourd’hui. Parfois, le coach terminait ses speechs en donnant l’heure du prochain rendez-vous, mais je n’étais pas toujours sûr d’avoir bien compris. Du coup, Valère prenait un bout de tape et me notait l’heure du prochain entraînement. Ça m’évitait de toujours devoir aller demander aux copains et de passer pour un con…

Dans la foulée, tu claques une première saison à huit buts avant d’en planter onze la suivante. Dont ce fameux doublé contre Anderlecht lors du 6-0 infligé aux Mauves d’Arie Haan au Kuipje le 5 septembre 1998. À l’époque, on faisait la chenille pour fêter ça…

Brogno: Je me souviens de la réaction de Jan Ceulemans après le match. « Qu’est-ce que vous allez faire pour fêter ça? », lui demande un journaliste. « On va tranquillement aller boire une bière tous ensemble à la buvette », qu’il répond. C’était la mentalité de Westerlo. Personne ne se prenait la tête. Déjà du temps de Heyligen. Jos était un amoureux du beau football. À l’entraînement, quand il y avait un petit pont, il arrêtait le jeu et demandait à tout le monde d’applaudir. C’était un technicien formidable, il adorait le beau geste. Ceulemans, à l’inverse, c’était vraiment la simplicité. « Tu joues avec tes qualités, tu essaies de limiter tes défauts et tout ira bien. » On avait un système de jeu qui ne changeait jamais. Un 4-4-2 immuable quel que soit l’adversaire. Qu’on aille à Anderlecht ou qu’on reçoive Lommel, c’était pareil. Même si on savait qu’il nous exposait défensivement. Avec Ceulemans, c’était simple. Si on en prenait deux, il fallait en mettre trois.

« On m’a annoncé ma première sélection chez les Diables en plein milieu d’un entraînement. Jan Ceulemans a même demandé si c’était une blague. »

Dans une équipe qui prône l’offensive à tout va, capablede partager 6-6 contre Genk, d’en prendre sept au Lierse ou d’en infliger huit à Malines, il valait mieux jouer devant. Ce que tu faisais très bien, au point d’attirer les regards sur sélectionneur Georges Leekens en novembre 1998…

Brogno: C’est le fameux Valère qui était arrivé en plein milieu de l’entraînement pour annoncer la bonne nouvelle. Je n’y croyais absolument pas. Jan Ceulemans lui a demandé si c’était une blague et il a certifié que non. Là, tous les gars se sont mis à m’applaudir. Je ne m’en rendais même pas compte. J’étais sur une autre planète, comme dans un rêve. Quelques mois plus tôt, je travaillais encore 8 heures par jour à l’usine et là, j’allais me retrouver à défendre les couleurs de mon pays en sélection…Il y avait une dimension surréaliste. Moi, je rêvais de jouer en D1, mais les Diables, je ne l’avais jamais envisagé.

Finalement, tu ne joueras que des amicaux avec les Diables pour un total de sept apparitions, mais une seule titularisation, en Norvège en avril 2000 (0-2) avec Waseige. Un match-clé en vue de la sélection pour l’EURO de laquelle tu seras finalement évincé en dernière minute. Ça reste un gros manque de ne pas avoir pris part à un grand tournoi ?

Brogno: J’ai énormément de regrets. Aujourd’hui encore. Parce que je suis assez convaincu que je méritais ma place dans ce groupe pour l’EURO. Je ne l’aurais volée à personne. J’ai eu beaucoup de mal à l’accepter. Le petit Carolo de la petite usine, fils d’ouvrier, d’un grand-père mineur, sélectionné pour l’Euro 2000 dans son pays, ça n’aurait pas fait tache sur ma carte de visite.

Tu te souviens du contexte de l’époque ?

Brogno: La veille de l’annonce, on avait encore joué un match contre les aspirants à Knokke. J’avais disputé la deuxième mi-temps et inscrit deux buts. Vu qu’on était encore 24 et qu’il n’allait bientôt en rester que 22, il y avait un petit stress. Mais grâce à ce doublé, je pensais que ma place était définitivement acquise. Je ne m’inquiétais plus trop. Pourtant, le lendemain, après l’entraînement, un entraîneur adjoint me demande à moi et Danny Boffin de venir dans le vestiaire. Waseige nous y attendait. Il nous dit: « « J’imagine que vous savez pourquoi vous êtes là? » Danny, lui, avait compris. Faut dire qu’il avait 36 ans, deux Coupes du monde dans le rétro, sa carrière était faite. Quand mon franc est tombé, c’est comme si mon monde s’écroulait.

Danny Boffin et Toni Brogno sont les deux victimes des derniers choix de Robert Waseige avant l'EURO 2000.
Danny Boffin et Toni Brogno sont les deux victimes des derniers choix de Robert Waseige avant l’EURO 2000.© Belga

Je me souviens de Danny Boffin s’étonner de me voir si surpris. Non, mais sans blague!! Je ne comprenais pas. Il y avait enfin un meilleur buteur belge du championnat – et pas n’importe lequel, j’avais inscrit 30 buts, pas 15 ou 18 – et j’allais être évincé de la sélection? Il y a quelque chose qui m’échappait. Sur le coup, je n’ai pas fait un scandale, je n’ai juste plus rien dit. J’étais choqué. Les autres nous ont rejoints dans le vestiaire. Waseige leur a demandé de nous applaudir pour que la pilule passe mieux. Évidemment, ceux qui étaient en ballottage étaient contents d’applaudir. Gilles de Bilde surtout. Il jouait à Sheffield à l’époque. En D2 anglaise, et il avait inscrit 6 buts cette saison-là. Est-ce que parce que Waseige s’était trompé sur moi quelques années plus tôt, il ne voulait pas me prendre? Est-ce que la pression de la presse flamande a eu raison de moi? Honnêtement, 20 ans, plus tard, je n’en sais toujours rien. Ce qu’il me reste de la sélection aujourd’hui, c’est quelques trainings, l’une au l’autre serviette de bain et quelques maillots portés. Pas grand-chose donc…

À l’époque, tu sors donc de cette fameuse saison à 30 buts et d’une troisième place au Soulier d’Or 1999. D’un coup, tu rentres dans une autre caste…

Brogno: Ma force, c’est que je ne me suis jamais pris au sérieux. Quand je vais à la cérémonie du Soulier d’Or, j’y vais pour faire plaisir. Je n’aimais pas trop les trucs tirés à quatre épingles. Je me souviens d’arriver là-bas et de voir un agrandissement d’une photo de moi en cinq mètres sur cinq. J’étais troublé… Finalement, la soirée passe, on arrive au top 10 et mon nom n’a toujours pas été cité. Puis le top 5, toujours pas. Enfin, le podium. Waseige qui était assis à la table à côté se retourne et me dit: « Le petit Brogno, il va être sur le podium visiblement! » Incroyable, je finis troisième! Alors que je pensais qu’on m’avait oublié! C’est symptomatique de mon caractère.

« Les jours de match, je partais de chez moi avec une banane que je posais sur le siège passager. Et chaque fois, je la mangeais en route, plus ou moins à mi-chemin. »

Cette année-là, tout te réussit, tu es systématiquement au bon endroit. Comment traverse-t-on une période d’euphorie individuelle comme celle-là ?

Brogno: Même cette année-là, on essayait de me faire douter. Je crois qu’il y a une phase de trois matchs où je ne marque plus. On a commencé à parler dans la presse. À l’entraînement, Marc Schaessens et Benoit Thans me disaient que j’étais en panne… Le match qui suit, je mets un quadruplé (rires). En fait, quand tu marques, tout te paraît normal. J’étais toujours au bon endroit, au bon moment. Ceulemans me disait toujours que sur un centre, je devais plonger au premier poteau. Je me souviens d’un match. Pendant 70 minutes, je coupe au premier, je ne touche pas un ballon. Et puis, à la 73e, je décide de filer au deuxième. Le ballon est dévié trois fois, il m’arrive au deuxième, plat du pied, goal. Certains disaient que c’était de la chance, je préférais croire que c’était de l’instinct. C’est la saison suivante que j’ai eu plus dur. Quand ça ne rentrait plus, ou moins facilement…

On devient superstitieux dans ces moments-là ?

Brogno: Un peu oui. Bêtement, moi, les jours de match, je partais de chez moi avec une banane que je posais sur le siège passager. Et chaque fois, je la mangeais en route, plus ou moins à mi-chemin. Des fois, je revenais après une défaite et je me disais « putain de banane de merde ». On sait que c’est con, mais la semaine suivante, on recommence quand même.

« Après chaque match, c’était le même sketch. On se branchait sur le télétexte et on regardait le score et les buteurs de Gand. »

Cela ne t’a pas désolé de devoir partager ce titre de meilleur buteur avec Ole Martin Aarst après avoir planté 30 pions?

Brogno: Non, parce que je m’étais dit que pour lui comme pour moi, ça aurait été dur de planter 29 goals sur une saison et ne pas être récompensé parce qu’un autre en aurait justement marqué un de plus cette saison-là. J’étais content pour nous deux, on va dire. Parce qu’on le méritait. Et puis, c’était marrant. Après chaque match, c’était le même sketch. On se branchait sur le télétexte et on regardait le score et les buteurs de Gand. « Toni, il n’a pas marqué!! » ou, plus régulièrement: « Toni, il a mis un doublé! »

Ce qui est magique, c’est que la saison se termine par un La Gantoise-Westerlo (2-3) où, en ouvrant le score, tu rejoins Aarst en tête du classement des buteurs…

Brogno: Les deux équipes n’avaient plus rien à jouer. Juste ce titre de meilleur buteur. Gand ne jouait que pour Aarst, mais surtout contre moi. Vu qu’Ole avait un but d’avance au classement, il avait visiblement donné des consignes assez claires à ses défenseurs. Je ne pouvais pas bouger le petit doigt sans avoir deux hommes sur le paletot. Ce qui était sympa, c’est que dans le car vers le stade, les gars m’avaient dit qu’ils allaient tout faire pour que je marque. « Tu as joué pour nous pendant 33 matchs, tu nous a fait gagner des primes, c’est à notre tour de te rendre la pareille. » C’était ça le discours. Après 10 minutes de jeu, j’arrive devant Herpoel, j’enroule: 0-1! 30-30, donc. Et derrière mon gardien, Franky Frans fait un double arrêt extraordinaire devant Aarst. À 10 minutes de la fin, Frank Machiels, qui était au marquage sur Aarst tout le match, sort de sa zone, traverse tout le terrain et inscrit le 2-3! Mauvais, je lui ai crié dessus: « Qu’est-ce que tu fais, retourne à ta place! » Et puis, à 4-5 minutes de la fin, j’ai une balle de but, je touche le poteau. Mais honnêtement, je trouvais que c’était très bien comme ça. Moi, après le match, j’avais un sourire jusqu’aux oreilles, lui, Ole, il était dégoûté. Si vous regardez les photos d’après match où on pose à deux, il tire la gueule sur chacune d’elles (rires).

Toni Brogno, la coqueluche du Kuipje.
Toni Brogno, la coqueluche du Kuipje.© belga

Comment se fait-il qu’après une saison pareille, tu finisses par être transféré à Sedan? Le club d’une ville de 23.000 habitants à l’époque, qui comptait 20% de chômage, mais ne vivait que pour le football. Ses Sangliers. C’était important pour toi, le petit gars de Marcinelle, de te retrouver dans un environnement au tissu social comme celui-là?

Brogno: Il y avait un aspect familial important pour moi, c’est vrai. Et en même temps, l’envie de tenter l’aventure à l’étranger. Ce que Dante avait un temps regretté de ne pas avoir fait. Et puis, Sedan, c’était le plus petit budget de France, mais en même temps un budget deux fois et demie supérieur à celui d’Anderlecht. On voyageait en jet privé, il y avait un stade à deux anneaux en construction, j’avais trois voitures à ma disposition, j’étais invité par des sponsors à aller chasser le sanglier, bref, ce n’était pas trop l’ambiance ouvrière… Et clairement, le club vivait un peu au-dessus de ses moyens. À force, ils ont voulu changer l’âme du club. Et ils n’ont pas tardé à le payer (le tribunal de commerce de Sedan déclarera finalement la liquidation judiciaire du club en août 2013 après des années de galère, ndlr).

Pour ton premier match, tu découvres le Parc des Princes. Et le PSG de Nicolas Anelka, Laurent Robert et bientôt de Ronaldinho…

Brogno: Je venais d’arriver, j’étais à peine en ordre administrativement. Le jour du match, le coach dit au groupe. « Tout est ok avec le Belge, il sera dans le groupe. » J’ai joué quinze minutes ce jour-là, c’était assez incroyable…Après sept journées et une victoire à Guingamp, on a même occupé brièvement la tête de la Ligue 1. Il y avait une euphorie incroyable.

« La deuxième saison, à Sedan, on était 45 à l’entraînement, il y avait une ambiance de merde à cause de tout un tas de nouveaux joueurs qui se prenaient pour des stars. »

Malheureusement, ça ne durera pas. Qu’est-ce qui explique que tu n’as pas joué ou presque la deuxième saison?

Brogno: On se qualifie pour l’Europe, mais dans la foulée, on rate notre début de saison et un nouveau coach (Henri Stambouli, entraîneur adjoint de l’OM à l’époque, ndlr) arrive avec un avion de joueurs de Marseille. On était 45 à l’entraînement. Il y avait une feuille avec les noms de chacun et les terrains sur lesquels nous étions attendus. Le A et le B. Parfois, tu commençais sur le A puis on te disait d’aller sur le B après 20 minutes. C’était humiliant et il y avait une ambiance de merde à cause de tout un tas de nouveaux joueurs qui se prenaient pour des stars. Malgré ça, je reçois une belle porte de sortie à l’hiver où je suis à deux doigts de signer à Strasbourg pour prendre la place de Peguy Luyindula. Mais paradoxalement, alors qu’il m’utilisait très peu, Stambouli a bloqué mon transfert. Avant de me laisser partir gratuitement à Westerlo 6 mois plus tard…

L'aventure étrangère de Toni a duré deux ans, dans les Ardennes françaises.
L’aventure étrangère de Toni a duré deux ans, dans les Ardennes françaises.© belga

Finalement, tu finiras par réaliser ton rêve de jeunesse en t’imposant enfin à Charleroi à 31 ans, après être d’abord repassé par Westerlo. C’était important pour toi?

Brogno: Pour moi, c’était un aboutissement, parce que j’étais un fan inconditionnel du Sporting. J’allais voir les matchs avec Dante et David depuis tout petit. C’était encore l’époque où on pouvait se déplacer où on voulait dans le stade. On se mettait toujours derrière le but où Charleroi attaquait. Et à la mi-temps, on changeait de côté. Là-bas, en 2004, j’ai retrouvé Jacky Mathijssen comme coach, le gardien de but contre qui j’avais marqué mon premier but en D1. Pour moi, c’était une manière de boucler la boucle aussi. Mais je n’oublie pas que tout cela n’aurait pas été possible sans le beau geste de Westerlo. Herman Wijnants savait que c’était un rêve de gosse pour moi de retourner à Charleroi et il a accepté de me louer pendant deux saisons en continuant de payer 80 % de mon salaire, mon assurance-groupe, tout, parce que Charleroi ne savait pas payer. Ce que Westerlo a fait pendant deux ans, je ne l’oublierai jamais.

Tu as côtoyé quelques fameux buteurs au cours de ta carrière. De Jochen Janssen à Joseph Akpala, en passant par Vedran Pelic, Tosin Dosunmu, Ousmane Bangoura, Izzet Akgul, Orlando, François Sterchele ou même Bjorn Ruytinx. Il y en a un avec lequel, tu as l’impression d’avoir partagé une complémentarité particulière ?

Brogno: Avec Vedran Pelic, c’était incroyable. C’était l’opposé de moi. Il était grand, il était lent, il avait un bon jeu de tête, il protégeait bien son ballon, jouait bien au foot, pas égoïste pour un sou. Un super gars avec qui j’avais une belle complémentarité. Vous allez rire, mais avec Bjorn Ruytinx, c’était bien aussi. Il était moins à l’aise avec le ballon, mais dans l’engagement, c’était une machine. Jouer avec un gars comme ça, c’est quand même très agréable.

Propos recueillis par Maurice Brun

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