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Standard: comment Collins Fai a retrouvé son niveau

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Pourquoi et comment le Camerounais de poche a déjà réussi à faire oublier une saison 2019-2020 qui a été la plus triste de sa carrière.

Sa femme l’appelle Doudou, ses coéquipiers le surnomment Tonton. Collins Fai est un meuble dans le vestiaire du Standard, une force tranquille. Le plus ancien joueur du noyau, si on excepte les va-et-vient de Mehdi Carcela. Et surtout un joueur à nouveau en pleine bourre. Le Camerounais affiche un temps de jeu maximal depuis le début de la saison. Et ça, c’est une surprise parce que sa saison 2019-2020 a été un petit fiasco.

Depuis son arrivée en Europe, il réussit un centre sur deux.

Rappel. Été 2019, le Standard fait venir Mërgim Vojvoda et Nicolas Gavory. Un back droit, un back gauche. Et ça, pour Fai, c’est un petit drame sportif. Parce que Michel Preud’homme croit à fond en ses deux renforts et les aligne semaine après semaine. Fai peut jouer des deux côtés, il le prouve depuis plusieurs années. En quelques mois, il a par exemple enchaîné une Coupe d’Afrique des Nations à droite puis une Coupe des Confédérations à gauche. Avec la même réussite.

À cause de Vojvoda et Gavory, il doit se contenter de dépannages, et le plus souvent de matches entiers passés sur le banc. Sans broncher, sans mettre le souk dans le vestiaire parce que ce n’est pas son genre. Il préfère souffrir en silence, signaler qu’il est toujours prêt si on a besoin de lui. Et conseiller entretemps les jeunes en reprenant le rôle de guide autrefois occupé dans le même vestiaire par son compatriote Eyong Enoh. Un rôle qu’il tient aussi en sélection camerounaise : c’est lui qui dirige les séances de prière.

Vojvoda à Torino, ça n’explique pas tout

La vente de Mërgim Vojvoda à Torino, il y a quelques semaines, c’est un tapis rouge déroulé devant Collins Fai. Que ce soit dans l’occupation à quatre derrière ou dans le dispositif avec trois défenseurs centraux, il n’a plus un vrai concurrent dans les pattes. Mais ce n’est pas seulement grâce à ça qu’il a systématiquement les faveurs de Philippe Montanier. Dès les premiers matches de la saison, il était déjà dans l’équipe de départ. Vojvoda était encore là, mais appelé en dépannage dans l’axe pour solutionner la suspension de Zinho Vanheusden. Et donc Fai au back droit.

Quand le système de Montanier a évolué, avec une défense à trois, Fai a été nommé sur le flanc droit. Avec moins de boulot défensif et donc la possibilité de mieux se concentrer sur un de ses points forts : les centres à destination du front d’une des tours de l’équipe, Felipe Avenatti ou Obbi Oulare. Et ça marche. Non pas que son nombre de passes décisives explose les compteurs depuis l’ouverture du championnat, mais pour ça, il faudrait encore que les attaquants de pointe soient un peu plus inspirés. À titre de comparaison, les stats de Collins Fai depuis qu’il joue en Europe, avec le Dinamo Bucarest et le Standard, indiquent un peu plus de 50% de centres réussis, alors que Vojvoda plafonnait à 40%.

Alors, heureux ?

Collins Fai présente la particularité d’avoir toujours gardé la nostalgie de la Roumanie, un pays pourtant pas réputé pour l’accueil réservé aux Africains. Il s’est éclaté à Bucarest et a adoré la collaboration avec Mircea Rednic, qui a d’ailleurs été à la base de son arrivée chez nous. Celui-ci l’a également qualifié de meilleur défenseur latéral de notre championnat et estime qu’il ne lui manque qu’une dizaine de centimètres pour être parfait. Fai le considère comme son deuxième père. Quand Rednic a compris que son défenseur ne prolongerait pas au Dinamo, il a mis le Standard sur le coup. Montant du transfert : 150.000 euros ! Une plume au chapeau de Daniel Van Buyten, qui avait à l’époque poussé pour sa venue. Et donc, quand ça ne voulait pas rouler pour lui la saison passée, Fai a plus d’une fois repensé à son premier pays européen d’adoption. Celui qu’il avait quitté avec des larmes dans les yeux au moment où le transfert avait été finalisé. Il savait qu’il allait évoluer dans un meilleur championnat et mieux gagner sa vie, mais il était sûr aussi que Bucarest allait lui manquer.

Il a donc connu des hauts et des bas depuis le début de ses aventures européennes. Mais Fai, c’est aussi une petite machine à collectionner des trophées. Depuis son arrivée à Liège en janvier 2016, il a remporté deux éditions de la Coupe de Belgique, mais aussi la Coupe d’Afrique des Nations avec Hugo Broos. Dans un vestiaire liégeois où il y a surtout des joueurs qui n’ont pas encore gagné grand-chose, ça facilite son rôle de leader naturel. Ses coéquipiers sont unanimes : il parle peu mais dès qu’il l’ouvre, tout le monde l’écoute religieusement.

Prochains objectifs : améliorer ses chiffres bruts

Collins Fai est à l’opposé du cliché du footballeur bling bling. On raconte qu’à l’Académie, son casier est le plus ordonné du vestiaire. Et le coup du vestiaire débarrassé après le match à Beveren en début de saison, c’était lui, avec Selim Amallah. Revenant de la conférence de presse, alors que leurs coéquipiers étaient déjà dans le bus, ils ont vu ce vestiaire sens dessus dessous et ont vite remis un peu d’ordre.

Le gars est à nouveau bien dans sa tête. Le courant est passé dès le premier jour avec son coach français. Fai se sent comme un poisson dans l’eau dans son nouveau rôle, plus haut sur la pelouse. Il sait qu’avec un Vanheusden dans son dos, il est couvert et peut donc plus penser vers l’avant. Il continue à courir, une dizaine de kilomètres par match. Prochains objectifs : améliorer ses chiffres bruts. Depuis son arrivée à Liège, il n’a pas encore atteint la vingtaine d’assists, il sait que c’est insuffisant vu ses qualités de centreur. Et il doit continuer son travail de canalisation de sa fougue. Broos, qui l’a qualifié de guerrier, a commencé à bosser là-dessus avec lui, mais le boulot n’est pas terminé. Près de quarante avertissements et deux cartes rouges directes, c’est beaucoup.

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