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Standard : préparer sa défense

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Toujours en chantier pour devenir l’équipe dont rêve Michel Preud’homme, le Standard a commencé sa mue au sein de sa ligne arrière. Un secteur où les qualités cumulées font sans doute de Sclessin le lieu le plus concurrentiel du pays en défense centrale.

Les Rouches traversent le pays en confiance. En posant les crampons sur la pelouse du Jan Breydel, Guillermo Ochoa a trois clean-sheets consécutives dans les gants, la dernière face à un FC Séville alors leader de la Liga. Le Mexicain, qui a déjà préservé ses filets inviolés à huit reprises toutes compétitions confondues cette saison, est le symbole de la solidité défensive installée par Michel Preud’homme depuis son retour à Sclessin.

La bande à Mehdi Carcela est sortie du top 6 ce week-end. La preuve que le chantier reste important

Comme lors de son passage à Bruges, le coach construit son équipe à partir de l’arrière. Les tâches ont été distribuées avec précision, et sont bien plus élargies que sous les ordres de Ricardo Sa Pinto, qui comptait souvent sur l’exubérance physique de Christian Luyindama pour sortir son système défensif de situations difficiles.

En possession de balle, surtout, l’arrière-garde liégeoise est beaucoup plus impliquée, puisque les dégagements d’Ochoa de l’autre côté de la ligne médiane sont devenus rares. Ces dernières semaines, pourtant, c’est surtout sans le ballon que la défense, renforcée par les titularisations du prodige belge Zinho Vanheusden, s’est mise en évidence.

SÉVILLE CONTRÔLÉ

Impériale dans le bourbier de Courtrai, insolente de facilité face à un Eupen impuissant, la ligne arrière rouche se présentait au devant d’une semaine bien plus complexe, entre la réception de Séville et le déplacement à Bruges. Quatre jours pour passer par tous les sentiments.

Même si les Andalous n’ont certainement pas joué pied au plancher à Sclessin, la victoire face à un ténor du championnat le plus relevé de la planète a des saveurs d’exploit. Pour l’occasion, Michel Preud’homme mise sur l’une des forces de son noyau.

 » C’est un problème d’avoir quatre bons défenseurs centraux « , confesse le coach liégeois, qui ajoute Milos Kosanovic, impeccable contre Eupen, à l’équation. Confronté à l’impatience et au talent de Vanheusden, couplés aux prestations abouties de Konstantinos Laifis et Luyindama, MPH opte pour une défense à trois face aux Sévillans, selon un précepte cher à Marcelo Bielsa – et donc à Emilio Ferrera – qui veut qu’il faut toujours jouer avec un défenseur de plus que le nombre d’attaquants adverses.

Bielsa jouait à Marseille ou à Lille avec une défense à quatre (qui devenait parfois une défense à deux face à des adversaires prudents) contre les 4-2-3-1, et passait à une défense à trois quand son opposant alignait un duo offensif. Face à Wissam Ben Yedder et Quincy Promes, Preud’homme opte pour une défense à trois, qui ouvre le couloir gauche à Moussa Djenepo, lancé dans un duel de marathoniens face à Aleix Vidal.

Zinho Vanheusden : un grand en devenir.
Zinho Vanheusden : un grand en devenir.© BELGAIMAGE

VANHEUSDEN L’ASSUREUR

Au centre du trio, Zinho Vanheusden donne de la voix. Le jeune Limbourgeois n’a pas peur de remettre ses aînés à leur place, ce qu’il doit faire plus souvent avec Luyindama qu’avec Laifis. Les décrochages du duo offensif sévillan, amenés à demander beaucoup de ballons à leur défense face à l’excellent pressing individuel mis en place par le Standard dans le milieu de terrain, sont suivis alternativement par les défenseurs liégeois, qui restent toujours en place à deux dans l’axe pour assurer une sortie de défense éventuellement ratée.

Rarement amené à s’aventurer hors de la ligne arrière, Vanheusden joue à l’assureur. Sa présence compense à la fois les erreurs trop fréquentes de l’impulsif Luyindama et le manque de leadership du discret Laifis.

Malgré quelques frayeurs, le match est conclu sans voir trembler les filets d’Ochoa. Le Standard possède trois des meilleurs défenseurs centraux du championnat, et le système de jeu du duo Preud’homme – Ferrera semble vouloir s’adapter à cette force. Quand une adaptation tactique permet de sortir un talent du banc, elle a toujours des airs de réussite.

L’EXEMPLE VENU DE GAND

L’histoire brugeoise est bien différente. Une grosse demi-heure suffit à Hans Vanaken et ses lieutenants pour claquer trois buts et éteindre la rencontre. Le plan est assez semblable à celui du jeudi, sans pour autant s’éloigner démesurément de celui qui avait permis aux Rouches de vaincre le champion brugeois à Sclessin quelques semaines plus tôt.

Plus encore que dans la ligne arrière, le coeur du plan réside au milieu de terrain, où des prises en charge individuelles sont effectuées par Razvan Marin, Gojko Cimirot et Samuel Bastien. Alignés aux avant-postes, Mehdi Carcela et Moussa Djenepo se concentrent sur les relances de Stefano Denswil et Benoît Poulain, laissant Brandon Mechele libre de sortir le ballon, étant donné qu’il est le moins habile de l’arrière-garde brugeoise dans ce domaine. Charge au duo de  » faux  » attaquants liégeois, accompagnés par Maxime Lestienne, de faire la différence une fois le ballon récupéré.

Le plan rappelle furieusement celui que Michel Preud’homme avait dégainé un peu moins de deux ans plus tôt, quand il avait enfin déjoué le système dominant des Gantois d’Hein Vanhaezebrouck. En agressant Sven Kums à chaque ballon reçu de sa ligne arrière et en privant de solutions la relance de Nana Asare, celui qui était alors coach des Gazelles avait imposé des un-contre-un sur tout le terrain qui tournaient alors à l’avantage de ses hommes. Un plan recyclé avec succès lors de la visite des Brugeois d’ Ivan Leko à Sclessin, pour l’une des prestations les plus abouties de ce nouveau projet liégeois.

LE PLAN DE LEKO

Leko, lui aussi, avait un plan. Conscient de l’idée de jeu mise en place par Preud’homme dans ce genre de duel, il a aligné quatre milieux de terrain derrière Wesley, qui ont passé une bonne partie de la première période à offrir des fausses pistes. L’idée était alors de créer une connexion directe entre Brandon Mechele et son attaquant brésilien, en ouvrant le milieu de terrain grâce à un entrejeu brugeois qui s’écartait pour libérer la zone centrale.

Après une première sortie de défense ratée, Mechele s’est ajusté, et a offert quelques ballons directs à Wesley, assez puissant et dangereux pour mobiliser l’attention de Vanheusden et Luyindama pendant que Laifis surveillait les traditionnelles infiltrations de Vormer. Après deux buts offerts en grande partie par le défenseur congolais, coupable d’un marquage aléatoire sur Denswil puis d’une sortie de défense à contre-temps (et pas compensée par Cimirot) sur Vanaken au moment du but d’ Emmanuel Dennis, c’est tout le dispositif liégeois qui a été transpercé par une montée balle au pied de Mechele au départ du but de Sofyan Amrabat, oublié par un Marin désorienté.

Abandonnée par un milieu de terrain perdu, la défense rouche n’a pas suffi pour arrêter l’hémorragie. Les certitudes de novembre peuvent-elles s’être envolées le temps d’un dimanche dans la Venise du Nord ? Comme pour prouver qu’il restait encore du travail pour faire des Liégeois une équipe régulière, la bande à Mehdi Carcela est sortie du top 6 ce week-end. La preuve que le chantier reste important. Michel Preud’homme ne l’a jamais caché. Tout le monde était prévenu.

ZINHO VANHEUSDEN, LE FAUX ADO
ZINHO VANHEUSDEN, LE FAUX ADO© BELGAIMAGE

Standard: préparer sa défense

ZINHO VANHEUSDEN, LE FAUX ADO

Le seul problème, avec Zinho Vanheusden, c’est qu’il n’est pas vraiment – et ne sera sans doute jamais – un joueur du Standard. Pour le reste, le défenseur de l’Inter étale un registre de patron en puissance. Contre Séville, il était le chef d’orchestre de l’organisation défensive des Liégeois, avec une personnalité qui tranche avec son jeune âge et son visage enfantin.

Passé maître dans l’art de la lecture des événements, jamais avare d’une faute discrète pour ralentir la course de l’attaquant adverse et compenser son manque de vitesse, Zinho possède déjà toutes les ficelles d’un métier de défenseur qui semblait presque oublié. Le football moderne a souvent fait passer la relance au premier plan pour juger de la qualité d’un défenseur, oubliant l’indispensable registre sans le ballon.

À l’aise en possession de balle, Zinho exprime pourtant ses plus belles qualités au moment de couper la trajectoire d’un centre, ou d’anticiper le décrochage de l’attaquant adverse.

CHRISTIAN LUYINDAMA, LE GUERRIER
CHRISTIAN LUYINDAMA, LE GUERRIER© BELGAIMAGE

Encore plus qu’individuellement, c’est collectivement que Vanheusden brille. Éduqué en Italie à l’art collectif de la défense, il n’a pas son pareil pour replacer ses hommes à la bonne hauteur, resserrer un espace un peu trop important ou étouffer la zone d’expression de l’attaquant adverse.

CHRISTIAN LUYINDAMA, LE GUERRIER

Son style appartient presque au passé. Il rappelle les plus belles heures d’Oguchi Onyewu, terreur des attaquants de notre championnat voici une dizaine d’années. Christian Luyindama est un colosse. Un défenseur armé d’un physique exubérant et d’une personnalité débordante, qui l’amène à prendre balle au pied des initiatives que son talent ne devrait pas lui permettre.

Luyindama fait peur. Lancé à la poursuite d’un attaquant, il ressemble parfois à un T-Rex qui fond sur sa proie dans un Jurassic Park. Presque intraitable dans les airs, doté d’une pointe de vitesse impressionnante, il compense par ces talents naturels un sens du placement souvent proche de la catastrophe, et des sautes de concentration qui l’amènent à offrir quelques buts par saison aux adversaires. Mais n’en sauve-t-il pas plus qu’il n’en coûte ? Jusqu’à présent, l’équation a toujours semblé se résoudre à son avantage.

KONSTANTINOS LAIFIS, L'ESTHÈTE DISCRET
KONSTANTINOS LAIFIS, L’ESTHÈTE DISCRET© BELGAIMAGE

Le colosse congolais est tellement effrayant que ses adversaires se sentent presque obligés de le démythifier. Lors de la visite de Charleroi à Sclessin, Felice Mazzù et Mario Notaro avaient insisté sur ses nombreuses erreurs dans leur théorie en vidéo. Comme pour écorner le mythe. Quelques heures plus tard, Luyindama a perdu un ballon dangereux après une sortie de défense débordant de confiance, mais a ensuite fondu sur Nurio pour le dévorer, récupérer le ballon et son aura.

KONSTANTINOS LAIFIS, L’ESTHÈTE DISCRET

Tous ses gestes semblent sortis du manuel du défenseur élégant. La relance, enjolivée par un pied gauche télégénique, manque rarement sa cible. Les duels défensifs sont souvent réglés par un tacle plus classieux que rugueux.  » Il est intelligent et hyper professionnel « , avance Michel Preud’homme.  » Il est sous-estimé.  »

Pourquoi n’est-on pas plus élogieux envers Konstantinos Laifis ? Peut-être parce que le Chypriote laisse toujours son football élégant au second plan. Être le patron d’une défense semble impossible pour lui, à cause d’une personnalité effacée sur le terrain. Quand Preud’homme et Emilio Ferrera disent à leurs défenseurs de s’inspirer des sorties de défense de Frenkie de Jong, le jeune prodige de l’Ajax, en début de saison, c’est Luyindama qui s’aventure le plus souvent hors de la ligne arrière balle au pied, alors que Laifis possède des qualités bien plus adaptées à ce rôle.

MILOS KOSANOVIC, LE QUATRIÈME HOMME
MILOS KOSANOVIC, LE QUATRIÈME HOMME© BELGAIMAGE

Incapable d’être le patron, le Chypriote est cependant le second central le plus élégant et l’un des plus fiables du pays. Rares sont ceux qui parviennent à le prendre à défaut dans un duel homme contre homme, malgré une pointe de vitesse pas toujours suffisante. S’il parvient à s’associer à un véritable patron, son avenir a tout pour être radieux.

MILOS KOSANOVIC, LE QUATRIÈME HOMME

Quand Michel Preud’homme met en lumière ses  » quatre bons défenseurs centraux « , c’est parce que Milos Kosanovic est sorti des oubliettes dans lesquelles il était plongé sous le règne de Ricardo Sa Pinto. Le Serbe, au pied gauche exceptionnel, est capable de créer le danger en une longue balle en profondeur ou sur n’importe quel coup franc – direct ou indirect – dans le camp adverse.

Si sa technique et sa capacité à assimiler les consignes du staff devraient lui permettre d’avoir un rôle en vue dans la plupart des clubs du championnat, sa difficulté à gérer la profondeur est un handicap au sein de ce Standard qui se veut dominant. Sans oublier que la concurrence est sans doute plus féroce dans le secteur à Sclessin que dans toutes les autres entités du Royaume. L’incarnation talentueuse d’un problème de luxe.

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