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Standard: la méthode Guy Luzon, une formation en alternance

Stephane Vande Velde

Le Standard de Guy Luzon a poursuivi son sans-faute en championnat en signant dimanche, face à Lokeren, un huitième succès en autant de rencontres. Mais quelle est donc la recette du coach israélien ?

Il est arrivé dans un chahut indescriptible. Deux mois plus tard, il a fait taire les déçus du départ de Mircea Rednic. Guy Luzon a réussi son examen de passage à Liège. Certes, grâce à un matériel de qualité qu’aucun de ses prédécesseurs (José Riga, Ron Jans et Rednic) n’a eu sous la main. Mais le nouvel entraîneur israélien du Standard a su imposer un style distinct des autres entraîneurs du Standard. Et surtout il forge des résultats, le nirvana de tous les entraîneurs du monde. Analyse du style Luzon.

Main de fer dans un gant de velours Guy Luzon a clairement deux personnalités. Celle d’un jeune entraîneur de 37 ans dont le discours, aussi minutieux soit-il, plaît aux joueurs car tout se fait dans un langage qui leur est propre. Son caractère volcanique plaît au public. Il arpente la touche, tel un comédien habité par son rôle. « Il est toujours en forme et en agissant de cette façon sur la touche, il espère transmettre son énergie à ses joueurs et montre qu’il veut gagner tous les matches. Il me donne parfois l’impression qu’il veut rentrer sur le terrain », explique son adjoint, Ivan Vukomanovic. Impossible de baisser les bras quand, sur la touche, ton entraîneur te met la pression et continue à haranguer les troupes !

Cependant, même si son âge le rapproche des joueurs, il sait ce qu’il veut. Lors du stage à Hoenderloo, il arrêtait ses séances sans cesse pour donner ses instructions. Par contre, conscient que les joueurs ne sont pas friands de vidéo, il n’en propose quasiment jamais sur l’adversaire. Avant les rencontres européennes, les Standardmen ne connaissaient quasiment rien de leurs opposants. « Il veut qu’on se concentre sur notre propre jeu sans que l’on s’embête à savoir ce que fait l’autre équipe », explique Frédéric Bulot.

Les vidéos servent avant tout pour les débriefings des matches passés. Et il n’est pas rare alors que Luzon propose deux séances. De ce fait, il s’assure que le message est bien passé. Car il ne déteste rien de plus que de voir ses joueurs répéter leurs erreurs.

Il aime protéger ses joueurs de l’extérieur. On ne l’entendra jamais dire du mal d’un de ses éléments. Le linge sale se lave dans le vestiaire. Cette politique lui permet de créer un bloc et un sentiment d’unité. A cela, vous rajoutez la rotation et vous obtenez un noyau concerné à 100 % par ce début de championnat.

Sa deuxième personnalité est plus discutable. Comme José Mourinho, il ne doute pas de ses capacités et dégage une confiance en lui débordante. A la limite de l’arrogance. S’il prend du temps pour séduire les supporters, il se limite au strict minimum vis-à-vis de la presse. A son arrivée, il ne concevait pas devoir expliquer ses choix et rechignait à parler des individualités. Sur ce dernier point, il a déjà fait machine arrière félicitant publiquement Geoffrey Mujangi Bia après la rencontre face au Lierse, et Julien de Sart après sa prestation à Minsk. Recadré par le service communication du club, il se montre plus ouvert auprès des journalistes. Cependant, on reste loin de la faconde d’un Rednic ou d’un Jans, et de la pédagogie d’un Riga. Luzon est là pour faire des résultats, pas pour plaire aux journalistes.

Néanmoins, s’il affiche un comportement sûr (mais parfois méfiant) vis-à-vis de la presse, il soigne sa com’ auprès des supporters. On l’a vu, à plusieurs reprises, aller serrer des mains après les matches de championnat. Et il n’a pas hésité à intégrer sa famille (femme et enfants) à cette démarche.

La rotation poussée à l’extrême Il n’est pas le premier entraîneur à agir de la sorte mais il a poussé le principe de rotation à son extrême, dans une logique plus proche des clubs anglo-saxons que dans celle du championnat de Belgique. Dès son premier match officiel, en alignant Dino Arslanagic (à la place de Laurent Ciman) et en faisant confiance au paria Geoffrey Mujangi Bia qui restait sur une bonne préparation, il a montré qu’il incluait tout le noyau dans sa réflexion. Lors du même match, il a lancé Dudu Biton, alors qu’au départ il comptait se débarrasser de tous les joueurs israéliens (ce qu’il a fait avec Maor Buzaglo et Rami Gershon) pour éviter qu’on parle de conflit d’intérêt et de la mainmise de son agent, Dudu Dahan, également conseiller de Buzaglo, Gershon et Biton.

Certains se sont demandés si ce principe de rotation n’allait pas nuire aux automatismes. D’autres ont souligné que cette rotation ne valait que pour l’Europe. Faux ! Si Luzon dégage une équipe-type pour les rencontres plus importantes, il a montré que le championnat rentrait dans sa logique de rotation.

Outre la cohésion du noyau, cette politique vise aussi à préserver la fraîcheur du noyau. Et sur ce point-là, Luzon a intégré deux choses : le calendrier dantesque du Standard en ce début de saison mais également le système des play-offs du championnat belge. John Van Den Brom, nouveau venu dans notre compétition la saison passée, avait découvert à ses dépens qu’une équipe doit atteindre son pic de forme en avril. Luzon a donc tout à fait raison de faire tourner son noyau et de préserver le plus possible ses titulaires. Ainsi, tous ont fait un séjour sur le banc ou dans les tribunes, même les plus endurants comme Yoni Buyens ou Van Damme.

Des révélations Dans les compositions d’équipe, Luzon a surpris peu de monde. Il garde le 4-4-2 de Rednic avec la même base (Eiji Kawashima, Kanu, Ciman, Van Damme, Buyens, William Vainqueur, Paul-José Mpoku, Batshuayi et Ezekiel) mais la réussite de sa tournante a permis d’instaurer une certaine concurrence. Notamment sur les ailes où Mpoku, Bia et Bulot se disputent les deux places. Dans l’axe de l’entrejeu, la blessure de Vainqueur a permis à Cissé, Marquet, de Sart et Alpaslan Öztürk d’emmagasiner du temps de jeu aux côtés de Buyens. Luzon a eu le mérite d’écouter ce qui se disait au Standard et de lancer Cissé à sa place de prédilection. Autre choix gagnant : le placement d’Öztürk au centre alors que tout le monde le connaissait davantage ailier.

Si Luzon n’a pas encore marqué les esprits par un coaching gagnant en cours de rencontres, ses choix de onze de base ont toujours été gagnants. Avec lui, on retrouve la même équipe organisée que sous l’égide de Rednic mais Luzon a encore davantage amélioré l’aspect défensif. « Il nous fixe des règles strictes à respecter sur le plan défensif alors qu’offensivement, on y va davantage à l’instinct », explique Ciman. « On ne doit pas prendre de risques dans nos 20 derniers mètres. Il nous engueule si on veut bien relancer et qu’on se loupe. Il préfère qu’on balance dans les tribunes. »

Mais c’est dans l’aspect pressing que le Standard a évolué. Sous Rednic, l’équipe, bien en place, attendait la faute de l’adversaire et misait sur la rapidité de ses deux flèches. Avec Luzon, le Standard n’attend pas mais provoque la faute par un pressing constant et très haut. Cela coûte énormément d’énergie et cela explique aussi la volonté de Luzon de préserver le plus possible la fraîcheur de ses hommes. « On doit presser en bloc, chacun dans sa zone. Certes, on doit courir mais pas n’importe où, n’importe quand », dit Bulot.

Autre caractéristique de ce Standard version Luzon : la volonté de débuter les matches sur les chapeaux de roue. « Nous voulons étouffer l’adversaire d’entrée de jeu », avait reconnu Vukomanovic avant le match face à OHL. Cela a parfaitement marché à Genk et à Mons, contre le Lierse et Xanthi. Frapper tôt permet de pouvoir miser sur les contre-attaques, l’arme préférée de la division offensive. Cela génère également moins de pression. « En commençant fort, tu fais peur à l’adversaire, tu le perturbes et l’empêche de développer son jeu et tu te mets en confiance », conclut Bulot.

Stéphane Vande Velde

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