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Standard : qu’on leur donne l’envie

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Après son fameux  » match référence  » contre Bruges, le Standard a proposé un très pâle  » match déférence  » face à Mouscron. Le problème est-il simplement dans les têtes ? Réponse ce week-end dans le clash avec Genk.

Bleu ciel pour Sébastien Pocognoli. Saumon pour Kostas Laifis et Moussa Djenepo. Jaune fluo pour Gojko Cimirot. Bleu roi pour Razvan Marin. Blanc pour Mehdi Carcela. Etc. Y’a pas à dire, quand on commence à s’intéresser à la couleur des pompes des joueurs, on est mal. Ça signifie surtout qu’il ne se passe pas grand-chose sur le terrain.

Devant, le Standard aurait bien besoin de l’un ou l’autre plan B. Mais il n’y en a pas.

Et donc, pendant toute la première mi-temps à Mouscron, on s’est par exemple concentré sur les godasses. Subitement, un cri du coeur est monté d’une tribune :  » Mais ils sont venus pour un point ou quoi ?  »

Deux semaines plus tôt, il y avait eu la démonstration contre le Club Bruges. Le  » match référence  » que le Standard version Michel Preud’homme attendait. Mais déjà ce soir-là, Paul-José Mpoku avait prévenu : avec ce club, on ne sait jamais, il risque à tout moment d’enchaîner par une prestation indigne. Samedi soir, Polo a confirmé, avec le sourire :  » Je vous l’avais dit…  »

Le coach a mis le doigt sur l’aspect tactique. Le staff n’avait pas prévu un Mouscron dans une configuration avec deux attaquants spécifiques, Frantzdy Pierrot et Mbaye Leye. Mais on parle ici d’un Pierrot incapable de mettre un ballon au fond et d’un Leye depuis longtemps à la recherche de ses sensations de puncheur. Cette explication tactique, et l’obligation de corriger le dispositif rouche à la mi-temps, ça tient la route. Mais il y a autre chose.

Face aux Brugeois, on avait vu des Liégeois en feu pendant une heure et demie. Des Liégeois galvanisés, portés par leur stade. Momentum éloquent : en fin de match, Djenepo, en plein mode provoc, s’était permis un petit grigri face à un adversaire, il avait commencé à presque danser sur le ballon. Ce qui avait immédiatement rendu Michel Preud’homme fou de rage devant son banc.

On ne sait pas exactement ce qu’il avait hurlé à son joueur, mais ça devait être du lourd. Dès la rentrée au vestiaire, il l’avait (gentiment) recadré avec un discours du style :  » Tu n’as pas le droit de ridiculiser un adversaire, car tu le retrouveras un jour sur ton chemin. Tu n’es pas conscient non plus que tu prends le risque qu’il te tacle dangereusement pour se venger.  » Il lui avait donné l’excuse de la jeunesse et de l’insouciance. Le grigri de Djenepo, ce n’était qu’un fait de match sans beaucoup d’importance mais il illustrait l’état d’esprit des joueurs du Standard dans un Sclessin chauffé à blanc. On est chez nous !

Culture de la victoire

Quand les Rouches reçoivent les champions en titre devant plus de 25.000 fous furieux, ils sont au taquet. Quand ils se produisent devant plus de 20.000 personnes à Anderlecht, ils ont la niaque. Là-bas, ils se sont inclinés dans les arrêts de jeu, une défaite imméritée après un match solide. Quand ils ont reçu La Gantoise en ouverture du championnat, ils ont aussi proposé une copie très sérieuse, synonyme de victoire. Bref, c’est un Standard digne du Standard qui s’est jusqu’ici produit contre les adversaires du top 6.

À côté de ça… Le Standard a perdu à Eupen et il totalise maintenant quatre matches nuls contre des équipes qui devraient être incapables de rivaliser avec un vice-champion sérieux : Charleroi, le Cercle, Waasland-Beveren et Mouscron. Et quand Knokke vient dans un stade de Sclessin à trois quarts désert, on a droit à un Standard catastrophique.

C’est de saison : qu’on leur donne l’envie ! Présent au Canonnier ce week-end, Philippe Albert a directement mis le doigt sur la plaie :  » Ce n’est pas la même chose de jouer à domicile, avec 27.000 fans qui vous poussent, ou en déplacement. Autant le Standard est capable de sortir un gros match chez lui contre Bruges, autant il peut décevoir loin de chez lui.  »

Ce manque d’envie a été confirmé par le staff et le groupe. Dès la mi-temps, en interview télé, Eric Deflandre a pointé le problème du soir.  » On manque d’envie « , a lâché l’adjoint. Après le match, Michel Preud’homme a confirmé :  » Il faut continuer à s’imprégner de la culture de la victoire. Il faut respecter toutes les équipes. Il y a aussi des bons joueurs à Mouscron, il ne faut pas croire.  »

Paul-José Mpoku a reconnu qu’il n’y avait pas eu  » la même faim que dans le match contre Bruges.  » Et Luis Pedro Cavanda a ajouté à son tour :  » Les joueurs de Mouscron avaient plus envie que nous.  »

 » On est bons dans les gros matches  »

 » On n’aura pas toujours notre stade derrière nous. Il faudra aller chercher la motivation ailleurs « , signale Michel Preud’homme.  » Mes joueurs ont prouvé contre Bruges qu’ils avaient envie de le faire. Il faut maintenant retrouver le même état d’esprit. Si on joue à 90 % du niveau affiché contre le Club, alors on pourra gagner beaucoup de matches.  »

Logiquement, on verra un autre Standard ce dimanche face à Genk. Ce Genk qui déroule en tête du classement, ce Genk sexy, c’est un adversaire qui doit galvaniser les Rouches. En quittant Mouscron, Renaud Emond sentait déjà bien le clash :  » Ce rendez-vous tombe bien parce qu’on est bons dans les gros matches.  »

Quelques joueurs illustrent parfaitement le malaise, le contraste dans la motivation entre les rencontres prestigieuses et les bêtes matches. Par exemple, Christian Luyindama est un monstre, un des meilleurs défenseurs centraux du championnat quand il est concentré et appliqué à 100 %. Mais quand la motivation n’y est pas, on retrouve le Luyindama brouillon de ses débuts en Pro League : manque d’agressivité, nonchalance et montées balle au pied parfois suicidaires dans le camp adverse.

Le constat est le même avec Luis Pedro Cavanda. On le sait depuis longtemps, il a énormément de foot dans les pieds. Il adore se porter très loin devant, il sait être spectaculaire à souhait, mais parfois on a des sueurs froides dès qu’il s’aventure dans le camp adverse parce qu’il est toujours susceptible de tenter un dribble synonyme de perte de balle et de contre-attaque meurtrière.

Razvan Marin est devenu un médian axial de haut vol avec Ricardo Sa Pinto, il a pris une nouvelle dimension lors de la remontée de la saison dernière et pendant les play-offs. Il continue sur sa lancée avec Michel Preud’homme, mais surtout dans les rendez-vous prestigieux : agressif à la récupération, juste dans le passing, efficace dans le jeu vers l’avant. Par contre, dans des matches insignifiants sur le papier, comme à Mouscron, on le voit très peu.

Le week-end dernier, la solution en milieu de terrain aurait pu / dû venir du duo Razvan Marin-Gojko Cimirot, mais ils étaient tous deux aux abonnés absents. Mehdi Carcela a aussi l’art de jouer à la carte. Il peut être somptueux quand l’adversaire est prestigieux. Dans d’autres moments, il disparaît un peu de la circulation. Il continue à essayer de faire la différence sur une action individuelle mais ça n’a pas le même tranchant et la même efficacité.

Sur les flancs, Paul-José Mpoku et Moussa Djenepo peuvent mettre le feu à certains moments, mais ils ont eux aussi de fréquents passages à vide. Le jeune Africain est peut-être à la recherche de son second souffle après un début de championnat sur les chapeaux de roue.

Manque de solutions de rechange

Le souci, quand ça ne veut pas tourner comme samedi dernier, c’est le manque de solutions de rechange. Le Standard a fait venir cet été des joueurs susceptibles de dynamiter une défense. On peut citer Samuel Bastien, Maxime Lestienne et Obbi Oulare. Bastien a d’ailleurs montré, dès le début du championnat, qu’il pouvait être un vrai renfort offensif. Il a clairement passé un palier lors de ses saisons en Italie. Mais il s’est vite blessé.

Renaud Emond :
Renaud Emond :  » Genk tombe bien parce qu’on est bons dans les gros matches. « © belgaimage

On sait aussi tout ce que Lestienne peut apporter devant le but adverse, par son côté frondeur et imprévisible. Lui aussi est à l’infirmerie et on n’a pas encore pu juger du bien-fondé de son transfert. Va-t-il s’offrir une nouvelle vie au Standard ou enchaîner par une énième aventure décevante ? On peut se poser la même question avec Obbi Oulare, lui aussi contrarié par des soucis physiques. Verra-t-on l’attaquant qui avait subitement ébloui notre championnat ou un Oulare à la ramasse comme il l’a été entre-temps ?

Et justement, devant, Michel Preud’homme aurait bien besoin de l’un ou l’autre plan B. Renaud Emond ne peut pas tout faire. Il joue énormément, il marque des buts, mais on a parfois l’impression que ça lui ferait du bien de souffler un peu. Mais qui, alors, pour prendre sa place ? Orlando Sá a fait plusieurs montées au jeu depuis son retour, mais on commence à se demander si c’est bien le vrai Sá d’hier que le Standard a rapatrié. Il est clairement à la recherche de ses sensations. La Chine, ça abîme un homme. Carlinhos pourrait être une autre solution offensive mais il continue à patiner.

On n’aura pas toujours notre stade derrière nous.  » – Michel Preud’homme

À Mouscron, le Standard aurait pu prendre les trois points. Parce que, si sa première mi-temps a été indigne, la deuxième a valu des vraies occasions de but. C’est la finition qui a fait défaut. Et c’est un souci récurrent des Rouches depuis le début de la saison. Ainsi, le Genk qui se déplace à Sclessin ce dimanche a marqué deux fois plus de buts. Le Standard n’a scoré que 17 fois en 11 matches. C’est un des clous sur lesquels il faut maintenant taper en priorité.

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